Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies
373 pages
Français

Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies , livre ebook

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Français

Description

Dans l'extrême sud de Madagascar, humains et animaux entremêlent leurs histoires dans la réserve naturelle de Berenty. Ce récit est le témoignage d'un passé tumultueux depuis l'esclavage précolonial jusqu'au néocolonialisme de la Banque mondiale. Mais la vraie histoire de Berenty est celle d'une famille obstinée et entêtée: les seigneurs du heaume qui, malgré une mondialisation galopante, tentent de préserver intact leur pacte avec les Tandroy.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 626
EAN13 9782296266209
Langue Français
Poids de l'ouvrage 31 Mo

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Extrait

Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies Petite histoire de Berenty à lextrême sud de Madagascar
Alison Jolly
Lémuriens, seigneurs, savants fous et rois aux sagaies Petite histoire de Berenty à lextrême sud de Madagascar
Traduit par Emmanuelle Grundmann
LHarmattan
Traduction française de Lords and Lemurs (Houghton Mifflin, Boston)
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-12933-7 EAN : 9782296129337
Œuvres du même auteur
Lemur Behavior. A Madagascar Field Study.Chîcago Unîversîty Press, Chîcago, 1966. The Evolution of Primate Behavior.Macmîan, New York, 1972. German and Japanese edîtîons, 1975. 2nd Edîtîon, 1985. Bruner, J., A. Joy, K. Syva, eds.Play: Its Role in Development and Evolution. Penguîn, Harmondsworth, Basîc Books, New York, 1976. A World Like Our Own: Man and Nature in Madagascar.Yae Unîversîty Press, New Haven, 1980. Joy, A., P. Obere, R. Abîgnac, eds.Madagascar. Key Envîronments Serîes, Pergamon Press, Oxford, 1984. Lucy’s Legacy: Sex and Intelligence in Human Evolution.Harvard Unîversîty Press, Cambrîdge, 1999. Korean and Turkîsh edîtîons, 2004. Lords and Lemurs.Houghton Mîflîn, Boston, 2004. Joy, A., R.W. Sussman, N. Koyama, and H. Rasamîmanana, eds. Ringtailed Lemur Biology: Lemur catta in Madagascar.Sprînger, New York, 2006. Et la sérieProjet Akode livres bilingues pour enfants: Textes magaches : Dr Hantanîrîna Rasamîmanana. Iustratîons: Deborah Ross. Graphîsme: Meanîe McEduff. Ny Aiay Ako (Ako the Aye-Aye).Lemur Conservatîon Foundatîon, Mîakka, Forîda, 2005 Ny Tsididy Bitika (Bitika the Mouselemur).Durre Wîdîfe Conservatîon Trust, Jersey, UK, 2007 Tikitike ilay Maky (Tik-Tik the Ringtailed Lemur).Durre Wîdîfe Conservatîon Trust, Jersey, UK. 2010 Tsambiky Ilay Sifaka Fotsy (Bounce the White Sifaka). Durre Wîdîfe Conservatîon Trust, Jersey, UK. 2010.
MADAGASCAR
AMBOASARY
Légendes
1.1
TOLANARO
Plantation de sisal
Forêt tropicale
Forêt épineuse
TSIVORY
A ND R O Y
Mandrare River
BEHARA
BERENTY
AMBOVOMBRE
AMBOASARY
Village of the Lucky Baobab (Anjamahavelo)
Carte de Madagascar
ESIRA
A N O SY
MANABARO
RANOPISO
Mandrare River
Bealoka Reserve
TOLANARO (Fort Dauphin)
Sisal Factory Berenty Estate Berenty BERENTY
Berenty Reserve
BEDARAO
BEHARA
AMBOASARY BEVALA
INDIAN OCEAN
Chapître 1
Des lémuriens dans le jardin
Madagascar, ’îe au bout du monde, et tout au bout de Madagascar, ce qu’on nomme « ’extrême sud ».Extrême, î ’est par son éoîgnement, par son cîmat des pus arîdes, et par a réputatîon de vîoence de son peupe. S’î vous prend ’îdée de venîr vîsîter Madagascar, vous vîendrez peut-être îcî. Là, nîchée dans e désert épîneux, se trouve a réserve naturee de Berenty, mînuscue, maîs à sa manîère un mîcrocosme de notre panète à ee toute seue. A Berenty, es tourîstes affubés de tééobjectîfs Nîkon et de sacs à dos Guccî côtoîent des gens quî peuvent s’estîmer bîen nantîs s’îs possèdent ne seraît-ce qu’une deuxîème chemîse. Icî, es tourîstes ne prennent même pas a peîne de verrouîer es portes de eurs bungaows, maîs î vaut mîeux qu’îs ferment avec soîn es voets sous peîne de découvrîr à ’întérîeur un groupe de makîs catta fouîant à a recherche de coca-coa et de bananes. Sî une vîngtaîne de émurîens se promènent devant ’écran de téévîsîon de votre saon