Réenchanter la Constitution
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Description


Une réappropriation de la Constitution par les citoyens s’impose aujourd’hui plus que jamais. Notre Constitution n’est plus adaptée à la société qu’elle entend piloter, tant elle est ébranlée dans sa suprématie et souffre d’insuffisances. Dès lors, avant de mener une autre réforme de l’État, le moment n’est-il pas venu d’envisager une modernisation du texte constitutionnel ? Certes, la Constitution ne peut garantir seule la cohésion de la société, spécialement lorsque celle-ci est plurielle. Mais elle peut favoriser une citoyenneté démocratique et contribuer au renouvellement du contrat social entre l’État et les citoyens. Cette conviction est au cœur du présent ouvrage. Il entend démontrer l’urgence d’un profond débat constituant qui, en associant directement le peuple, viserait à réenchanter la Constitution.




Marc Verdussen est professeur de droit constitutionnel à l’Université de Louvain (UCLouvain). Il y dirige le Centre de recherche sur l’État et la Constitution.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782803106646
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RÉENCHANTER LA CONSTITUTION
M V ARC ERDUSSEN
Réenchanter la Constitution
Préface de Philippe Van Parijs
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0664-6 © 2019, Académie royale de Belgique.
Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Didier Viviers Volume 160
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Conception et réalisation : Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Image de couverture : © Arthimedes, Shutterstock
Publié en collaboration avec/avec le soutien de
Préface
J’avais alors quinze ans et me destinais à faire des études de droit. Ayant hérité d’un vieux code Larcier, j’y ai découvert la Constitution belge — et aussitôt entrepris de la réviser, même avec l’ambition d’en faire une Constitution pour l’Europe entière. Dans un cahier que je viens de retrouver, j’avais soigneusement recopié à la main chacun des articles, en l’accompagnant, le cas échéant, de mes commentaires. Le cahier s’ouvre par une citation du juriste et homme politique Jean Van Houtte : « La qualité essentielle d’une Constitution est d’être en même temps durable et souple ». Il se clôt par un paragraphe griffonné le 31 décembre 1966 : « Il s’avère vain de remanier la Constitution belge pour en faire une Constitution européenne avant d’avoir consulté le texte des autres Constitutions européennes ». Ce sage constat mit fin à un projet bien téméraire, dont ma bifurcation vers la philosophie allait peu après me détourner pour de bon. C’est du moins ce qu’à l’époque j’ai dû penser. Mais voilà qu’un demi-siècle plus tard, je suis invité à lire et préfacer le livre que vous tenez entre les mains. Quelle jouissance ! Voici repris par des mains expertes mon vieux projet précocement avorté : réenchanter la Constitution du Royaume de Belgique en la repensant en profondeur et en prenant bien soin, cette fois, de consulter au préalable « le texte des autres Constitutions européennes ». Mais pour pouvoir réenchanter la Constitution belge, il faut aujourd’hui faire bien davantage que se laisser inspirer par ce qui se fait ailleurs. Il faut aussi, comme le fait le chapitre 1 du présent ouvrage, réfléchir aux menaces que font peser sur l’hégémonie de cette Constitution, l’approfondissement de l’intégration européenne et la transformation de la Belgique en État fédéral, l’émergence d’une société digitale déterritorialisée et même le contre-pouvoir des juges de la Cour constitutionnelle. Il faut de plus, comme le fait le chapitre 2, inventorier les diverses dimensions dans lesquelles notre Constitution peine à suivre l’évolution de notre société, qu’il s’agisse du rôle de la famille royale ou de la place faite au citoyen en dehors des élections, voire de l’impunité des mandataires politiques ou de l’usage systématique du genre masculin. Il faut enfin, comme le fait le chapitre 3, imaginer un mode d’évaluation et de révision de la Constitution qui se permette d’innover radicalement par rapport à la formule existante. En tout cas parmi les philosophes et les économistes, les juristes ont la réputation d’être conservateurs, de se borner trop facilement à dire ce que le droit dit au lieu de dire ce qu’il devrait dire et de s’employer à le réécrire. Ce n’est pas un reproche que l’on peut faire à ce livre. Il illustre la manière dont les juristes, sans frilosité mais aussi sans naïveté, peuvent s’engager dans une tâche fondamentale pour toute société qui veut croire en son propre avenir : l’élaboration d’utopies réalistes et le balisage des chemins qui conduisent à leur réalisation. Le refaçonnement récurrent d’une Constitution « durable et souple » ne constitue qu’une partie de cette tâche, mais c’en est une composante essentielle. Le philosophe engagé que je suis devenu se réjouit donc vivement de la publication de ce livre, rédigé avec bien plus de compétence et d’élégance que s’il avait été l’œuvre du juriste qu’adolescent j’avais espéré être un jour et ne suis jamais devenu. Philippe Van Parijs Membre de l’Académie royale de Belgique
* Introduction
