Simples contes des collines
122 pages
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Simples contes des collines , livre ebook

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Description

Extrait : "Elle était la fille de Sonoo, un homme des collines de l'Himalaya et de sa femme Jadéh. Une année, leur maïs ne rendit pas et deux ours passèrent la nuit dans leur unique champ de pavots, qui était juste au-dessus de la vallée du Sudledge, sur la rive de Kotgarh. Aussi, à la saison prochaine, ils se firent chrétiens et apportèrent leur bébé à la mission pour le faire baptiser."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782335126259
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335126259

 
©Ligaran 2015

Préface


Dans l’Inde septentrionale, il y avait un monastère appelé le Chubára de Dhunni Bhagat. Personne ne se rappelait qui était Dhunni Bhagat ni quelle profession il exerçait en son temps. Il avait vécu sa vie, ramassé un peu d’argent et, comme c’est le devoir d’un bon Hindou, dépensé le tout à édifier une œuvre de piété – le Chubára. Cela abondait en cellules aux murs de briques, avec d’éclatantes peintures qui représentaient des dieux et des rois et des éléphants, et des prêtres décrépits venaient s’y asseoir et méditer sur la fin dernière des choses : les allées étaient pavées de briques, et les pieds nus de milliers de fidèles y avaient creusé de vraies rigoles. Des bouquets de manguiers s’élançaient d’entre les briques ; de grands arbres se penchaient au-dessus de la manivelle du puits qui geignait tout du long de la journée ; et des armées de perroquets passaient à tire d’aile à travers les arbres. Les corneilles et les écureuils étaient ici domestiqués, car ils savaient bien que pas un prêtre ne les toucherait jamais.
De cent milles à la ronde, mendiants errants, vendeurs de charmes et vagabonds en odeur de sainteté venaient visiter le Chubára et s’y reposer. Mahométans, Sikhs et Hindous frayaient sur un pied d’égalité à l’ombre des arbres. Ils étaient vieux, et quand l’homme est parvenu aux tourniquets de la Nuit, tous les dogmes du monde lui semblent merveilleusement semblables et décolorés.
Je tiens la remarque de Gobind le borgne. C’était un saint homme qui vivait sur une île au milieu d’une rivière et qui deux fois le jour jetait en pâture aux poissons de petites boulettes de pain. Dans la saison des grandes eaux, quand des cadavres bouffis venaient s’échouer au pied de l’île, Gobind veillait à ce qu’ils fussent pieusement, brûlés, pour l’honneur de l’humanité et en prévision du compte qu’il rendrait un jour à Dieu.
Mais quand les deux tiers de l’île furent emportés par une crue soudaine, Gobind vint à travers la rivière jusqu’au Chubára de Dhunni Bhagat, lui, son vase à boire de cuivre jaune avec la corde du puits autour du goulot, sa courte béquille à reposer le bras semée de clous brillants, sa paillasse, sa grande pipe, son parasol et son haut chapeau en pain de sucre où se balançaient des plumes de paon. Il s’enveloppa de sa courtepointe rapiécée où se mêlaient toutes les couleurs et tous les tissus connus, s’assit dans un coin ensoleillé du silencieux Chubára, et, appuyant le bras sur sa béquille court-emmanchée, il attendit la mort. On lui apportait des aliments et des poignées de fleurs de souci et en retour il donnait sa bénédiction. Il était presque aveugle, et sa figure était couturée, ridée et plissée au-delà de toute croyance, car il avait vécu dans son temps, qui était avant que les Anglais fussent arrivés à plus de cinq cents milles du Chubára de Dhunni Bhagat.
Quand nous eûmes bien lié connaissance, Gobind me disait des contes, d’un ton de voix qui rappelait à s’y méprendre le roulement lointain de lourds canons sur un pont de bois. Ses contes étaient vrais, mais pas un sur vingt ne pourrait être imprimé dans un livre anglais, parce que les Anglais ne pensent pas comme les indigènes. Ils rêvent sans fin à des choses qu’un indigène chasserait de sa pensée jusqu’à une occasion favorable ; et un sujet qui n’arrêtera pas une seconde leur attention occupera l’esprit d’un indigène jusqu’à l’occasion favorable : le résultat c’est que, d’un bord à l’autre d’un profond abîme de malentendu, indigènes et Anglais se regardent effarés, sans espoir de s’entendre.
– Et quel est votre métier honoré ? me dit Gobind un dimanche soir. De quelle façon gagnez-vous votre pain quotidien ?