et que e soeî nîmbe des queues anneées noîr et banc comme des poînts d’înterrogatîon onduants, î n’y a pas de doute, vous êtes à Berenty. Sî vous apercevez un groupe de sîfaka îmmacués sautant d’un arbre à ’autre tes es danseurs étoîes d’un baet aérîen ou bondîssant sur e so comme des stars du basket, î n’y a pas de doute, vous êtes à Berenty. Vous ne soupçonnez pas à a téé qu’en arrîère-pan, î y a un parkîng en terre battue où un caméraman s’évertue à excure du cadre toute înluence humaîne tandîs que es émurîens sont en traîn de batîfoer. La pupart des vîsîteurs de passage à Berenty passent une heure captîvante au Musée de ’Androy. Debout, sur a poînte des pîeds, à travers
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une ouverture dans e toît, îs découvrent ’întérîeur d’une mînuscue maîson ayant appartenu jadîs à une femme de ’ethnîe Tandroy, e Peupe des épînes. Pus oîn on es retrouve bouche bée devant es photographîes des funéraîes d’un chef de can tandroy. Parfoîs aussî, îs goussent à a vue de taîsmans sacrés en corne de vache ou en dents de crocodîe. Au même moment, dans des vîages à moîns de dîx kîomètres de à, des hommes et des femmes vîvent dans ces mêmes maîsons et conjurent es esprîts mafaîsants avec ces mêmes taîsmans. Lorsqu’un ancîen du can passe de vîe à trépas, es zébus parqués dans es encos sont îbérés et s’enfuîent à a débandade à travers e vîage au mîîeu de coups de feu tîrés en ’aîr, de danses, de réjouîssances et de sexe compîcîte jusqu’à ’apothéose de a fête. Là, un troupeau entîer de zébus est transpercé à coups de sagaîes par es jeunes hommes du can, permettant aînsî d’accompagner dîgnement eur ancêtre dans ’au-deà. Je connaîs beaucoup de choses sur es makîs catta. En ce quî concerne es humaîns, tout ce que je peux vous raconter, c’est ce qu’îs ont bîen vouu me dîre. La pupart des faîts que je reate îcî provîennent de témoîgnages : c’est a petîte hîstoîre et non a grande avec un « H » majuscue. Ces récîts parent d’escavage puîs de coonîaîsme, de natîonaîsme et de socîaîsme pour inîr par e néocoonîaîsme de a Banque mondîae. Je ne m’autorîse que peu de jugements à propos de ces doctrînes. La vraîe hîstoîre de Berenty est cee des naîssances, des marîages et des emprîsonnements au goût amer. Icî, î y a des combats de sagaîes, des bataîes puantes et des tombes décorées de crânes de bétaî sacrîié. On y rencontre « On ne Peut Mettre à Terre », « N’a Jamaîs Tété », Robîn e jeune escave angaîs, Aîson ’Amérîcaîne ou encore Hanta a dîpômée de Moscou. Et bîen sûr, î ne faut pas oubîer « Frîghtfu Fan » et « Chou à a Crème ». Maîs, par-dessus tout, vous aez rencontrer une famîe obstînée et entêtée, tant dans es moments de faste uxueux que dans e désarroî : es seîgneurs du heaume, des nobes quî, magré a mondîaîsatîon gaopante, tentent de préserver întact eur pacte avec es Tandroy.
La première fois que je vis Berenty, tous es autres s’y rendaient en avion privé.Moî, je suîs venue dans ma Land-Rover. Cahîn-caha, j’avaîs parcouru 800 kîomètres de soî-dîsant route en moîns d’une semaîne. J’avaîs déjà exporé des forêts dans pusîeurs partîes de ’ïe-contînent et ne seraîs jamaîs venue à Berenty sans ces nombreuses recommandatîons de
Lémurîens dans e jardîn9
a part de personnes rencontrées au cours de mes pérégrînatîons : « vous devez rendre vîsîte à a famîe de Heaume. Is ont des émurîens juste derrîère eurs maîsons. » Des émurîens derrîère eur maîson… Cea me sembaît un tantînet gauque et ugubre. Queques mîsérabes anîmaux captîfs sans doute, attachés à a taîe par une corde. Cependant, e détour en vaaît peut-être quand même a peîne. Je me dîrîgeaîs en tout cas vers ’extrême sud, à a recherche de queque paradîs sauvage où je pourraîs enin m’înstaer pour étudîer a vîe prîvée des émurîens, des créatures très proches de notre ancêtre commun vîvant î y a 50 mîîons d’années. J’avaîs aors 25 ans, mon dîpôme de thèse fraïchement en poche et un amour-propre gonlé par une bourse de recherche bîen amérîcaîne. Je pensaîs tout savoîr, ou du moîns sufisamment pour m’attaquer à ’ïe de Madagascar en entîer. « Qu’est ce drôe de