La Constitution belge a été adoptée en 1831. Nous sommes en 2019. Cent quatre-vingt-huit années se sont écoulées. La vocation d’une Constitution n’est-elle pas de durer le plus longtemps possible ? Dans un texte présenté à l’Assemblée constituante française en 1789, Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne s’exclama en ces termes : « Quel citoyen, occupé de la Constitution de sa patrie, pourrait se défendre d’un attendrissement délicieux, en songeant qu’il s’occupe aussi du bonheur de toutes les générations futures ! » Et pourtant, aujourd’hui, la lecture de la Constitution belge suscite un profond malaise. À maints égards, notre Constitution n’est plus adaptée à la société qu’elle prétend piloter. Certes, tous les jours, la Constitution est interprétée par les juges et, tout spécialement, par les juges constitutionnels. Dans les litiges dont ils sont saisis, ils sont amenés à l’appliquer et à l’interpréter. À la condition d’être à l’écoute des aspirations essentielles de la société, ils sont en mesure d’en faire un texte vivant. Il ne faut pas s’en offusquer. En effet, il n’est pas contradictoire de reconnaître aux juridictions constitutionnelles un rôle de gardien de la mémoire collective et, dans le même temps, d’affirmer qu’il leur revient de procurer à la Constitution une lecture contextualisante. On entend par là une lecture qui reflète les mouvements les plus significatifs de la société. Dans les circonstances migratoires que l’on connaît, le Conseil constitutionnel français n’a-t-il pas, dans une décision du 6 juillet 2018, attribué une valeur constitutionnelle au « principe de fraternité » et, sur cette base, reconnu « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national » ? Il reste que la plasticité de la Constitution n’est pas illimitée. Les juges ne peuvent se substituer au Constituant. Ils ne peuvent donner au texte constitutionnel une portée qui va bien au-delà des choix du Constituant. Ils ne peuvent prêter à ce dernier des valeurs qu’il ne consacre pas. Lorsque le délibéré des juges doit laisser la place à un débat entre élus du peuple, le Constituant doit prendre ses responsabilités. Lui seul est titulaire du pouvoir de modifier la Constitution. Certes encore, la Constitution a été révisée à de nombreuses reprises, spécialement à partir de la fin des années 60. Mais, si on y regarde de plus près, on constate que le pouvoir constituant est obnubilé par le fédéralisme. La plupart des modifications sont liées à la transformation de l’État belge en un État fédéral. D’autres changements sont intervenus, mais ils révèlent une dérive pointilliste dans l’exercice du pouvoir constituant, ne répondant qu’à des besoins ponctuels et limités. En procédant par petites touches successives — ce qui est la définition même du 1 pointillisme —, on introduit inévitablement dans la Constitution des illogismes et, partant, on y sème un certain désordre. Surtout, les révisions au coup par coup trahissent dans le chef du Constituant un triste manque d’ambition. Combien de choix fondamentaux ne sont-ils pas omis, reportés ou évités ? La situation est préoccupante. Une démocratie ne se vivant que dans le présent est une démocratie qui, tirant profit d’une temporalité courte, verse facilement dans les petits arrangements et les bricolages de fortune. Une démocratie a besoin d’un horizon de règles et de valeurs qui s’inscrivent dans le temps long, celui d’une Constitution. Encore faut-il que ces règles et ces valeurs soient le reflet d’un peuple qui évolue. On ne dira jamais assez qu’on attend d’une Constitution qu’elle reflète les idéaux collectifs les plus fondamentaux et, tout spécialement, les valeurs porteuses d’une authentique culture démocratique. C’est à cette condition qu’elle peut assumer une fonction intégrative. La Constitution doit même être visionnaire. Il ne suffit pas qu’elle colle avec les évolutions les plus profondes d’une communauté politique. Elle doit aussi guider celle-ci. Dans le numéro d’automne 2018 de la stimulante revueWilfried, Martin Conway, professeur à l’Université d’Oxford, souligne que le patriotisme belge exhale « un parfum d’hostilité envers le statu quo politique », « une forme de résistance à un horizon politique qui semble vouloir exclure l’émergence de véritables alternatives ». N’est-il pas temps de poser les vraies questions ? Est-il encore possible de mener sereinement et efficacement une politique constitutionnelle significative
? Mieux encore, est-il envisageable d’entreprendre la rédaction d’un nouveau pacte constitutionnel ou tout au moins d’un pacte constitutionnel renouvelé, incarnant un consensus constitutionnel actualisé ? Précisons immédiatement qu’une telle entreprise aura d’autant plus de chance d’être couronnée de succès qu’elle implique directement les destinataires de la Constitution. Il est urgent pour chacune et chacun de se réapproprier une Constitution dans laquelle nous nous reconnaitrions et, par la même occasion, de se convaincre que la souveraineté du peuple n’est pas qu’une fiction. Faut-il rappeler ici la célèbre phrase de Thomas Paine (1791) : «The constitution of a country is not the act of its government, but of the people constituting a government» ? On nous dira que ces interrogations sont celles d’un juriste en chambre qui, déconnecté des réalités politiques, succombe aux sirènes de l’utopie. Bigre ! Une telle objection est irritante. Dans le monde des constitutionnalistes, quiconque s’isole dans sa tour d’ivoire