– Je suis, dis-je, un kerani – un qui écrit avec une plume sur du papier, sans être au service du gouvernement.
– Alors qu’écrivez-vous ? dit Gobind. Approchez-vous, car je ne puis voir votre visage, et la lumière manque.
– Je prends pour sujet de mes écrits tout ce qui est à la portée de mon intelligence et bien des choses qui passent mon intelligence. Mais par-dessus tout je traite de la Vie et de la Mort, et des hommes et des femmes, et de l’Amour et du Destin, selon la mesure de mes talents, mettant le conte dans la bouche d’un, deux ou plusieurs personnages. Puis, par la grâce de Dieu, les contes se vendent et il m’en revient de l’argent par quoi je me maintiens en vie.
– Précisément, dit Gobind. C’est là le travail du conteur de bazar ; mais lui parle tout franc aux hommes et aux femmes et il n’écrit rien du tout. Seulement quand l’histoire a piqué la curiosité des auditeurs et que les catastrophes vont fondre sur les bons, il s’arrête tout court et il exige qu’on le paie avant de reprendre son récit. En est-il ainsi dans votre corps de métier, mon fils ?
– J’ai entendu parler de quelque chose d’analogue quand un conte est très étendu, et qu’il se vend comme un concombre, par petites tranches.
– Ah ! c’est moi qui étais jadis un diseur d’histoires renommé, quand j’allais mendiant sur la route qui va de Koshin à Etra ; c’était avant le dernier pèlerinage que j’ai fait, et que je ferai jamais, à Orissa. J’ai raconté bien des histoires et j’en ai entendu raconter bien d’autres dans les maisons de repos, le soir quand on était gai après la marche de la journée. Mon cœur me dit qu’en matière de contes, les grandes personnes ne sont que de petits enfants, et que le plus vieux conte est aussi le plus aimé.
– Chez vous, c’est vérité, dis-je. Mais les gens de mon peuple désirent des contes nouveaux, et quand tout est écrit, voilà qu’ils se lèvent et déclarent que l’histoire serait meilleure, contée autrement, et ils mettent en doute la vérité des faits ou votre part d’invention.
– Mais quelle folie est la leur ! dit Gobind, brandissant sa main noueuse. Une histoire qui est racontée est une histoire vraie tant qu’en dure le récit. Et quant aux remarques de ces gens-là – vous savez ce que Bilas Khan, qui était le prince des conteurs, a répondu à quelqu’un qui le raillait dans la grande maison de repos qui est sur la route de Jhelum : « Continue, mon frère, et finis ce que j’ai commencé », et le railleur reprit le récit, mais n’ayant ni voix ni talent à apporter à la tâche il dut bientôt s’arrêter, et les pèlerins à souper le nourrirent d’injures et de coups de bâtons la moitié de cette nuit-là.
– Non, mais chez nous, du moment qu’on a donné de l’argent, c’est le droit de l’acheteur ; tout comme nous nous en prendrions au vendeur de souliers de la mauvaise qualité de nos souliers, s’ils s’usaient trop vite. Si jamais je fais un livre, vous le verrez et vous serez juge.
– Et le perroquet dit à l’arbre qui tombait : « Attends, frère, que j’aille te chercher un support ! » dit Gobind avec un petit rire de froide ironie. Dieu m’a donné quatre-vingts ans, et peut-être quelques années de plus. À cet âge, je ne puis guère regarder au-delà de la journée qui m’est mesurée à nouveau chaque jour, comme par faveur. Hâte-toi.
– De quelle façon convient-il que je me mette à la tâche, dis-je, ô chef suprême de ceux qui égrènent des perles avec leur langue ?
– Comment le saurais-je ? Pourtant – il médita un instant – comment ne le saurais-je pas ? Dieu a créé bien des têtes, mais dans le monde entier, chez ton peuple ou chez le mien, il n’y a qu’un cœur. Ce sont tous des enfants en matière de contes.
– Mais il n’y en a pas de si terribles que les petits, quand on déplace un mot ou que, racontant l’histoire une seconde fois, on oublie de mentionner ne fût-ce qu’un unique diablotin.
– Oui, j’ai raconté, moi aussi, des histoires aux petits, mais voici ce que tu dois faire… – Le regard de ses vieilles prunelles tomba sur les peintures éclatantes du mur, sur le dôme bleu et rouge et sur les flammes des poinsettias au-delà. – Parle-leur d’abord des choses que tu as vues et qu’ils ont vues aussi. Ainsi leur connaissance suppléera à tes imperfections. Parle-leur de ce que tu es seul à avoir vu

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