Eloge de l éléphant
46 pages
Français

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Description

Suivez Jules Brossard de Corbigny dans un voyage merveilleux et étonnant à dos d'éléphant

En 1871, Norodom envoie une caravane, étrange et somptueuse, à Bangkok pour le retour des princesses cambodgiennes retenues par le roi de Siam. Jules Brossard de Corbigny (1841-1934), alors représentant de la France au Cambodge, en profite pour se joindre à la caravane et traverse ainsi à dos d’éléphant l’intérieur du Cambodge. Outre son témoignage exceptionnel sur le pays khmer, Brossard de Corbigny livre un éloge insolite de la monture des rois.

Récit publié dans la Revue maritime et coloniale en 1872 sous le titre De Saigon à Bangkok par l’intérieur de l’Indochine, notes de voyage – janvier-février 1871.

Une autobiographie envoûtante, tant par l'exotisme qu'elle propose que par le style captivant de l'auteur

EXTRAIT

Le royaume du Cambodge. – Au nord de la Cochinchine française, entre les cent et cent cinquième degrés de longitude est de Paris, existe un petit royaume dont la superficie pourrait être comparée à celle du Portugal. Il s’appelle le Cambodge, comme le grand fleuve qui le traverse du nord au sud. Phnom Penh, sa capitale, admirablement située au centre du pays, se trouve en même temps au sommet du delta qui fertilise de ses mille bras la basse Cochinchine, notre colonie de l’Extrême-Orient. Deux rois règnent sur le Cambodge, mais un seul y gouverne. Au premier roi appartient la couronne, le pays est à lui. Sur le théâtre de la politique, le second roi n’est qu’une doublure toujours prête à remplir le rôle principal, rôle qui lui-même n’exige guère d’études approfondies et ressemble en tout point à celui que le roi de Siam joue sur une plus grande scène, à Bangkok. Les mœurs, les lois, les usages, le costume des Cambodgiens sont, en effet, l’exacte copie de ce qu’on observe à Bangkok.

