Tontine, caisses de solidarité et banquiers ambulants
251 pages
Français

Tontine, caisses de solidarité et banquiers ambulants , livre ebook

-

251 pages
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Description

Des travailleurs des banques commerciales dakaroises en passant par les petits et grands commerçants des marchés et les émigrés sénégalais vivant en France, la tontine change pour s'adapter aux moyens et besoins des participants. La diversité de la participation rejoint naturellement celles des motivations et des finalités. La question demeure de savoir comment la tontine parvient à être un lieu de symbiose entre traditions et modernité, réciprocité et marché, continuité et innovation.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 139
EAN13 9782296241558
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chapitre 1 :Introduction

Depuis la crise de l‟endettement et l‟imposition des plans
d‟ajustement structurel au début des années 1980, il y aun intérêt
grandissant pour la finance populaire. Intérêt des chercheurs qui essayent de
comprendre les raisons du succès des tontines (associations rotatives
d‟épargne et de crédit) dans les pays africains là où les formes
d‟intermédiation financières classiques ont échoué. Intérêt des expertsen
développement, des organismes de coopération et des ONG qui s‟appuient
sur les principeset procéduresdelafinancepopulairepourélaborerdes
programmesdemicrocréditen faveurdescatégories sociales laisséesen
marge du système bancaire.Intérêtdes populationselles-mêmes qui
étonnent par leur créativité et leur capacité d‟innovationen matière de
conception d‟instruments souples et adaptés au contexte socioculturel pour la
collecte de l‟épargne et son affectation productive et/ou sociale.
S‟il est vrai que les Sénégalais participaient déjà, et depuis fort
longtemps, aux tontines,lesannées 80,marquées par une crise économique
profonde, ont favorisé leur éclosion aussi bien en milieu rural qu‟en milieu
urbain. La forte mobilité des sénégalais dans l‟espace internationale a
contribué àlareproductionde ces pratiques financières populairesdans la
plupart des pays d‟immigration.Le dynamisme des tontines faceà l‟inertie
du système bancaire,soulève des paradoxesetdes questions urgentes qui
méritent bien d‟être abordées.
Paradoxe de la réussite de l‟informel là où le secteur financier
moderne alamentablementéchoué etdéçu.Eneffet,lesbanques
commerciales établies au Sénégal n‟ont jusque-làpas réussiàservir plusde
1
10%delapopulationactive du pays (J-B.Fournieretal. 1993).Cequi
signifie que l‟écrasante majorité desSénégalaisest obligée derecourirà des
formes alternatives de financement pour satisfaire leurs besoins d‟épargne,
d‟assurance et de crédit. Par ailleurs, au milieu des années 80, plusieurs
banques ont fait faillite à cause essentiellementdeleur incapacité, d‟une
part, de s‟ajuster par rapport à l‟environnement socio-économique et, d‟autre
part, àrecouvrir lescréditsallouésà desentrepreneurs politiques puissants
tels queleschefs religieuxetcoutumierset les responsablesdu partiau
pouvoir.
Paradoxe égalementdu recours simultané auxarrangements
financiers populaires pardescatégories socialesauxconditions
socioéconomiquesdiverses.Des femmesau foyerde Thilogne etde Pikine
Médina Gounasse, aux travailleursdesbanquescommercialesdakaroisesen

1
Fournier, J-B;Camille, G.M.etGiguère, P. (1993), “The definition of a legal and
operational framework for mutualist financial network:what the actors haveto say.
TheATOBMS project experience in Senegal”. In Saving and Development no 3,
XVII,p. 332.

