La Bolivie
288 pages
Français
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Description

L'élection d'Evo Morales, premier président indien en Amérique Latine, et les changements constitutionnels qui ont accompagné ce processus ont redessiné le paysage constitutionnel de la Bolivie. Cet ouvrage revient aux origines du pouvoir exécutif à partir de l'étude du cas bolivien. Il analyse comment le constitutionnalisme moderne essaya de concilier les notions de force et de légitimité par l'élaboration de ce que Jean-René Garcia appelle "un consensus sur le pouvoir exécutif ambivalent réalisé lors de Temps Historiques Constitutionnels."

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Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 248
EAN13 9782296252592
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait













À Jean-Michel Blanquer
























Les barrières constitutionnelles développent une conscience politique
[…] Elles réfrènent les élans de notre passion…


1Simón Bolívar




1 Simón Bolívar, “Mensaje del Libertador Simón Bolívar al Congreso Constituyente de Bolivia con motivo de
la presentación del proyecto de Constitución Política”, Betty Jordán de Albarracín, Documentos para una
historia del derecho constitucional boliviano, La Paz, Bolivia, Talleres Gráficos “San Antonio”, 1978, p. 38.
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PRÉFACE

Histoire Constitutionnelle
1et ambivalence du pouvoir exécutif en Bolivie


C’est un plaisir pour moi de présenter l’ouvrage de mon jeune ami
JeanRené Garcia à des lecteurs qui, j’en suis convaincu, lui sauront gré de son
étude. En effet, ce livre traite un vaste sujet de politique et de science politique
à l’échelle d’un petit pays d’Amérique latine dont la vie politique paraît
exotique au reste du monde et semble résister à l’analyse scientifique. La
Bolivie est, comme le dit Jean-René Garcia, un cas extrême qui ne saurait être
pris pour un modèle de pratique de la démocratie constitutionnelle. Néanmoins,
entre ses mains expertes, la Bolivie constitue un cas d’espèce tout à fait
instructif.
Cette vaste étude porte tout particulièrement sur le fonctionnement du
pouvoir exécutif dans la constitution libérale moderne mais ne s’y réduit pas. Si
j’emploie le terme “moderne” c’est parce que le pouvoir exécutif apparaît
comme une invention moderne de la science politique. Ce pouvoir ne semble
pas émaner naturellement du politique, bien que les intuitions qui le fondent
pourraient, sous forme de fragments, venir à l’esprit d’hommes politiques
accomplis. Mais le pouvoir exécutif suppose une doctrine qui contredit la
compréhension la plus naturelle ou la plus spontanée du politique et envisage le
politique comme le gouvernement d’une partie de la société sur le tout. Telle est
l’idée qu’Aristote tire de l’observation de différentes formes de gouvernement
car il s’agit bien d’une observation et non d’une idée inventée. Cependant, le
pouvoir exécutif est envisagé comme un pouvoir qui ne fait qu’“exécuter” ou
mener à bien la volonté d’un autre pouvoir. Habituellement le pouvoir exécutif
est considéré comme l’exécution des lois faites par le législateur mais on peut
également le concevoir de façon plus large comme ce qui définit tout
gouvernement lorsque le gouvernement est considéré comme exécutant la
volonté du peuple, la volonté de Dieu ou celle de l’Histoire. En ce sens, le
pouvoir exécutif est lié à l’idée de gouvernement représentatif où, encore une
fois, le gouvernement ne gouverne pas mais ne fait que représenter le peuple
sans s’imposer à lui mais en mettant en œuvre sa volonté et en montrant que
c’est ce qu’il veut, par le biais du consentement.
Pourtant, le pouvoir exécutif ne fait évidemment pas qu’exécuter, parce
qu’exécuter la loi implique de surmonter la résistance, qui peut être
considérable, de ceux auxquels elle est appliquée. Pour surmonter cette
résistance, il faut que les détenteurs du pouvoir exécutif disposent de