A PROPOS DE LA COLLECTION

Heureux qui comme… est une collection phare pour les Editions Magellan, avec 10 000 exemplaires vendus chaque année.
Publiée en partenariat avec le magazine Géo depuis 2004, elle compte aujourd’hui 92 titres disponibles, et pour bon nombre d’entre eux une deuxième, troisième ou quatrième édition.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Jules Brossard de Corbigny était un officier de marine français. Né à Orléans le 14 avril 1841 et mort le 16 décembre 1934. Il accompagna dans sa mission en Annam et au Cambodge son frère Charles-Paul.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782350744360
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA MONTURE DES ROIS KHMERS
Pr sent par milie Cappella
Jules Brossard de Corbigny (1841-1934) tait lieutenant de vaisseau avant d tre nomm , du 11 novembre 1870 au 1 er janvier 1871, repr sentant du protectorat fran ais au Cambodge. Son histoire se confond ensuite avec celle de son fr re, dont il consigne les exp ditions : Charles-Paul Brossard de Corbigny (1822-1900), ancien polytechnicien que l on peut qualifier d officier-diplomate, prend en 1875 le commandement d une mission en Annam dont Jules est l historiographe. Quant la vie du cadet avant et apr s l Indochine, son secret est peut- tre enfoui dans les archives de Meung-sur-Loire, dans le Loiret, o il meurt en 1934.
Phnom Penh n est encore qu une ville naissante. En 1866, le roi Norodom a transf r sa capitale dans ce village o il a t officiellement sacr le 3 juin 1864, apr s la signature du trait franco-cambodgien qui place le Cambodge sous protectorat fran ais pour le prot ger des ambitions siamoises. En janvier 1871, fort de son ind pendance face au puissant Siam, Norodom d cide d envoyer chercher les princesses de sa famille retenues par le roi de Siam Bangkok. cet effet, il appr te une caravane somptueuse de soixante-huit l phants digne des Mille et une nuits . Jules Brossard de Corbigny, qui vient d achever sa mission de repr sentant fran ais Phnom Penh, r side alors Saigon. Mais le jeune homme de trente ans m dite depuis longtemps un voyage dans " cette contr e encore d serte, sur nos cartes, qui s tend de la vall e du Cambodge aux rives du M nam , de sorte qu il profite des relations nou es avec le roi du Cambodge pour se joindre la caravane et traverser ainsi, dos d l phant, l int rieur du royaume. D embl e, il rejette le r ve f erique associ la caravane orientale et refuse de se laisser prendre au clich litt raire de l exotisme merveilleux : " Laissons donc croire que les princesses opprim es sont belles comme le jour ; que les princes de ces cours sont magnifiques et chevaleresques, et leurs ambassadeurs charg s de pierres pr cieuses et de talismans merveilleux. Quant nous, habitu s depuis longtemps aux r alit s qui nous entourent, toute illusion est impossible, et nous ne voyons dans cette mission extraordinaire qu une facilit de plus pour traverser un pays presque inconnu, et observer de pr s les m urs des indig nes et de leurs curieuses montures.
Du d part de Phnom Penh le 6 janvier l arriv e Bangkok le 19 f vrier, le r cit de Jules Brossard de Corbigny offre un t moignage remarquable sur le pays khmer. Il s attarde notamment sur la province de Battambang, conquise par Jayavarman II (821-850), fondateur de la puissance angkorienne. Il observe avec int r t les moindres d tails de la vie cambodgienne, ses m urs, son conomie, les usages des mandarins, des bonzes et des paysans ; il d crit la vice-royaut de Battambang, visite les pagodes, ruines et autres monuments khmers. Cependant, loin de pr tendre une vue d ensemble, le diplomate en voyage laisse ce soin ses coll gues scientifiques, pour privil gier une vision fragmentaire selon un proc d agr able au lecteur : tout au long du p riple, il recueille des observations et consigne de petites anecdotes auxquelles il donne un titre, d coupant ainsi son texte en notices th matiques.
Le sujet r current de ce documentaire est le moyen de transport lui-m me, c est- -dire l l phant. L r side l originalit du texte qui parcourt toute la gamme des affects, depuis la moquerie jusqu au regret amoureux. Au d but du voyage, en effet, la monture royale subit l ironie de son passager sceptique : " Prenez sans crainte telle posture qui vous conviendra. Pourvu que vous ne soyez ni couch , vous n auriez pas votre longueur, ni assis, vos pieds ballotteraient en dehors, ni debout, le d me est trop bas, ni n importe comment, vous pouvez vous mettre l aise : le palanquin bien attach ne tombe jamais. Mais le spectacle pittoresque de la caravane et les tonnantes m urs l phantesques s duisent bient t le narrateur, qui finit par consid rer les l phants comme de v ritables compagnons de voyage. Ainsi perd-il l app tit et le go t d crire lorsque l ambassade cambodgienne renvoie les l phants et leurs cornacs chez eux, car elle quitte la route de terre pour rejoindre Bangkok par le fleuve.
Cet heureux loge de l l phant d Asie va n anmoins de pair avec un regard sarcastique sur les hommes, par une conversion du c ur ordinaire aux Occidentaux qui parcourent l Asie la fin du XIX e si cle. Les m urs des l phants y semblent, il est vrai, moins cruelles que celles des hommes.
