Une agate rouge sang
91 pages
Français

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Une agate rouge sang , livre ebook

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Description

Dans un petit village, quelque part dans le sud-ouest de la France, Marie-Louise, une vieille dame presque centenaire, disparaît en léguant à celui qui s’occupe de son jardin, Mathieu Lambert, un appartement qu'elle possédait à Paris et qui est demeuré inoccupé depuis 1943.


Mathieu ne sait pas pourquoi il a hérité ce bien et va découvrir petit à petit les composantes du passé de sa bienfaitrice et, par voie de conséquence, de son propre passé.


Construit à partir d'une succession d'allers-retours dans le temps, à différentes dates clés du passé, Une agate rouge sang tient le lecteur en haleine du début à la fin en lui permettant de démêler progressivement le fil de l'intrigue, chaque chapitre apportant une pièce supplémentaire à la reconstitution du puzzle.


Après Le dernier souffle du Monarque publié chez ÉLP éditeur en 2017, voici Une agate rouge sang, un roman sublime qui ne laissera personne indifférent.


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782924550519
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une agate rouge sang
ROMAN

Frédérick Maurès

© ÉLP éditeur, 2019 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-51-9
Conception graphique : Allan E. Berger
Image de la couverture : © Frédérick Maurès, "Éclats de vie", 2019
À la mémoire de ma grand-mère Estelle Sourbet, née Périer
1. Samedi 13 mai 2017
Aujourd’hui,le jardin est triste et lugubre malgré la promesse d’une bellejournée ensoleillée qui s’extirpe des entrailles de la nuit.
Letemps est poisseux, sale.
MadameMarie-Louise est morte.
Ellea choisi cette belle nuit du 13 mai pour tirer sa révérence. Sansprévenir.
Lefacteur avait un colis pourelle. Il s’est étonné que la sonnette résonne dans le vide. Pasdans les habitudes de la vieille dame cloîtrée.
Jereste planté là, les membres paralysés, le regard figé.
Ilest beau ce jardin.
Jem’imprègne des perspectives et figures de style que je me suisefforcé de sculpter au fil des saisons. Avec application, méthodeet passion. Ce jardin est aussi un peu le mien. Une sorte derésidence secondaire ouverte sur l’infini. Lorsque je constataisle bonheur que mes travaux procuraient à Madame Marie-Louise,lorsque son œil vif de nonagénaire sémillante pétillait deplaisir, alors j’étais le plus heureux des hommes. Quelque part àmi-chemin entre la satisfaction de l’écolier fier de ramener chezlui un billet d’honneur inespéré et la jouissance de l’artistedont la nouvelle création reçoit un accueil enthousiaste.
MadameMarie-Louise est morte.
J’écoutemon esprit ressasser cette phrase en boucle. Comme pour m’enconvaincre, tant pareille issue avait fini par relever du domaine del’improbable, de l’incongru. Quand on atteint allègrement etsans avoir l’air de rien, l’âge plus que canonique dequatre-vingt-dix-sept ans, on ne saurait imaginer que le souffle dela vie puisse s’échapper un jour. En tout cas pas avant d’êtrecentenaire. Trop bête d’avoir fait tout ce chemin pour abandonnerjuste au moment de gravir les dernières marches… Je m’étaispersuadé que Madame Marie-Louise nous enterrerait tous. Et jen’étais pas le seul. Tant la vie qui n’en finit pas des’accrocher nous semble ne jamais devoir disparaître. Innocence deceux qui refusent de voir la réalité des choses, la fragilité denos mécaniques usées d’avoir trop donné ou trop souffert.
Saloperiede mécanique ! Au final, elles prennent le dessus sur nos âmes…
MadameMarie-Louise croyait en Dieu. Avec ferveur. Elle ne manquait jamaisla messe du samedi soir à la paroisse de Saint-Grappin. Et elle ladoublait des émissions religieuses du dimanche matin sur France2. Elle avait cependant dû commettre une faute impardonnable pourque Dieu la rappelle ainsi à lui. Pour qu’il la prive si près dubut de la satisfaction d’avoir passé un siècle sur terre. Unefaute non confessée, non compensée, non absoute. Allez savoir…
Jen’ose pénétrer dans la vieille demeure pourtant si familière. Jebloque sur le seuil, hagard, paumé. J’ai peur. Peur de ce que jevais voir. Peur que l’image mortuaire efface à tout jamais lesouvenir des autres, si belles, si pures. Ce serait injuste. Lemasque de la mort va si mal lui aller. Elle qui était son antithèse.
Maisles proches, les voisins et amis ne comprendraient pas que je ne luirende pas une dernière visite. Rien à faire, d’ailleurs, qu’ilsne comprennent pas. Cela fait belle lurette que le souci du qu’endira-t-on m’a fui.
