Bernard-Marie Koltès
202 pages
Français

Bernard-Marie Koltès , livre ebook

-

202 pages
Français

Description

Par cet essai, l'auteur opère une lecture de quatre pièces majeures de la dramaturgie koltésienne : Combat de nègre et chiens, Quai ouest, Le Retour au désert et Roberto Zucco. La première partie est orientée vers l'analyse du texte écrit, puis la réflexion s'intéresse à la violence et aux modalités de sa mise en texte. A partir de la théorie du sacrifice élaborée par René Girard, voici une analyse du rôle et de la fonction du théâtre de Koltès, ayant à voir avec la violence, sa régulation, sa diffusion.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2012
Nombre de lectures 51
EAN13 9782296508514
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Benoit CORMIER LANDRY

Bernard-Marie
Koltès

Violence, contagion et sacrifice

Bernard-Marie Koltès

Univers Théâtral
Collection dirigée par Anne-Marie Green

On parle souvent de «crise de théâtre», pourtant le théâtre est un
secteur culturel contemporain vivant qui provoque interrogation et
réflexion. La collectionUnivers Théâtralest créée pour donner la parole à
tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse
concernant le domaine théâtral.
Ainsi la collectionUnivers Théâtralentend proposer un panorama de la
recherche actuelle et promouvoir la diversité des approches et des
méthodes. Les lecteurs pourront cerner au plus près les différents aspects
qui construisent l’ensemble des faits théâtraux contemporains ou
historiquement marqués.

Dernières parutions

Nicole BERNARD-DUQUENET,La Comédie-Française en tournée ou le
Théâtre des cinq continents – 1868-2011, 2012.
Rafik DARRAGI,La société de violence dans le théâtre élisabéthain, 2012.
Marianne NOUJAIM,Le théâtre de Michel Vinaver. Du dialogisme à la
polyphonie, 2012.
Caroline BARRIERE, Le théâtre de Koffi Kwahulé, 2012.
Serpilekin Adeline TERLEMEZ,Le théâtre innommable de Samuel Beckett,
2012.
Michel BOSC,Symbolisme et dramaturgie de Maeterlinck dans «Pelléas et
Mélisande »,2011.
Franck WAILLE (sous la dir.),Trois décennies de recherche européenne sur
François Delsarte, 2011.
Samar HAGE,Bernard-Marie Koltès. L’esthétique d’une argumentation
dysfonctionnelle, 2011.
Elise VAN HAESEBROECK,Identité(s) et territoire du théâtre politique
contemporain, Claude Régy, le Groupe Merci et le Théâtre du Radeau: un
théâtreapolitiquementpolitique, 2011.
Françoise QUILLET,L’opéra chinois contemporain et le théâtre occidental,
Entretiens avec WU Hsing-Kuo, 2011.
Françoise QUILLET,Arts du spectacle, Identités métisses, 2011.
Emmanuelle GARNIER,Les dramaturges femmes dans l’Espagne
contemporaine, 2011.
Françoise QUILLET,Le théâtre s’écrit aussi en Asie (Inde,
Chine, Japon),2011.

Jean-Benoit Cormier Landry

Bernard-Marie Koltès

Violence, contagion et sacrifice

Cet ouvrage a été publié grâce au soutien duConseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)

© L'HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-336-00489-1
EAN : 9782336004891

À ma grand-mère

Introduction

Comment faire vivre l’invivable, représenter
ce qui s’évoque comme absence marquée?
Tenter de dire l’absence, de la jouer, c’est
trahir, comme dit Derrida: «Y accéder, c’est
la manquer; la montrer, c’est la dissimuler;
l’avouer, c’est mentir. »

DONIAMOUNSEF
Chair et révolte dans le théâtre de Bernard-Marie Koltès

Bernard-Marie Koltèsécritde NewYork àson amie Nicole,
en 1981 : « J’adore cetteville, elle estplusbordélique quetout
1
ce que j’aivujusqu’à présent. » Voiciune étude qui croitavec
Koltèsque le désordre, le «bordel »etletroublesont toutes
chosesheureuses. Ellesménagentle lien paradoxal entre le
fouillisde l’individuel etla charpente ducollectif et, ce faisant,
ellesquestionnentlesprincipesd’une organisation, lavalidité
d’un ordre, leslimitesd’unestructure. Ainsi, le déplacement
qui ferait voiràtraverslarégularité de l’usage l’arbitraire de
l’action, quirendrait visible letremblementquiune fois
amplifié change l’équilibre desformesen baroque des volumes,
le coup detête qui feraitpasserde la sûreté de l’itinéraire à la
surprise descirconvolutions: ce pourraitêtre là le lieude
Koltès. Toutefois, ce lieuquiseraitlesien estpeut-être moins
un lieuqu’une posture,une perspective,un étatd’acuité, de
réceptivité auxchosesqui puisserendre compte de ce qui lie la
monstrueuse immensité de lastructure auxcaprices
impondérablesde l’expérience particulière. Des ruinesMaya de
Tikal, auGuatemala, Koltèsécritàson frère :