L orthographe des noms propres a t modernis e. R cit publi dans La Revue maritime et coloniale en 1872 sous le titre : " De Saigon Bangkok par l int rieur de l Indochine, notes de voyage - janvier-f vrier 1871 .
LOGE DE L L PHANT
Le royaume du Cambodge. - Au nord de la Cochinchine fran aise, entre les cent et cent cinqui me degr s de longitude est de Paris, existe un petit royaume dont la superficie pourrait tre compar e celle du Portugal. Il s appelle le Cambodge, comme le grand fleuve qui le traverse du nord au sud. Phnom Penh, sa capitale, admirablement situ e au centre du pays, se trouve en m me temps au sommet du delta qui fertilise de ses mille bras la basse Cochinchine, notre colonie de l Extr me-Orient. Deux rois r gnent sur le Cambodge, mais un seul y gouverne. Au premier roi appartient la couronne, le pays est lui. Sur le th tre de la politique, le second roi n est qu une doublure toujours pr te remplir le r le principal, r le qui lui-m me n exige gu re d tudes approfondies et ressemble en tout point celui que le roi de Siam joue sur une plus grande sc ne, Bangkok. Les m urs, les lois, les usages, le costume des Cambodgiens sont, en effet, l exacte copie de ce qu on observe Bangkok.
On ne pourrait donc raconter sur les m urs du pays rien qui n ait t dit d j par les voyageurs Siam, mais chaque peuple a son histoire. Celle du Cambodge contient des pages glorieuses, si on en juge par les ruines admirables diss min es dans ses anciennes possessions.
Victime des empi tements d un voisin victorieux, le Cambodge ne serait plus aujourd hui qu une province siamoise si, en 1863, la France, tablie depuis peu dans les mers de Chine, ne lui avait offert son puissant protectorat et conjur de plus, les armes la main, une r volution mena ante pour la s curit de son roi.
L amiral de La Grandi re, gouverneur de la Cochinchine, mena bonne fin cette double question de vie ou de mort pour le petit royaume, et opposa du m me coup une fronti re inviolable aux empi tements de Siam. Un trait d finissait la nouvelle position du Cambodge ; son roi se d clarait ind pendant de ses anciens envahisseurs et conc dait notre pavillon, aupr s de son palais, le terrain n cessaire l tablissement du d l gu nomm par le gouvernement pour remplir aupr s de Sa Majest les fonctions de repr sentant du protectorat fran ais.
Charg pendant quelque temps de cette mission int ressante, nous avions pu sur les lieux m mes pr parer un voyage m dit depuis plus d une ann e. Combien de fois, en jetant les yeux sur l atlas, n avions-nous pas d sir savoir par nous-m me quelle est cette contr e encore d serte, sur nos cartes, qui s tend de la vall e du Cambodge aux rives du M nam. Est-elle, comme on le dit, le lieu de passage de caravanes, de chariots allant vendre Siam les produits de l int rieur ? Pourrait-on y tablir la ceinture lectrique qui ne tardera pas se fermer sur les deux h misph res du globe terrestre 1 ?
Ajouter l atlas un bout de route, le cours d un ruisseau, un nom de village, est d j un but qui vaut la peine d tre poursuivi. Quand ce trac , ce fleuve, ce nom peuvent un jour servir de point de rep re, de renseignement une entreprise pratique, on n a pas perdu sa peine. Joignez cela la belle saison, une occasion de caravane exceptionnelle ; en voil certes plus qu il ne fallait pour faire h ter le jour de notre d part.
D part de Saigon. - Le 4 janvier, au point du jour, nous prenions passage sur l aviso le Bien-hoa , qui bient t apr s faisait route pour Phnom Penh, o d j se trouve rassembl e notre caravane d l phants destination de Siam.
M. de Chaunac-Lanzac, officier d infanterie de marine, partage avec nous les chances du voyage ; nous serons l un pour l autre d un secours indispensable ; nous nous prot gerons contre les caprices d un soleil br lant, toujours craindre malgr diff rents s jours dans les pays chauds.
Nous avons aussi avec nous un m decin fort savant et point bavard. Sa science est bas e sur l exp rience des praticiens de la colonie, et ne saurait tre en d faut : le " m decin de papier , en un mot, contient dans ses quelques pages plus qu il ne faut, esp rons-le, pour les besoins de notre route. Un de nos amis, le docteur P***, de la marine, nous a fait compl ter notre petite pharmacie, et gr ce lui, nous sommes devenus, en vingt-quatre heures, capables d entreprendre les cures les plus hardies ; les terminer sera peut- tre plus difficile.
Chacun, du reste, nous t moigne au d part les m mes attentions : " N oubliez pas ceci J ai fait mettre cela dans vos caisses Prenez donc ma carabine, etc. C est seulement en partant pour un voyage comme celui-ci qu on conna t bien ses camarades. Ceux de Saigon sont pour nous des amis empress s.
Gr ce son faible tirant d eau, le Bien-hoa peut passer par les arroyos , ou canaux int rieurs : de cette fa on, le trajet de Saigon Phnom Penh s effectue en deux jours sans autre rel che que My Tho, village important situ sur le Cambodge la sortie des canaux communiquant avec Saigon. Le soir de notre d part, nous couchions donc ce mouillage, et le lendemain, d s le point du jour, le petit vapeur reprenait sa route travers les nombreux lots du delta qu on appelle la basse Cochinchine.
Aspect du fleuve. - Dans ces contr es, voisines des embouchures, rien n est monotone comme l aspect du grand fleuve. L

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