Jeme décide enfin à entrer. Le respect des conventions a pris ledessus. Je garderai mon envie de fronde pour une autre occasion. Etpuis, j’éprouve malgré tout le besoin de la revoir une dernièrefois, même ainsi, même mal. Et ne peux m’ôter de l’idée que,quel que soit l’endroit où elle se trouve, elle en ressentégalement le désir. Je tourne la poignée massive en bois brut. Uneémotion inédite me coupe le souffle lorsque j’entends legrincement familier des gonds asphyxiés. La porte est lourde, solideet robuste, la pousser me réclame un effort beaucoup plus prononcéque d’ordinaire.
Lesvolets ont été fermés ou entrebâillés. La salle à manger al’air abandonnée depuis des siècles. Rien ne traîne. Aucun objetqui ne soit rangé à la place qui lui a été attribuée.
Lesmarches de l’escalier, toutes plus vermoulues les unes que lesautres, craquent sous mes pas, malgré les infinies précautions queje prends pour respecter le silence qui a envahi les lieux. Surtout,ne pas attirer l’attention. Je sais que la dernière marche, touten haut, crissera d’une manière particulière, comme un oisillonqu’on assassine en l’étouffant lentement.
Enhaut de cet escalier qui gémit, elle est là qui m’attend. Je mepersuade qu’elle ne connaîtra de repos qu’après ma visite.C’est pour elle que je suis entré, seulement pour elle. Pas pourles autres, pas pour la bienséance que j’abhorre.
Lesmeubles, les vieux tableaux familiers que j’ai si souventcontemplés, le bout de tapisserie vert pomme décollé dans l’angleinférieur du mur quand l’escalier épouse soudain une courberadicale, tout me semble soudain étranger. La mort aurait-elle déjàtout effacé ?
Jene puis concevoir les choses qui peuplent cet univers en l’absencede celle qui leur a conféré harmonie et cohérence. Le vide a prisle dessus. Définitivement.
Cettechambre pue la mort. Je ne reconnais pas cette odeur mais j’imaginequ’il s’agit de quelque onguent doucereux destiné à nousanesthésier. À tromper nos sens pour nous faire croire quele « passage » se fait sans heurts ni souffrances, endouceur. Odeur entêtante et écœurante qui me donne mal au cœur.
Ily a là quelques vivants qui se recueillent. Je n’en connais quetrès peu. Madame Marie-Louise n’avait pas vraiment de famille. Etpuis la mort attire toujours des curieux, voyeurs occasionnels quiviennent se satisfaire d’être encore de ce monde. Je reconnais leboucher de Saint-Grappin. Marie-Louise était végétarienne, mais leboucher a tenu à être présent. Sans doute pour être vu et ne pasêtre taxé d’indifférence. Il m’adresse un signe dereconnaissance de la têteavant de s’extraire discrètement de la chambre tout en lissant samoustache à la Dali pivelée de quelque larme égarée. À moins quece ne soient les gouttes de sueur perlant à son front et dégoulinantle long de ses tempes. Toujours jovial d’ordinaire, le pèreBroussard. Pas avare en blagues toutes plus salaces les unes que lesautres pour ces messieurs. Suffisamment éduqué cependant pour lesédulcorer ou les remplacer par de bons mots passe-partout pour saclientèle féminine. À peine de quoi faire rosir les joues etgénérer de petits gloussements faussement offusqués. Comme il al’air triste ! Il en devient touchant de fragilité.Tellement convenue, sa tristesse ! Du style « ah, ma bonnedame, on n’est pas grand-chose sur cette terre… » Qu’ilse rassure : on ira la lui acheter sa carne, histoire de luiredonner le moral et d’échanger quelques impressions nostalgiquessur la défunte. Il a eu raison de venir : c’est un boncommerçant… À peine reparti, il s’enquerra sur son smartphoned’une nouvelle histoire drôle et cochonne à raconter àses clients.
Jeleur en veux ! Je sais, c’est stupide, mais je leur en veuxd’être forcément moinsaffectés que je ne le suis. Car comment pourrait-il en êtreautrement ?
Elle,c’est Thérèse Lescure. Une grenouille de bénitier. Presque aussiâgée que l’était Madame Marie-Louise. On la voit toujours passertoute de noir vêtue, recroquevillée sur sa quête de miséricorde,un missel de poche serré entre ses doigts crochus. Agenouilléedevant le corps, elle donne l’impression qu’elle ne pourrajamais plus se relever. Et cette manie de marmonner entre ses lèvresdes bribes de prières incompréhensibles en gesticulant des signesde croix approximatifs… Thérèse, la vieille fille deSaint-Grappin, celle qui a voué son corps et son âme à Dieu, ellen’a pas fini de s’agiter au bord du lit. Elle a dû arriver lapremière et partira à n’en pas douter après tous les autres.Omniprésente et pourtant tellement transparente. Elle fait partie deces individus que l’on ne remarque pas tout en sachant qu’ilssont pourtant bien là… Thérèse… éternelle victime de sa rimeen totale désharmonie avec la représentation véhiculée :combien de fois les oreilles ont-elles pului siffler

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