Le modèle que vous utilisez est-il fiable ? Il est plus que fiable ! J'ai commencé à écrire sur les watts en 1999 en tant que chroniqueur pour Le Monde. Personne n'en avait parlé avant. En parallèle de mon poste chez Festina, je travaillais pour SRM (entreprise pionnière en matière de capteurs de puissance, Ndlr) depuis 1994. De la même manière que j'avais mis à jour la fréquence cardiaque dans le peloton, j'ai mis en valeur le travail à partir des watts.
Ces calculs ne font-ils pas abstraction des données "exogènes" comme la température, le profil, le contexte ? Tout est pris en compte. Ça fait 15 ans que ça fait débat mais que nous n'avons jamais eu de procès en diffamation. On sait très bien ce qu'on fait, les calculs ne peuvent pas être remis en question. On n'a même pas 1% de différence sur les SRM que les coureurs possèdent sur leur vélo.
"Ce que fait Voeckler n'a été observé que chez Contador, Pantani, Rasmussen..."
Mais quid du génie humain, du talent ? Un garçon comme Jan Ullrich était avant tout reconnu pour sa capacité à être soumis dès sa jeunesse à des protocoles de produits dopants pas pour son talent. Frank Vandenbroucke était aussi très talentueux chez les juniors... Il faut faire très attention avec ce terme dans le cyclisme. Il permet éventuellement d'aller à 400 watts mais pas à 420. Distinguer le véritable talent est devenu compliqué, c'est ça qui est peu chiant dans ce sport. Le talent, c'est de faire une carrière à 400 watts en ne prenant rien.
Cela existe ? Il y a quand même des choses rafraichissantes au niveau de certains coureurs et des mentalités. Certains ont peur d'autres ont un cerveau et commencent à réfléchir. Avec un peu de ménage, je ne suis pas loin d'avoir un discours très positif.
Émettez-vous quelques doutes sur les performances de Thomas Voeckler ? Mon analyse en termes des watts confirme l'expertise d'une grande majorité du peloton par rapport à Voeckler. Quand ils voient leur collègue faire ce qu'il fait, les coureurs disent : "Ça suffit". On a retrouvé pas mal de choses sur lui. On constate une progression de 8 à 9% en watts sur une année en haute montagne. C'est une progression fulgurante et qui se maintient, donc bon... La capacité à faire ce qu'il a fait dans le col de Menté (28 min 20s avec une "puissance mutante" de 442 watts) n'a été observé que chez certains coureurs : Rasmussen, Contador, Pantani...
Que penser des Sky ? Il faut mettre à leur bénéfice une approche très pointue au niveau technologique. En 1996 ou 1997, j'avais fait essayer les plateaux OSymetric (utilisés par les Sky, ndlr) à Moreau, Dufaux, Virenque et Brochard. J'avais constaté des gains assez extraordinaires : 1 minute 30 sur une ascension par exemple. Aujourd'hui, tous ceux qui réfléchissent l'utilisent. Mais on ne peut pas dédouaner les Sky car certaines choses me taquinent un peu.
Vous semblez soutenir qu'il y aurait du mieux aujourd'hui au niveau de l'état sanitaire du peloton ? Par rapport à l'époque Indurain, c'est certain, mais cette ère était est quand même monstrueuse ! Tout le monde avait la potion magique (rires). L'an dernier, sur les cols cibles, aucun n'était au-dessus de 410 watts. Ça ressemblait au Tour 1999 sur lequel les grands coureurs n'étaient pas venus. Cette année, il y en a quatre, mais ils ne sont pas à 420-430 non plus. Ca avance beaucoup moins vite.
