Le biomécanicien, concepteur des fameux plateaux ovale, nous évoque dans le détail le pédalier qui a notamment permis à Wiggins de s'imposer dans la Grande Boucle et qui vient aussi d'être sacré champion olympique aux JO en contre-la-montre sur route.
Pouvez-vous nous parler du pédalier de Bradley Wiggins ? Ce produit ne date pas d'hier. Il s'agit du plateau Osymétric* que j'ai créé il y a une quinzaine d'années. L'objectif est de minimiser les points morts. Pour se faire, l'hypothèse de base vient du fait que la jambe ne produit pas un effort constant du point mort haut au point mort bas. La force de la jambe au point mort haut est deux fois plus faible qu'à l'horizontale. En partant de cette constatation, le pédalier rond circulaire donne un pédalage binaire. Ça se voit très bien quand on monte des pentes raides. On pédale par à coups. Ça se voit moins quand on est sur le plat car avec l'inertie, le point mort est gommé. Avec le plateau Osymétric, on essaie de rendre une adéquation avec la jambe en temps réel quel que soit le degré où se trouve la manivelle. Du coup, on diminue le rayon du plateau du point mort haut. Donc on vous enlève du travail pour vous en rajouter là où vous êtes le plus fort. C'est un plateau à géométrie variable qui varie en fonction de la force de votre jambe du point mort haut au point mort bas. Nos détracteurs sont bloqués dans leur analyse d'autant que le plateau est rond uniquement pour des raisons industrielles. A partir du moment où la jambe est mieux employée, on gagne un gain de puissance en termes de watts de l'ordre de 10%. En gain de vitesse, vous allez aller plus vite de 0,7 à 0,9 km/h.
Wiggins aurait-il gagné sans le plateau Osymétric ? J'ai vu travailler l'équipe Sky, c'est impressionnant. Quand on voit les autres formations travailler, c'est le siècle dernier. Les Anglais ont passé le pédalier à l'étude dans tous les sens. Porte l'a, Wiggins l'a, Froome l'a, Millar aussi. Les gars sont en train de le mettre pour le Tour d'Espagne. Ce produit sonnait pourtant comme une évidence pour moi et les ingénieurs en biomécanique il y a vingt ans. Ce n'est tout de même pas extraordinaire comme résultat. Pour découvrir le plateau rond, il ne faut pas être un génie. On dit que dans les cols cela n'a pas attaqué. Mais qui aurait pu le faire quand on développe 450 watts ? Les Anglais savent pertinemment que personne peut sortir 450 watts dans un col, ou alors pendant 30 secondes. Froome, Wiggins ont travaillé toute l'année pour gravir un col à 450 watts. Personne n'a pu passer.
Quelles sont pour vous les retombées ? Je suis content, mais abasourdi. J'attendais ces résultats depuis longtemps. On n'a pas gagné que dans le Tour de France. Il y a eu aussi le Dauphiné, Paris-Nice, le Tour de Romandie, le Tour du Portugal et bien d'autres courses. Avec Julich déjà, on s'était illustré (vainqueur de Paris-Nice en 2005 notamment). En triathlon, on a presque tout gagné aussi. Les gens découvrent cela aujourd'hui et s'en étonnent, mais je savais bien que s'il y avait un concours de circonstances favorable, le résultat serait au bout. C'est le cas. Je ne voulais juste pas mourir avant (contrairement à son collègue Michel Sassi qui est décédé en 2007, Ndlr).
* plus d'infos sur le site www.osymetric.com
