L anglais et le plurilinguisme
257 pages
Français

L'anglais et le plurilinguisme , livre ebook

-

257 pages
Français

Description

Face à l'omniprésence et l'"hypercentralité" de l'anglais dans le monde contemporain, comment résoudre la question de la place de cette langue dans les situations d'apprentissage? Comment faire de l'anglais à la fois un objet d'apprentissage et un outil heuristique au service de l'enseignement des langues? Tout en proposant des réponses, cet ouvrage présente des paysages géographiques, didactiques et sociolinguistiques diversifiés, de la France à l'Asie (Chine, Malaisie), du Canada au monde celtisant, de l'école primaire à l'université.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 231
EAN13 9782296246386
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAPITRE 1
1
EN GUISE D’INTRODUCTION
LE RÔLE DE L’ANGLAIS DANS LES
APPRENTISSAGES LINGUISTIQUES:
APPROPRIATION ET CAPITALISATION D’UNE
CULTURE DU CONTACT DES LANGUES

2
Gilles FORLOT

1.«Watisdat ?», s’exclama Francine…
J’aiquatre minutesderetard. Prudemment, jepénètre dansla
grandebâtisse etd’un hochementdetête, lasecrétaire
m’indiqueàquelle porte frapper.J’entre danslasalle,souriant
sans répondreauflotde parolesdeFrancine.L’enseignante
s’appellecommecela, m’a-t-on ditlaveilleau téléphone.
Visiblement,Francine mesalue etme présenteaugroupe.Je
m’assoiset,telunbon élève,sorsmoncahieretmonstylo.
Soudain,avecforce gesteset voixascendante, elle
s’exclame «!sta op», en levantlesbras versle plafond,
paumesen l’air.Enune fraction deseconde,conjuguantma
compréhension deson mouvementetmareconnaissance de
l’anglais«standup !», je me lève.Francine,satisfaite de nous
voirfinalement tousnoushisser surnosjambes,reprend de plus
belle, en montrantlaporte:
«Watisdat ? Ja, dat!Watisdat ?»
Apparemment, nous sommesnombreuxà comprendresa
question,sansjamaispourtantn’avoirétudié le néerlandais.

1
JeremercieChristineCuetetIsabellePierozak pourleurscommentaires sur
une premièreversion decetexte.
2
Université dePicardie-JulesVerne/IUFM Amiens.Laboratoire d’études
sociolinguistiques surlescontactsde languesetlapolitique linguistique
(LESCLaP-CERCLL,EA4283).

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L’anglais et le plurilinguisme

Biensûr,Francine n’attendaucuneréponse.Ellesait qu’à ce
stade,c’estellequi doitmonologuer.
«Het is de deur… de deur.
En wat is dat ?…Dat is… dat is de muur».
Quelques unsd’entre nousesquissent unsourire,satisfaitsde
suivre la«conversation ».D’autresacquiescentàmesurequ’ils
comprennentcequeveutdireFrancine.Celle-cise metà
gesticuler, ouvrantet refermantlaporte. «Ik doe de deur
open !»,s’exclame-t-ellesoudainement, joignantle gesteàla
parole.

Francine n’estpasdugenreàresterassise derrièreson
bureau:ellese déplace, faitdesgestes, grimace oumontre des
objets.Au-delàdecette gestuelle, lesformeslinguistiques
semblentd’oresetdéjànousparler.Parmi nous,tousles
anglicistes, oudumoinsceux qui possèdent unanglaisde
survie, ont vitecompris«stand up !» (levez-vous!), «what is
that ? »(qu’est-quec’est[queça]?»), «it is the door»(c’est
laporte) et«that is the “mur” » (c’est le mur).Prèsde laporte,
ellesemble nousdire «I»do the door open,c'est-à-dire
quelquechosecomme «I’m opening the door»(j’ouvre la
porte)…

Cetteanecdoterelate montoutpremiercoursde néerlandais.
Certes, l’approche deFrancine laisserasansdoute les
didacticienscontemporains un peu sceptiques!Francinea
recoursàdes techniques que lespédagogies
communicationnellesactuelles réprouveraient, préférantà cette
approche frontale etpar trop lexicalisteune démarche
interactive etactionnelle privilégiantlaprise de paroleaussi
rapideque possible desapprenantsetla création desituation de
communicationayant unsens,socialementparlant.

