La pauvreté durable ?
217 pages
Français

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La pauvreté durable ? , livre ebook

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Description

L'Asie du Sud est devenue "l'épicentre de la pauvreté mondiale" avec près de 40% de la population pauvre du monde. L'évolution de la société bangladaise est caractérisée par cette pauvreté massive (surpopulation, espace de vie limité, risque climatique croissant, manque d'eau potable). Le temps pour une gouvernance de la solidarité contre la bidonvilisation des grandes cités est venu. Parmi les chantiers à privilégier, celui de l'éducation des enfants des bidonvilles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 157
EAN13 9782296703575
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA PAUVRETÉ DURABLE ?
Joël Le Quément


LA PAUVRETE DURABLE ?

Au Bangladesh, à Dhaka et dans le monde


Nouvelle édition
Du même auteur


Shangai. À la croisée des chemins du monde
Préface d’Ilya Prigogine
L’Harmattan
2002


Mégapoles. De Babel aux grandes cités du monde
L’Harmattan
2004


© L’Harmattan, 2010, pour la nouvelle édition
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12421-9
EAN : 9782296124219

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Pour les enfants du bidonville de Khilgaon
et en hommage à l’ONG CSKS
pour son soutien à ces enfants
Prologue
M’engageant tel un pèlerin sur le chemin des mégapoles il y a douze ans, d’abord à Shanghai, puis à partir du Caire vers l’est – à Mumbai, Kolkata, Chongqing, Singapour – et vers l’ouest – à Lagos, São Paulo et Mexico –, je me suis rendu pour la première fois en juin 2005 au Bangladesh et à Dhaka.
Je souhaitais aller à la rencontre de la cité sœur bengalie de Kolkata, de l’autre côté de la frontière depuis la partition de l’Inde en 1947. Ce fut un choc fort et parfois douloureux mais toujours emprunt de reconnaissance profonde, tant l’accueil chaleureux est au diapason de la grande culture du Bengale.
Rabindranath Tagore, dans l’ Offrande lyrique {1} -lui né à Kolkata et auteur des paroles devenues l’hymne national du Bangladesh –, dit le poids de l’histoire et la dure réalité du monde :
« C’est ici ton tabouret ; ici tes pieds reposent où vit le très pauvre, l’infime et le perdu.
Si je tente de m’incliner vers toi, ma révérence ne parvient pas à cette profondeur où reposent tes pieds, parmi le très pauvre, l’infime et le perdu.
Où ne hante jamais l’orgueil, là tu marches dans la livrée de l’humble, parmi le très pauvre, l’infime et le perdu.
Mon cœur jamais ne trouvera sa route vers où tu tiens compagnie à ceux qui sont sans compagnon, parmi le très pauvre, l’infime et le perdu ».
Du lauréat du prix Nobel de littérature de 1913 à celui Muhammad Yunus qui reçut le prix Nobel de la paix un siècle après en 2006, il y a une profonde continuité.
« En aidant les gens à sortir de la pauvreté, le microcrédit bâtit les conditions de la paix. Le cas du Bangladesh montre de façon éclatante les résultats qui peuvent être obtenus. Le Bangladesh d’aujourd’hui est un laboratoire vivant : l’un des pays les plus pauvres du monde se transforme en ayant recours à une conception innovante de la société et de l’activité économique. » {2}
Entrer dans la grande cité qu’est devenue Dhaka, c’est aussi être confronté à la réalité de l’ensemble du Bangladesh, dominé par la densité excessive de sa population et la pauvreté massive.
Le Bangladesh a ainsi pris une dimension « mégapolitique », surexposée aux tensions sociétales et aux chocs fréquents d’une nature de plus en plus féroce.
Le voyage sur place, comme ailleurs dansle monde, est irremplaçable pour approcher cette réalité. L’entreprendre, c’est rencontrer « l’humain » pour l’essentiel.
Une photo, une main
« Silence de la photo, silence de l’image qui se passe (ou devrait se passer) de tout commentaire. Mais silence aussi de l’objet, qu’elle arrache au contexte encombrant et assourdissant du monde réel. Quels que soient le bruit et la violence qui l’entourent, la photo rend l’objet à l’immobilité et au silence.
En pleine confusion urbaine, elle recrée l’équivalent du désert, un isolement phénoménal.
Elle est la seule façon de parcourir les villes en silence, de traverser le monde en silence. »
Jean Baudrillard {3}
