Que faire de l orang-outan ?
220 pages
Français

Que faire de l'orang-outan ? , livre ebook

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220 pages
Français

Description

L'animal encombre les plantations de palmiers à huile et nos mauvaises consciences. Mais d'où vient que nous soyons si préoccupés de son sort, et de quoi cette culpabilité est-elle faite ? Ce livre retrace l'histoire des sciences qui a vu passer l'orang-outan de l'homme sauvage à l'être intelligent. Au-delà du centre de réintroduction de Nyaru Menteng (Bornéo, Indonésie), le sort de l'orang-outan pose la question d'une sélection humaine globale du vivant, et interroge notre capacité à reconstruire la nature, caractéristique essentielle de l'anthropocène.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140038211
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Frédéric Louchart
QUE FAIRE DE L’ORANGOUTAN ? RECONSTRUIRE LA NATURE QUE FAIRE DE L’O ANG UTAN ? À NYARU MENTENG, BORNÉO(INDONÉSIE)
Que faire de l’orang-outan ?
Reconstruire la nature à Nyaru Menteng, Bornéo (Indonésie)
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11723-2 EAN : 9782343117232
Frédéric Louchart
Que faire de l’orang-outan ?
Reconstruire la nature à Nyaru Menteng, Bornéo (Indonésie)
Pour Miló, pour Anouk.
INTRODUCTION Ce livre aurait pu être intituléNutella 1 / orang-outan 0. Personne ne veut la mort des orangs-outans. Chacun y contribue pourtant. A mesure que l’intérêt pour les grands singes s’est accru, leur nombre, lui, s’est effondré. Des 400.000 orangs-outans de Bornéo de l’époque néolithique, il n’en resterait que quelques milliers. Leur cas résume assez bien l’impact de la prédation humaine sur l’environnement et illustre le sort commun de près de 21.000 espèces menacées d’extinction. A ce phénomène majeur qui caractérise notre temps répond la réintroduction de ces espèces. La réintroduction des animaux consiste non seulement à les recueillir, mais aussi à les élever conformément à un modèle spécifique, et à les relâcher dans le milieu qui leur convient, lorsque cela s’avère possible. Un tel sujet peut paraître simple. Les animaux disparaissent et il suffit d’en préserver une partie, point final. Il se révèle pourtant plus complexe. A la fois anthropologique, politique, géographique et économique, il ne se résume ni aux médias ni à un territoire, moins encore à l’Indonésie. L’ONG en charge de la réintroduction, BOSF (Borneo Orangutan survival Foundation) possède elle aussi sa propre administration et sa hiérarchie. La réintroduction des orangs-outans se trouve ainsi au cœur d’un réseau et de problématiques mondiales, tout en s’enracinant dans le contexte singulier du front pionnier de Bornéo, là où j’ai eu le privilège de travailler avec Lone Droscher-Nielsen, dans le centre de réintroduction de Nyaru Menteng. Ce livre est fondé sur cette expérience, autant que sur la littérature historique ou biologique. Le développement indonésien dépend de l’exploitation de ses ressources naturelles, donc sa forêt, ce qui amplifie les conflits d’usage, l’exigence de démocratie locale et les motifs
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d’indignation internationale (sur 170 Etats classés par e Transparency International, l’Indonésie ne figure qu’au 114 rang, et la corruption y est considérée comme endémique). Ces motifs renvoient aux origines des mouvements de la conservation animale, mais placent aussi la clinique de Nyaru Menteng dans une situation de précarité. Si les dons se tarissaient, si les tensions avec l’administration devenaient insoutenables, l’ensemble disparaîtrait rapidement. C’est dans ce contexte que s’organise Nyaru Menteng, société mixte financée par une ONG et contrôlée en principe par les administrations indonésiennes. Son activité ne se résume pas à protéger les orangs-outans, et il y a là aussi des motifs de raisonnement complexe. Il s’agit en effet d’une clinique vétérinaire, d’une communauté d’intérêt pour les animaux en général et d’un fonctionnement économique exclusivement fondé sur le don. La communauté renvoie au réseau de l’ONG, mais pas à un peuplement des lieux : il n’y a pas d’ethnie, pas d’unité véritablement palpable, pas de système symbolique unique. C’est un lieu de passage, de cohabitation. C’est aussi une unité de production d’animaux réputés sauvages, mais qui ont séjourné parmi les hommes. Toute l’originalité du site la tient aux procédés de reconstruction d’une authenticité animale. Nyaru Menteng se pense ainsi à la fois en termes de système et d’interactions. Ces interactions elles-mêmes rendent compte du lien entre la hiérarchie de cette microsociété et la qualité du rapport individuel à l’animal. Afin d’ajouter encore un peu de sel à la situation, l’orang-outan agit lui-aussi. Il se comporte comme un agent de cette collectivité, et non comme une simple propriété de l’Etat indonésien. Cette agentivité des primates donne à l’étude de terrain ses meilleures situations. Malentendus, mises en scène, double langage, méprises et instrumentalisations réussies ou non rendent à l’animal sa place dans un jeu social dont on le croyait absent. C’est en son nom qu’existe l’ensemble de cette collectivité bienfaisante, mais dans laquelle il occupe tout de même une place ambivalente.
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Pour le libérer, on le met en cage. Proche de l’homme dans le récit évolutionnaire, soumis à une forme d’apprivoisement paradoxale, conservé en tant que symbole de la déforestation et de l’érosion de la biodiversité, il participe de surcroît en tant qu’individu à cette petite collectivité. Dès lors, comment aborder la réintroduction des orangs-outans ? L’éclatement des archives et des acteurs entre les îles indonésiennes, l’Europe, l’Amérique du Nord et les Emirats Arabes Unis en limite considérablement les perspectives historiques. Pour autant que la géographie du développement et des milieux tropicaux puissent être utile, elle ne répondra pas non plus à une problématique d’anthropologie sociale. Il y a pire : gérer les données culturelles et scientifiques sans tomber sur les écueils du scientisme biologique ni de faire de la primatologie un simple récit mythologique. Enfin, la reconstruction de l’animalité chez les animaux destinés à la réintroduction paraît-elle capitale. C’est la finalité du dispositif, ce sur quoi porte essentiellement le travail des employés et même la contrainte majeure de leur régime alimentaire. Si la réintroduction proprement dite exige des réseaux d’influence et des territoires à reconquérir, l’économie duNyaru Menteng Orangutan Reintroduction Programse met au service de ce travail de « réhabilitation ». Cela ne se limite pas au fait de sauver des animaux. Il s’agit aussi de conserver l’essence, ce qui fait véritablement l’espèce elle-même : sa culture, son patrimoine génétique, sa forme sociale et son mode de communication. Aussi la question centrale n’est-elle pas tellement de savoir comment la réintroduction d’animaux a émergé, mais de voir comment ces animaux orientent et subissent le processus réintroductif. Se pose évidemment la question des liens entre une science de l’animal et sa mise en pratique, puisque l’orang-outan qui arrive ne peut retrouver ni sa liberté, ni son animalité qu’au terme du travail de reconstruction / reconstitution. Précisons néanmoins la façon dont ce site a pu émerger au beau milieu du désastre écologique de Bornéo. Après avoir travaillé huit ans pour B.-M. Galdikas, Lone Droscher-Nielsen et son mari (Odom Kisar) sont entrés en contact avec Willie
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