1
Bernard-Marie Koltès,Lettres, Paris, Éditionsde Minuit,2009, p. 439.

Je ne parle pasdulieu, qui estmagnifique :une forêt
complètementbaroque – qu’aucun
décorateurduMoulinRouge n’auraitjamaisle culotd’inventer– pleine de bruits
bizarres, d’animauxfantastiques(j’aivu untamanoir), de
singesetde bêtespoiluesquivouspassentdevantle nez,
sorties toutdroitde Bosch. Vous vouspromenezcomme
cela pendant une heure dansce décor, et toutd’un coup,
sans s’yattendre, en pleinsilence, ontombesurcette
métropole démente, avec desescaliersqui montentà des
hauteursinvraisemblablesdetouslescôtés, desenfilades
de piècesqui conduisentà des terrassesqui conduisentà
desescaliersqui conduisentà devenirfou. […][Il]yaune
atmosphère d’unetelle épaisseurdepuislatraversée de la
forêtjusqu’aucentre des templesqu’on en est
2
complètement stone .

S’il est un chemin menantà la compréhension de l’œuvre de
Koltès, il nousfautcroire qu’il ne peutêtre qu’à l’image des
sentiersde cette forêtdense etbigarrée. Depuislespremiers
motsdu texte jusqu’aucentre de la fiction dramatique, c’est
bien àune enfilade derencontres, à la contemplation des
entrelacsdesdécorsque le lecteurestconvié. Rien nesertd’y
voirclair: c’estcomplècomme «tement stone »,victime de
cette « atmosphère d’unetelle épaisseur», « en pleinsilence »,
que le lecteurpeutappréhenderle choc de l’œuvre. On entre
chezKoltèscomme danscettmée «tropole démentpleinee »
d’escaliers, deterrassesetde passagesqui « conduisentàrendre
fou» : celui quirefuse de laisser sa chance à cette folie n’a qu’à
rebrousserchemin. Apeuré peut-être parles« bruitsbizarres»
etle chaosde cette « forêtcomplètementbaroque », il auraraté
l’œuvre, n’ayantpas sufaire comme Koltèsà NewYork et
apprécierla limpidité dufouillis, la clartétransparente du
désordre.

La présente étude propose de pousserlesportesde l’œuvre
etd’entrerentoute confiance dansce chaos. Le faitestque le
texte koltésien pose quantité de questions sans réelles réponses
aulecteurdésireuxde dialogueravec lui. L’une de cellesqui
s’estle plusexplicitementimposée à nousa àvoiravec la place

2
Ibid., p.359.
10

et lerôle de laviolence dans un pareil environnement:
comment signifieun acteviolentlorsquesetrouve abolie ou
dissimulée la frontièreséparantla faute de la non-faute, le licite
de l’illégal? Plusprécisément, commentlaviolence perpétrée
dans un climatdetotale amoralité peut-elles’inscrire et rester
effective dansle coursde la catharsis? Commentla finalité
ascétique de cette dernière peut-ellerésisterà l’éclatementde la
norme ? Quelle estcette norme, quellesensontlesfrontièreset
parquelle loi celles-cisont-elles régies? Latentation estgrande
pourle lecteurimpressionné parlespremierscontactsavec
l’œuvre de conclure àun contournementouàun détournement
dumécanisme cathartique. Celui-ciseraitla conséquence d’une
configuration nouvelle etinédite desloisde l’expérience
esthétique, laquelle configuration ferait s’anéantirles
implicationsde l’œuvresurleréel. Néanmoins, la fréquentation
d’œuvresphare de la critique koltésiennetend à délégitimer
cette hypothèsesans toutefoisapporterderéponse claire et
univoque à ce questionnement.

C’est un fait, lagrande diversité desapprochespossibles
pouraborderl’œuvre etlarelative nouveauté du texte koltésien
comme objetd’étude a longtempsplacé le critique devant un
double impératif : justifieretdéfendre à la foislavalidité de la
perspective adoptée pour traiterde l’œuvre, etl’œuvre
ellemême. La pérennité etlesuccèsdes textesde Koltèsetde leurs
misesenscène ont vite délesté la

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