Un père inconnu
132 pages
Français
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Description

"Mon père, cet inconnu, comment le décrire ? Ce monsieur est pour moi une silhouette. J'aurais été plus à l'aise de vous décrire ma maman. C'est avec elle que je vis et c'est elle que je vois à mon retour d'école. C'est elle qui me met au lit et me réveille le matin pour l'école. Ce monsieur, l'inconnu, je le sens dans mon esprit engourdi alors que je suis au lit. À quelle heure est-il rentré, je ne saurai vous le dire. Je sens le froufrou de ses grosses bottes résonnant dans la maison, dans la nuit calme. Cet inconnu que je décris est mon père..."

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Informations

Publié par
Date de parution 12 mars 2019
Nombre de lectures 16
EAN13 9782140116360
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dakiswendé Sylvain Moïse TIENDREBEOGO
UN PÈRE INCONNU Roman
Préface de Baba HAMA
Dakiswendé Sylvain Moïse TIENDREBEOGO UN PÈRE INCONNU Roman
L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16680-3 EAN : 9782343166803
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À la police, ma famille, ma communauté.
PRÉFACE
L’ouvrage de Dakiswendé Sylvain Moïse TIENDREBEOGO est celui d’un récit à double inconnu. Certes, le titre «Un père inconnu» renvoie au sentiment de la petite Matenbix (qui est en réalité le personnage principal), mais le lecteur se trouvera aussi dans cette même position en parcourant le roman. Nous sommes en effet nombreux tout comme Matenbix à voir chaque jour un ou des policiers en faction, sans jamais les connaître. Ces hommes et ces femmes de tenue qui nous rendent service ne sont parfois que des silhouettes familières dont nous ignorons tout de leur vie. Passe encore s’il ne s’agit que de l’indifférence à leur existence en tant qu’êtres, mais le comble, c’est l’aversion manifeste à leur égard qui se traduit par des agressions verbales ou physiques. C’est tout le paradoxe entre les vertus qu’ils incarnent, leur sacerdoce, leur dévouement au service de l’ordre public et le traitement qu’ils subissent bien souvent dans l’exercice de leur fonction. Sous la plume de Dakiswendé Sylvain Moïse TIENDREBEOGO, (lui-même policier de son état), le roman « Un père inconnu » est un plaidoyer pour plus de considération et de respect à un corps de métier, voué à la préservation de la quiétude et au bien-être des citoyens et qui est payé en retour en monnaie de singe.
Le déclic intervient à la faveur d’une innocente épreuve de «Rédaction» qui donne l’occasion à Berthelle la fille du policier Emerton, d’exprimer le vide que laisse son père, toujours absent, le manque d’affection dont elle souffre en silence, tout comme la résignation de sa mère qui semble avoir épousé une ombre. La maîtresse, puis la directrice de l’école sont saisies d’émoi voire de compassion, et le lecteur avec elles. Le déclic se mue en décision d’agir pour changer la situation. L’action qu’entreprennent les deux femmes ne vise pas seulement à ramener un père à la maison, mais bien plus, à redorer le blason d’un corps de métier dont on ne mesure l’importance et l’utilité qu’en cas de pépins ou de besoin d’un service. Dakiswendé Sylvain Moïse TIENDREBEOGO ne fait pas que plaindre le sort de ses collègues policiers. Il laisse percevoir volontiers entre les lignes, un héroïsme au quotidien. La bravoure, l’endurance, le don de soi, le sens du sacrifice, le patriotisme, le service public sont exaltés à travers le personnage d’Emerton. Le « happy end » que le lecteur pouvait espérer et pour Matenbix et pour Berthelle n’aura cependant pas lieu. Cela ajoute à l’histoire une note de fatalisme, comme si ce père inconnu devrait rester inconnu. Baba HAMA Journaliste et écrivain
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PREMIÈRE PARTIE