9

passant par les petits et grandscommerçantsdes marchéset lesémigrés
sénégalais vivant en France, la tontine, à l‟image du caméléon, change pour
s‟adapter aux moyens et aux besoins des participants. La diversité de la
participation rejoint naturellementcellesdes motivationsetdes finalités.Les
motivations d‟ordre psychologique ou social recoupent les préoccupations de
nature purement économique et financière. Les désirs d‟accumulation
côtoient les obligations socialesdelaredistribution.Lesbesoinsde
consommations, d‟investissement, de prévoyance et de prestige social
s‟accordent intimement dans une même mélodie dialectique. La question
demeure desavoircomment latontineparvientà combiner toutcela en
mêmetempset êtreun lieudesymbiose entretraditionset modernité,
réciprocité et marché, continuité et innovation, etc.
Dans lalittérature consacrée aux tontines,leschercheurs mettent
souvent l‟accent soit sur les motivations économiques, soit sur les
considérations sociales, en fonctiondeleur spécialisation,pourexpliquer la
participationdes individusdans les tontines.Lesanthropologues mettent
l‟accent sur les relations sociales à l‟intérieur des tontines tandis que les
économisteset financiers portent leurattention sur les fonctions d‟épargne et
de crédit.En voulant séparer sesdeuxdimensions,on passe à côté de cequi
fait l‟originalité de ces instruments financiers qui est qu‟ils intègrent dans
unefusiondynamiquelogiquesociale et logique économique.Nos
recherches fontde cemélange des genres un pointessentieldans
l‟explication de la réussite et du dynamisme des tontines au Sénégal.
Pour comprendre le dynamisme qui caractérise aujourd‟hui les
tontinesdans les milieux populaires africains, il s‟avèreindispensable de
repérer leurancrage dans les pratiques millénairesderéciprocité etde
sociabilité dont les rapportsdeparenté etdevoisinage constituent les
principaux supports.Leséchangesde donsetde contre-donsaucoursdes
événements sociaux majeurs tels queles mariages,les fêtes religieuses,les
funérailles et les baptêmes sont au cœur du lien social en Afrique. Pour
certains, commeAdebayo,latontine existaitdéjà dans les sociétésafricaines
précoloniales.Maiselle étaitenchâssée dans lesystème deréciprocitéqui
favorisait la circulation de la main d‟œuvre, des produits agricoles et
artisanaux ou encore des bijoux en or ou en argent à la place d‟espèces
monétaires.DemêmequepourLelart,latontine a existé avant même
l‟usage de lamonnaie,ilécrit:

“Elle (la tontine) a
permettaitautrefois

d‟ailleurs préexisté
de constituer une

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à l‟usage de la monnaie. Elle
communauté detravail pour

rentabiliser les travauxagricoleset pour réparer letoitdes maisons quandla
2
tempête s‟était abattue sur le village” (Michel Lelart 1985,p. 93) .

Plusieursautresauteurs fontde ces mécanismesdesolidarité
communautaire au niveau villageois,lesancêtresdes tontines monétaires
actuelles (Henry, A.;Tchente, G-H.;Guillerme-Dieumegard, P.,1991;
3
J-R Essombe Edimo,1995;C.Mayoukou,1996) .Ils parlent tousdes
tontines de travail dans l‟Afrique précoloniale qui se sont transformées
progressivement avec l‟introduction de la monnaie en tontines d‟argent.
Cependant, des travauxde certains historiens révéleront laprésence de
systèmes monétaires déjà très complexes dans certaines sociétés de l‟Afrique
4
de l‟Ouest (Jones,1958;Hopkins,1966;Johnson,1970).Ainsi, Adebayo
défendl‟hypothèse del‟existence detontines monétairesdéjà avant
5
l‟introductiondes monnaies occidentales (Adebayo,1994).Il montre àquel
point lesystèmemonétaireyorubaétaitcomplexe etavait occasionné des
changements sociaux profonds sur les structures hiérarchiquesde cette
société.LesAssociationsRotativesEpargne etdeCrédit (AREC),quenous
appelons ici tontines, étaient l‟une des formesd‟intermédiation financière à
cette époque.Elles favorisaientdeséchanges sociauxéquilibréscontribuant
àsaper les fondementsdelahiérarchiesociale desYorubabaséesur la
naissance.
Mais quel quesoit lerôleque ces systèmes monétaires précoloniaux
ont pu jouerdans le développementdeséchangesenAfrique del‟Ouest,leur
mécanisme defonctionnementconnaissaitdes limitesévidentes liéesàla
naturemême deleur médiumen l‟occurrencelescauris.Leur transportest
problématique audelà d‟une certainequantité etces systèmes monétaires ne
disposaient pasde composantes scripturalescequi limite demanière

2
Lelart, M.,(1985),“L‟épargneinformelle enAfrique,Revue des Etudes
comparatives,nº14,2etrimestre,pp. 53-78.
3
Henry,A.;Tchente,G-H.;Guillerme-Dieumegard, P.,(1991), Tontinesetbanques
auCameroun, Karthala,166p.EssombéEdimo, J-R.,(1995), Quelavenir pour
l‟Afrique?Financementetdéveloppement, EditionsNouvellesduSud,172p.
Mayoukou, C.,(1996),“Laréputation,un mécanismeincitatifdans lafonction
d‟intermédiationdes tontiniersenAfrique Subsaharienne”.Réseauxde Recherche
sur l‟Entrepreneuriat, AUPELF-UREF, Note derecherchenº96-57,19p.
4
Jones, G.I.,(1958),“Native andtrade Currencies inSouthern

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