Travailler, c est lutter
215 pages
Français
215 pages
Français

Description

Ce livre traite des micro-politiques du travail. Celles des dirigeants d'entreprise, mettant en oeuvre des moyens pour accroître la productivité et "changer les mentalités". Celles des salariés qui les contournent, y résistent, courbent parfois l'échine. Basé sur des entretiens et des observations, ce livre souligne la grandeur du travail ordinaire, lui redonne son caractère de lutte existentielle, de tragédie parfois.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2008
Nombre de lectures 169
EAN13 9782296187283
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Travailler c’est lutter

FREDERIKMISPELBLOMBEYER

Travailler c’est lutter

Politiques de modernisation
et engagements des sciences sociales

L’HARMATTAN

Du même auteur
Au-delà de la qualité : démarches qualité, conditions de travail et politiques
du bonheur,Ed. Syros, 1995 (2ème éd. épuisée, en cours de ré-édition).
European working lives(avec C. ThörnqvistetS. Jefferys), Edgar Elgar
Press, 2001.
Encadrer, un métier impossible ?Armand Colin, 2006.
Language and Politics at Work : some French theories on the links and
structures of power, values and identities in working life, Cahiers d'Evry,
n° 2006 (disponible sur demande auprès de l'auteur).

© L'HARMATTAN,2007
5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
harmattan1@wanadoo.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-04580-4
EAN : 9782296045804

À Spinoza

Mode d’emploi de ce recueil

Les textes réunis ici sont pour la plupart des articles rédigés
indépendamment les uns des autres et n’étaient initialement pas destinés à
former ensemble un livre. Ils sont ici regroupés sans aucune logique
chronologique, en fonction des thèmes principaux qu’ils développent. On
peut donc les lire «dans le désordre», en allant droit à ce qui, pour vous
lectrice ou lecteur, est l’essentiel. L’introduction et ensuite la présentation
des textes donne plus de précisions quant au contenu précis de ces derniers.

Les notes en bas de page précédées par un * ont été rajoutées en2007,
généralementpour rapprocher le contenu d’un texte ancien de la conjoncture
politique ou intellectuelle récente.

Je tiens ici à remercier chaleureusement les directrices et directeurs des
revues qui m’ont donné sans hésitation l’autorisation de republier ces articles
sous une autre forme.

9

Introduction : travailler c’est lutter

Tous les textes réunis ici abordent ce qui est une évidence quotidienne
autant que l’un des secrets les mieux gardés du travail et des entreprises : le
« moteur » de l’activité économique n’est ni économique, ni financier, mais
politique. Car à l’exception peut être de certains services publics, on s’y
dispute et s’ybatnon pour savoir s’il faut être rentable et faire des profits,
mais à propos du prix à payer pouryarriver, des choix à mettre en œuvre
dans la gestion du personnel et sur l’avenir à moyen etlongterme de
l’entreprise. Les dimensions politiques «singulières »du travail et des
entreprises sont au centre de ce recueil. Singulières, car elles se présentent
sous la forme bien connue des «sensibilités »différentes qui font que les
salariés effectuant un « même » travail ne le font pas exactement de la même
manière les uns et les autres. Singulières, car de telles sensibilités, qu’on
appelle aussi «stycaracles »,térisentnon seulement les salariés du bas de
l’échelle hiérarchique, mais aussi l’encadrement. Singulières encore, car
même en arrivant au sommet de l’échelle hiérarchique, au cœur des petits
cercles des élites dirigeantes (faussement salariées ou non), on rencontre de
telles divergences qui ne s’yappellentplus «mais souventsensibilités »
« orientations » voire « lignes politiques ».