Mais, en dehorsdetoute prise de positionsurlaqualité de
cette entrée en matière dans un premiercoursde langue, les
observateursaurontaussi peut-être perçu une doublestratégie
de lapartdeFrancine, l’enseignante:elle nousmontre, parce
que lalanguequ’elle enseigne le lui permetfacilement,que

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mêmequand oncroitnerienconnaître, on ensait toujours un
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petitpeu.Toute langueadesliens, elleaune histoire, elle
n’estpas qu’une normescolaire, ni lecodecryptiquequese
partagentlesmembresd’un même groupe.Elle estle mode etle
témoignage de nosmobilitésetcommunicationsancestrales.
Lasecondestratégie deFrancinetoucheaux représentations.
L’enseignantereproduitici implicitementlestéréotype
sociolinguistique faisantdunéerlandais un mélange d’allemand
etd’anglais,carcettereprésentation n’estpas–à cestade –un
obstacleàl’apprentissage.Plus tard, elleveilleratoutefoisà ce
que l’exactitude de lagenèse dunéerlandais soit reconstruite,
car unetellereprésentation perpétueune hiérarchisation des
languesgermaniques,comparantle néerlandaisàun enfant
illégitime !
2.Que ressort-il decetteanecdote?
2.1. La questiondes représentations
Commençonsd’abord parcequi nesaute pasaux yeuxàla
lecture de l’anecdote:laquestion des représentations.En
général,celles-ci parlentindirectementàl’apprenant,àson insu
aussi,tantelles sontancréesdans unsavoirdesenscommunqui
hiérarchisentlesobjetsdeceréelque notrequotidien nous
obligeàdécouper.Aussi,toutautant qu’uneMercedesBenz
nousparaîtplusprestigieusequ’uneŠkoda, lalangueallemande
nousparaîtplusdifficileque lalangueanglaise, lalangue
italienne pluschantanteque lalangue danoise etlalanguearabe
plus rugueuseque lalangue espagnole…
Danslafoulée des travaux surles représentations sociales,
lesdescriptionsetles théorisationsdesimages quevéhiculent
leslangues sontdepuisplusieursannéesl’objetd’études riches

3
Ce principerappelle lecommentairesuivantdeDanielCoste (1995:69):
«touteconnaissance d’une langue estpartielle, maisaussi moinspartielle
qu’il n’yparaît; savoir une languec’estaussisavoirdéjà bien deschosesde
bien d’autreslangues, mais sans toujours savoir qu’on les sait. »
4
Y compriscellesdontons’évertueàmettre enrelief laprétendue difficulté
etl’unicité génétique (lebasque parexemple…).

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L’anglais et le plurilinguisme

et variées(cf.entreautreslesouvragesdeZarate, 1993;
Matthey, 1997,Moore,2001a,Castellotti,2001;AlénGarabato
etal.,2003).Parmanque de place etaussi parceque moult
recherches s’y sontdéjàefficacementconsacrées, je n’entrerai
pasdansle détail dudébat théorique, épistémologique et
terminologiqueconcernantles représentations, lesattitudes, les
stéréotypesetleursprocessus.Néanmoins, desaspectsdudébat
méritent qu’ons’yattarde pendant quelqueslignes.
2.1.1.Des représentations linguistiques
Puisque le lecteur trouveradansl’ouvrage descontributions
s’intéressantàl’appropriation desL3, onsoulignerad’abord
que dansle grand domaine des représentations setrouve incluse
lanotion deconscience « méta»qu’unapprenantadeslangues
etde leursapprentissages.Ainsi, laquestion de la«language
awareness» (cf.Kellerman, 1978;Hawkins, 1984;James,
1996) estde prime importance pourlarecherche en linguistique
appliquéeàladidactique deslanguesetduplurilinguisme.
Celasignifieaussi,comme lerappelle justementJessner
(2006:19)que lesinterrogations scientifiquesliantconscience
linguistique etpratiquesmultilinguesindividuelles sont
éminemmentcomplexesetdoivent setraiterde façonàlafois
sociolinguistique etpsycholinguistique.Dansce dernier
domaine, du reste, lesétudes surl’appropriation desL2
(bilinguisme), puisdesL3(trilinguisme) ontconnu un
développementimportant, mettanten exergue laquestion
5
particulière de l’influence interlinguistique entre leslangues
concernéesparle processusd’acquisition-apprentissagevécu
parchaque individu(cf.Hufeisen etNeuner,2004).Certains
chapitresdulivre procurentd’ailleurs quelquesbeauxexemples
desituationscomplexes(cf.section 4ci-dessous) pour qui
s’intéressentàquestion desapprentissagesmultiplesde langues,
qu’ils soientconsécutifsou simultanés(cf.Cenoz,2000), même

5
L’adjectifanglais«cross-linguistic» estplusapproprié pourdécrire les
phénomènesen jeu.VoirnotammentJessner(2006:20-26) pour une
excellentesynthèse des travaux surlaquestion,synthèse dontmespropres
lignesintroductives s’inspirentici.

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sicescontributions s’intéressentplutôtaux questions
didactiques qu’auxaspectspsycholinguistiquesde
l’apprentissage.
Il n’enreste pasmoins que dansle domaine des
représentations, lerôle de lapsychotypologie,c'est-à-dire de la
perceptionsubjective de ladistance entre leslangues
(Kellerman, 1978;cf.aussiJessner,2006:22-23et82-83)<

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