En contrebas de l’échangeur autoroutier,
le bidonville de Khilgaon
Photographie de l’auteur, décembre 2007
Une photo
Ma rencontre avec le Bangladesh est née de manière insolite à cause d’une photo et avec l’aide d’une petite main.
Après de nombreux périples à travers les mégapoles de ce monde, ma décision fut prise de continuer ce qui est un pèlerinage vers Dhaka, en contrepoint de la visite de Kolkata que je fis en août 2003. La raison première était d’aller voir au-delà de la frontière indienne la cité sœur de Kolkata, Dhaka au Bangladesh.
Distantes d’environ 300 km, ces deux mégapoles ont eu pour socle commun le Bengale et sa grande civilisation. Que dire aujourd’hui de ce que fut la partition de l’Inde en 1947, une tragique décision aux terribles conséquences humaines. Séparer en deux nations une seule et même civilisation ayant une langue et une culture communes, c’est à l’évidence une tragédie de l’histoire qui continue à dévider sa trame, humainement explosive.
Lisant ce matin du 2 juin 2005 l’édition du quotidien des affaires de Dhaka, le Financial Express, je découvre la photo d’un bidonville {4} .
Ce bidonville est situé au pied du second échangeur autoroutier de Dhaka, flambant neuf, inauguré le 23 mars 2005 par Sheikh Hasina, alors Premier ministre et réélue le 29 décembre 2008 ; il s’étire le long de deux voies de chemin de fer qui, aujourd’hui, sont redevenues l’axe principal entre Dhaka et Kolkata.
Le commentaire qui accompagne cette photo est édifiant :
« Bourgeonnement de bidonvilles : des populations flottantes installent des bidonvilles à côté des lignes de chemin de fer sous l’échangeur de Khilgaon. La photo prise le mercredi 1 er juin 2005 montre comment les bidonvilles se sont installés lentement mais sûrement, venant de nulle part, dépouillant l’endroit de sa beauté ».
Ouvrage de prestige, chargé de désengorger le trafic routier, ce monument de béton se trouve pris d’assaut à ses pieds par le trop-plein de populations. En quelque sorte, la modernité serait « trahie » par cette présence humaine, qui ne devrait pas être celle des plus pauvres. C’est une cathédrale de béton sans commune mesure avec les taudis qui en contrebas abondent.
Ce fut l’Appel d’aller voir ce qu’il en était.
Une main
Vers la fin de la matinée de ce 2 juin 2005, je m’approche de la gare centrale de Dhaka. La chaleur est déjà étouffante. À l’ombre des bretelles de l’échangeur autoroutier et au croisement des voies ferrées, je suis à la recherche du bidonville qui dérange « la beauté de ce lieu ».
Foule des passants et des marchands. Densité de l’air pollué. Dans ce lieu de bruits, de mouvements d’une foule construite par des centaines de rickshaws et de taxis verts – tricycles pétaradants dont le moteur vient remplacer le mollet du tireur de rickshaw –, je suis là.
Ce moment va être éclairé par la rencontre d’une petite fille, Kulsum, âgée alors de 9 ans, qui prit ma main et me conduisit vers sa maman, Shahana, dans leur espace de vie, en plein cœur du bidonville de Khilgaon. Ce fut une journée de lumière avec l’accueil sans retenue des plus pauvres.
Qu’est-ce que le rien ? Tout. Tout dans l’accueil d’un instant par des habitants sans identité et en pleine misère. Je fus accueilli par le sourire étonné d’une maman entourée de ses cinq enfants. Son mari Shahin, tireur de rickshaw, arrivera plus tard.
J’ai ce matin-là poursuivi mon périple après cette première rencontre. La chaleur torride plaquait ce lieu d’abandon et de misère entre des ciseaux autoroutiers et le long de lignes ferroviaires.
J’ai d’abord rencontré les enfants avant de rencontrer les mamans. La plupart des pères se trouvent au même moment sur le bitume des rues embouteillées et polluées de Dhaka, tirant leurs rickshaws en compétition avec les taxis verts, les bus et les camions. Quelques femmes concassent avec des marteaux des briques de récupération, en pleine chaleur, pour quelques miettes de vie, quelques takas {5} .
Pour la première fois à Dhaka, je suis entré dans des abris de toiles plastifiées, comme le sol qui en est en partie recouvert. Sur quelques mètres carrés, la famille de sept personnes y dort, corps contre corps. Sol immaculé sur lequel on pénètre, sans chaussures, car elles doivent

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