1Traduit de l’anglais par Lila Safraoui, Michelle-Irène Brudny et Marie-Laure Geoffray.
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l’intégralité des pouvoirs de la société ; ils doivent être forts.“Exécuter” peut
aussi bien vouloir dire “mettre à mort” que “mettre en œuvre”. L’exécutif fort
est au service de l’exécutif faible, car il lui permet de mettre en œuvre la
volonté de toute personne qui gouverne (il y a toujours un pouvoir à l’œuvre
même s’il ne gouverne pas). Mais le pouvoir exécutif faible est aussi au service
du fort qui lui permet de détourner la résistance à la loi vers un autre pouvoir
que lui-même : “Je suis désolé de devoir vous blesser mais ne m’en veuillez pas
à moi”. Cette interaction du faible et du fort constitue l’ambivalence du pouvoir
exécutif telle qu’inventée par Machiavel. Ce n’est pas que Machiavel ait
imaginé ce “tour” qui consiste à détourner la critique vers d’autres mais il a
inventé l’idée qui le sous-tend afin de substituer à la conception aristotélicienne
classique de l’exercice du pouvoir ce qu’il désigne lui-même comme un
“nouveau mode” de gouvernement, qui vient remplacer le précédent comme un
principe et comme un tout. Même ainsi, Machiavel ne présente pas sa
conception du pouvoir exécutif comme si elle avait simplement surgi de son
esprit. Cette idée, dit-il, lui a été inspirée par la manière même dont l’Église
prétend ne faire qu’exécuter la volonté de Dieu alors qu’elle exerce un pouvoir
directement sur les hommes et qu’elle accepte cette responsabilité. Donc, le
pouvoir exécutif pourrait être compris comme une forme de gouvernement
indirect, un gouvernement qui agit au nom de quelqu’un d’autre, par opposition
au gouvernement direct qui ne s’émeut pas d’affirmer que c’est lui qui
gouverne les gouvernés.
Le gouvernement indirect est dissimulé ; il prétend n’être rien ou peu de
chose en lui-même, ne faisant qu’exécuter ce qu’un autre pouvoir lui demande
de faire. Peut-être y-a-t-il là une forme de tromperie – et en effet, Machiavel
fait l’éloge de la tromperie et affirme qu’aucun gouvernement ne peut l’éviter.
Étant donné la résistance au gouvernement qui est naturelle chez les hommes,
un pouvoir n’est jamais assez puissant lorsqu’il s’agit d’affronter les nécessités
du gouvernement, qui demandent le sacrifice de l’argent et du sang des
gouvernés, à moins que ce gouvernement ne sache faire usage de la tromperie
pour faire passer son propre pouvoir comme la volonté des gouvernés. Mais
cette idée s’accorde mal avec le gouvernement constitutionnel qui est ouvert au
débat et fondé sur un consentement informé des gouvernés et non sur la
tromperie. Où serait-ce que le bon usage de la tromperie serait justement celui
qui pourrait être démenti avec succès ? Dans tous les cas, la notion de
gouvernement constitutionnel est apparue chez les philosophes libéraux du
XVIIe siècle, en particulier John Locke pour qui il est immoral de faire reposer
le pouvoir politique sur la tromperie comme le conseille Machiavel d’autant
que cette tromperie est vouée à être découverte. Ces philosophes lui ont
substitué une constitution établie, puis en Amérique une constitution écrite, qui
sépare le pouvoir en pouvoirs, chacun avec sa fonction spécifique. Dans la
conception de Montesquieu, les pouvoirs séparés se concurrencent les uns les
autres afin de limiter le pouvoir du gouvernement et en même temps sont
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contraints de coopérer, parce qu’aucun d’entre eux n’est en mesure de
gouverner par lui-même. Le gouvernement se trouverait ainsi en désaccord
avec lui-même de sorte que le secret du complot, condition nécessaire à la
tromperie, ne pourrait être maintenu. Dans leur rivalité pour la suprématie,
compétition qui a vocation à s’exercer publiquement, les différentes branches
du pouvoir doivent accepter d’être responsables de leurs actes et de rendre des
comptes au peuple. Le peuple, de son côté, aurait dorénavant des droits formels
tout comme le gouvernement aurait des institutions formelles. La tromperie
caractéristique du gouvernement chez Machiavel a été dépassée mais il en reste
quelque chose dans la différence entre pouvoir réel et pouvoir formel qui
caractérise les constitutions libérales. Un droit d’expression formel, par
exemple, n’est pas un droit réel à prendre effectivement la parole dans le but de
persuader, et un pouvoir formel de légiférer ne signifie pas que ce droit peut
être exercé sans rencontrer d’opposition de la part des autres pouvoirs ou
même une résistance populaire.
La différence entre pouvoir formel et pouvoir réel dans les constitutions est
révélée par la place qu’occupe le pouvoir exécutif en leur sein. Formellement,
le pouvoir exécutif est faible dans la mesure où il ne fait qu’appliquer les lois
votée

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