Les dimensions « politiques » du travail
Au sommet des entreprises, le caractère politique de l’activité de
direction ne fait guère de doute. Onynégocie des alliances, des rachats
« amicaux » ou hostiles d’autres entreprises, onyfaitdulobbyingauprès des
instances gouvernementales, on conclut des pactes de non agression, des
accords publics ou secrets pour ne pas se concurrencer sur certains marchés,
et en matière interne, onydéfend l’idée d’un « plan social » destiné à opérer
tant de licenciements jugés « indispensables à la survie de l’entreprise », ou
on s’yoppose à un tel projet au nom d’une autre analyse de la conjoncture et
du marché et d’une autre conception de l’entreprise et de son personnel.
L’issue de telles luttes d’orientations à la tête des entreprises a des retombées
sociétales et politiques au sens plus courant du terme, sous la forme de
régions sinistrées, de drames familiaux, d’écoles qui ferment,
d’augmentation de l’influence de tel parti politique au détriment d’autres, ou
au contraire de nouvelles prospérités.
Nous défendons ici notamment l’idée que «les patrons ont une âme»,
que des luttes d’orientations traversent les comités de direction des
entreprises, et que « le facteur humain » constitue malgré tout, pour certains

11

entrepreneurs, une dimension qu’ils ne négligent pas, et qui influe sur leurs
analyses, choixetdécisions. Les employeurs ont des attaches, à un pays, une
région, un « coin » lié à l’histoire de leur famille, ils ont aussi des attaches à
des croyances, des valeurs, une religion, et cela joue dans leurs prises de
1
position . Cela en opposition à d’autres entrepreneurs, sans scrupules et états
d’âme, qui prennent des décisions qui mettent des régions entières en coupe
réglée sans en ressentir de culpabilité, selon l’idéologie du «manager
prédateur »qui gouverne maints comités de direction. Pour le dire en
négatif, nous ne croyons pas que nous vivions aujourd’hui sous le règne sans
partage de la Finance à courte vue ou des capitaux spéculatifs, nous pensons
que la base des « bulles financières » reste l’industrie, les services, le travail,
la production et le profit, et nous pensons que pour faire vivre les
entreprises, des salariés diversement qualifiés, des hommes et des femmes,
restent le cœur et le moteur de l’activité dite « économique ».
Or, pourquoi laisser le privilège des « dimensions politiques de l’activité
productive »aux seuls sommets des entreprises? Pourquoi parler de
« politique »pour ce qui se passe «en haut», et simplement de
« sensibilités » ou « état d’esprit » pour ce qui se passe « en bas » ? Un cadre
dirigeant l’affirmait un jour dans ces termes, en parlant ducoachingqui se
pratique à tous les niveaux dans son entreprise : «avec le directeur général
adjoint, on passe en vue régulièrement tous les grands problèmes
stratégiques, et avec mes collaborateurs (subordonnés), on regarde ensemble
tous leurs petits problèmes ». Les mots employés contribuent à construire ce
qui est jugé « grand » et ce qui est jugé « petit », et la perspective adoptée ici
consiste, par le biais des analyses proposées, à « renverser la pyramide ».
En apparence, chaque dirigeantest unique, alors que les salariés sont
multiples. Mais cette multitude forme aussi le cadre de référencespécifique,
toujours singulier,de ceuxqui la dirigent(on ne dirige pasune foule
n’importe comment, sanstenir compte de ses caractéristiques), et vus de
près, sous leur forme singulière individualisée,tous les salariés aussi sont
uniques. Etsi chaque dirigeanta en apparence des problèmes « complexes »
etaux vastes conséquences à résoudre, dontles effets se démultiplienten
fonction de lataille des entreprises, ces problèmes ne sont, à l’échelle
humaine impliquantanalyse et intelligence de la situation, choixetdécision,
peut-être pas plus complexes qu’un certain nombre de problèmes quotidiens

1
Dupointdevupe «urement(maisfinancier »untel pointdevue estsurtout une pure
fiction) l’emplacementdesusines Michelin ducôté de Clermont-Ferrand peut sembler une
aberration. Mais toute la famille Michelinyhabite, etdeux siècles d’histoire de cette famille
caractérisent cette vallée, et cela compte. Sans parler du fait que du point de vue « purement
financier », ce ne fut évidemment pas très « raisonnable » de la part du PDG de l’entreprise de
sortir en mer pour pêcher le bar un jour de tempête du côté de l’Ile de Sein... M.
PinçonCharlot et C. Pinçon montrent l’effet de ces dimensions non financières du capital dans toutes
leurs passionnantes analyses de la bourgeoisie française

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