La grosse horloge fixée sur la muraille du salon sonnait six heures du matin. La table dressée attendait ses occupants pour le petit déjeuner. Assise entre ses deux parents Matenbix buvait doucement son lait accompagné de pain beurré fourré de saucissons. Toute silencieuse, elle réfléchissait au parcourt menant à son école située dans la zone à activités diverses de la capitale. Pour y arriver, il fallait parcourir une distance de 3 km après avoir poiroté dans des bouchons terribles. Les immeubles longeant l’avenue étaient très jolis, peints de belles fleurs et barbouillés de dessins d’enfants de la rue, des danseurs de warba de Zorgho. Le voyage vers l’école est riche en couleurs et en enseignements. Ces différents graffitis racontaient l’histoire du pays. Chaque jour, on pouvait découvrir un détail qui vous avait échappé la veille. Le parcours était loin d’être ennuyeux. Cependant, ce qui préoccupait plus la petite c’était ce monsieur du haut de ses 1m 85 légèrement frêle qu’elle voyait toujours au même endroit avec les mêmes gestes. Elle les avait plus ou moins intériorisés. Plongée dans ses pensées elle ne se rendait pas compte que ses parents lui parlaient depuis un bon bout de temps. Comment peut-on être endurant jusqu’à ce point. A 6 heures 45 quand le véhicule passe, il est là, imperturbable. À
12 heures, lorsqu’elle rentre de l’école, il est toujours là, dans la même posture ne laissant apparaitre aucun signe de fatigue. 14 heures 30 le monsieur toujours souriant rend service aux passagers et aide ceux qui ont des difficultés. Elle s’inquiétait beaucoup pour cet inconnu qui pourtant n’avait aucun lien avec elle. Comment est-ce possible ? À t-il des enfants, de la famille, sont-ils heureux ? Certainement il devra être un papa gentil. Elle poussa un soupir si fort que ses parents furent obligés de la sortir de sa torpeur. Il faut que tu termines ta tasse, nous serons en retard ; dépêches toi ma fille. Il faut qu’on y aille Matenbix, lui dit sa maman. Matenbix venait de finir son petit déjeuner, le chauffeur l’attendait déjà dans le véhicule. La fille de maison avait préparé et réservé son gouter, qu’elle prendra après les cours, à la recréation. Pendant qu’elle s’activait, ses parents déjà prêts l’attendaient au perron de la maison. Elle s’avançait timidement vers eux le sac sur le dos, suivie à l’arrière par la fille de ménage qui tenait le gouter. Je suis prête maman, nous pouvons y aller, je suis pressée ! Maintenant c’est toi qui es pressée, avez-vous des exercices à faire avant la classe ? Non maman, je dois le voir avant l’école Dis- moi ma fille qui dois-tu voir avant les classes ? C’est mon secret maman, je garde cela pour moi. Je te le dirai un de ces jours. Allons ! Sa maman jeta un regard inquisiteur vers son mari. Un instant d’interrogation s’empara d’eux. A présent, le temps de réflexion est passé à l’autre camp. Sa maman se demandait, qui sa fille voudrait bien voir avant d’aller à l’école. Si elle était aussi avancée en âge, elle pouvait d’une manière ou d’une autre comprendre, mais une gamine de dix
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ans, elle n’a pas à s’inquiéter. Bon se dit-elle de toute façon, je reviendrai après là-dessus ; pour le moment le temps presse. Etienne, lança Monake, le père de Matenbix ; si tu es prêt on s’en va. Oui patron, répondit-il en mettant le moteur en marche. La famille faisait la moitié du trajet ensemble. Chaque matin, Etienne devrait déposer d’abord son patron Monake à la sociétéWake-up de fabrique et distribution de conserve de tomate. Monaké est le président directeur général de la société depuis dix ans. La famille se déplace avec un seul véhicule, afin de pouvoir échanger ensemble et maintenir la chaleur familiale. Il aime bien sa famille et s’investit beaucoup pour qu’elle ne manque de rien. Monaké est issu d’une famille très pauvre. Au prix de multiples sacrifices, son papa a payé de sa vie pour qu’il puisse réussir. Son père travaillait dans une carrière, où il concassait le granite afin de le revendre. Il le faisait à l’aide de pioches et de pics. Il le faisait par la force de ses bras endoloris. Il se sacrifiait pour sa famille car pour lui ses enfants ne devront pas subir ce que lui il a subi et c’est la seule opportunité qui s’offre à lui. Travailler et toujours travailler. Le soir venu, sa femme chauffait de l’eau et l’appliquait sur ses mains endoloris. Après cela, elle appliquait du beurre de karité afin de ramollir la peau des mains crevassée. A l’aide d’une lame, elle découpait les excédents de peau qui se développaient à force de manipuler les pics et les pelles. Il ne s’en plaignait jamais, seule maman Kondobo soupirait à chaque fois qu’elle l’apercevait. Elle savait combien le travail était harassant. Elle lui demandait de se reposer un peu. Mais, elle savait aussi qu’il ne l’écouterait pas. Pendant qu’elle faisait les pansements des
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