nom ? » aî-je demandé à mes amîs. « De Heaume ? avec un H aspîré ? e-a-u comme dans eau ? Cea rîme pus ou moîns avec Stockhom ? Ça y est, j’aî saîsî. OK, orsque j’atteîndraî ’extrême sud, j’îraî jeter un coup d’œî. » Je prîs a route du sud avec Preston Boggess, un étudîant de ’unîversîté de Yae, venu pour m’aîder à chercher un sîte pour étudîer es émurîens. Nous avons traversé une mutîtude de paysages : des vîes en brîque aux toîts poîntus cernées de rîzîères, des paînes d’atîtude, ventées et pîquetées de montagnes ressembant à de gros monoîthes de granît, des vîages démunîs aux cases en pîsé et enin de mînuscues cabanes faîtes de panches dans esquees un homme ne pouvaît se tenîr debout qu’au mîîeu, sous a poutre faïtîère, et devaît se pîer en deux pour sortîr en rampant par a petîte porte. Des habîtatîons bîen peu dîfférentes des pouaîers pour mes yeux nafs. Tout au ong du chemîn, des troupeaux de zébus bossus ornés de cornes majestueuses boquaîent parfoîs a pîste onduée. Des chîens, poues et pîntades sauvages s’y préassaîent égaement, sans se soucîer des queques rares voîtures. La Land-Rover atteîgnît une grande descente. La route s’încînaît en dîrectîon de a vaste vaée du leuve Mandrare. Là, s’étendaîent es pantatîons de sîsa. Aîgnées comme d’îmmenses igures géométrîques tendant vers ’îninî, des rangées de feuîes aux extrémîtés acérées avançaîent vers e leuve, dont a surface étînceaît tees es écaîes d’un serpent aongé au soeî, au seîn d’une vaée aux coueurs affadîes par e soeî de mîdî. Queque quarante kîomètres pus oîn a route remontaît
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vers un aîgnement de montagnes beutées, aux sommets comme coîffés de crème chantîy vaporeuse. De mon côté, es nuages s’arrêtaîent brusquement, cîsaîés au nîveau de eur rencontre avec ’aîr împîde du désert. Une voûte céeste d’un beu aveugant s’étendaît au-dessus de toute cette scène, sî beue que je me demandaîs comment on pouvaît prétendre que e rouge étaît a coueur a pus crîarde. Aucune coueur ne surpasse e cîe azuré de Berenty. Puîs, arrîvés au centre de a pantatîon, nous sommes tombés nez à nez avec des côtures banchîes à a chaux ! Des pîerres chauées coninaîent des parterres de leurs d’aoès et de pervenches magaches. Icî, on avaît nîveé et baayé a pîste comme aucune route ne ’avaît été ces dernîers 800 kîomètres. Les maîsons carrées en cîment étaîent, ees aussî, peîntes en banc et recouvertes à chacun de eurs anges de cascades de leurs orange et magenta de bougaînvîées. Accoé à a premîère maîson, je vîs une sorte de garage, maîs au îeu d’une voîture, c’étaît un Cessna 172, un avîon monomoteur vert et banc îmmatrîcué FOBSO, quî occupaît a pace. Avaîs-je par e pus grand des hasards atterrî queque part au Texas ? Jean de Heaume ouvrît a porte. I avaît dîx ans de pus que moî, des cheveux noîrs et îsses, des pommettes rondes et un regard des pus joyeux. Je uî aî expîqué que j’étaîs une scîentîique venue observer es émurîens et que j’avaîs ou-dîre qu’à Berenty, îs possédaîent des émurîens derrîère eur maîson. Je présentaî ensuîte Preston, mon assîstant. Jean prévînt Aîne, sa femme, qu’î y auraît deux învîtés de pus pour e déjeuner. Apparemment, îs organîsaîent une fête. Leurs amîs n’aaîent pas tarder à arrîver de Fort-Dauphîn, au-deà des montagnes. Je babutîaî : « nous ne sommes pas venus pour vous déranger, nous souhaîtons sîmpement voîr es émurîens. » Ce n’étaît pas mon françaîs quî faîsaît défaut : j’avaîs déjà étudîé à Parîs et avaîs même suîvî e cours de mon père en îttérature françaîse à ’unîversîté de Corne. C’est a premîère vîsîon que j’eus d’Aîne quî me it bégayer. Aîne est une de ces femmes quî restent toujours parfaîtement éégantes, même au mîîeu d’un cycone. Ee avaît d’aîeurs sûrement pus ’expérîence des cycones que a pupart d’entre nous. Je a dévîsageaîs, ses bouces brunes parfaîtes et ses petîtes sandaes banches à anîères, bîen ma à ’aîse dans mon treîîs. Soudaîn, mes bottes sî utîes pour es études de terraîn sembaîent avoîr prîs à mes pîeds a taîe de pîrogues de mer.
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