ne survit pas. Étant constamment interpellés et mobilisés par les assemblées parlementaires, les équipes ministérielles, les services publics…, nous sommes plongés jusqu’au cou dans le vécu politique et administratif, voire pour certains d’entre nous juridictionnel. Et puis, surtout, nous sommes plus d’un à revendiquer le droit à l’utopie, ce qui comprend le droit d’imaginer des pistes pour transformer l’utopie en réalité. Confrontés aux turbulences qui affectent l’objet même de notre travail scientifique — la Constitution —, nous réclamons le droit de formuler « des propositions qui, tout en étant politiquement irréalisables à court terme, n’en prétendent pas moins décrire les 2 contours d’un avenir désirable et durable ». Avec — il est parfois nécessaire de le rappeler — la distance qu’exige une saine éthique universitaire. Disant cela, restons conscients que la révision d’une Constitution, fût-elle consistante, ne suffit pas à elle seule à forcer une nouvelle orientation constitutionnelle. Une politique constitutionnelle se fonde d’abord et avant tout sur le texte de la Constitution. Mais elle est également tributaire d’une culture constitutionnelle, ensemble de pratiques, d’habitudes, de croyances, de compromis, grâce auxquels les mots de la Constitution peuvent produire des conséquences concrètes. En quelque sorte, il existe une « Constitution empirique » dont on attend qu’elle interagisse avec la « 3 Constitution normative ». La crise de la Constitution est un symptôme, parmi d’autres, d’une crise qui frappe l’État lui-même. Personne ne peut y être indifférent. C’est une crise de la société en général, qui éprouve de sérieuses difficultés à définir des objectifs communs et consensuels et, partant, à adhérer à un imaginaire collectif. C’est aussi une crise du monde politique. Lui qui agit souvent dans le court terme, inscrivant son action dans une temporalité rendue discontinue par les échéances électorales. Lui qui laisse facilement aux juges le soin d’arbitrer des conflits de valeurs et abandonne hâtivement aux citoyens le devoir de solidarité, inscrit pourtant au cœur même de la mission de l’État. Le parc Maximilien n’est-il pas le parangon moderne de cette démarche citoyenne supplétive ? Après avoir brossé un tableau des mutations qui traversent les Constitutions en général (Chapitre 1), nous tenterons d’établir un diagnostic des maux dont souffre aujourd’hui la Constitution belge (Chapitre 2). Il nous reviendra alors de tracer des pistes pour un renouvellement du pacte constitutionnel (Chapitre 3). À titre préalable, et sans entrer dans le débat sur la signification précise du motConstitution, on se limite à indiquer que la fonction première d’une Constitution est de contenir la puissance des autorités publiques, en leur assignant des limites. Ces limites s’incarnent dans deux catégories de règles de droit : d’une part, des règles qui définissent les bases fondamentales de l’organisation de l’État et, d’autre part, des règles qui consacrent et garantissent des droits fondamentaux. Ces règles, et les principes qui s’y agrègent, sont le socle sur lequel reposent les autres règles de droit qui, toutes, doivent les respecter, y compris les lois. Au sens moderne du terme, leconstitutionnalismeles régimes politiques qui, non désigne seulement disposent d’une Constitution, mais en outre mettent en place un contrôle de constitutionnalité des lois. Les juges en charge de ce contrôle produisent ainsi une jurisprudence ancrée dans la Constitution. * Pour avoir lu et commenté le manuscrit de cet ouvrage, ou des versions antérieures de celui-ci, je remercie Xavier Philippe, professeur à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Céline
Romainville, professeure à l’UCLouvain, et Philippe Van Parijs, professeur émérite de l’UCLouvain, à qui j’exprime une reconnaissance particulière pour avoir accepté de rédiger la préface de l’ouvrage.
Conclusion
On le reconnaîtra aisément, la Belgique a survécu à toutes les crises institutionnelles grâce à cet art du compromis, teinté de pragmatisme, qu’envient nos voisins. D’aucuns diront que ce fédéralisme consociatif a encore des beaux jours devant lui. Peut-être que oui. Mais peut-être que non. Un sentiment de doute naît, en effet, de l’observation des réalités politiques les plus récentes, qui montrent que le dialogue est de plus en plus ardu. Le constater est devenu un truisme. La sensation domine que le sort de la Belgique tient aujourd’hui davantage à ce qui l’empêche de voler en éclats — les fameux verrous (Bruxelles, la dette, l’Union européenne…) — plus qu’à ce qui justifie sa survie. Si cette impression est fausse et si un horizon existe encore, alors éclairons-le. Si la loyauté est encore possible de chaque côté de la frontière linguistique, alors éprouvons-la. Non pas en s’engageant tout de suite dans une septième réforme de l’État, mais en procédant d’abord à un bilan de notre Constitution. Le présent ouvrage est traversé d’une conviction : la Constitution, élément majeur de la culture politique d’un pays, est de nature à contribuer à la formation de ce « patriotisme constitutionnel » 45 cher au philosophe allemand Jürgen Habermas . À elle seule, la Constitution ne suffit sans doute pas à garantir l’unité et la cohésion de la société, spécialement...
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