Publittératus
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Nous sommes chaque jour la cible de centaines de slogans publicitaires qui visent tous à nous faire acheter. Ces slogans s'emparent des procédés d'écriture littéraire et les détournent de leur fonction esthétique et spirituelle pour les utiliser à des fins mercantiles. Quels sont ces procédés, et comment agissent-ils sur nous ? Ce petit dictionnaire tente de répondre en nous livrant une réjouissante analyse critique de cette littérature particulière qu'est la publittérature.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2015
Nombre de lectures 43
EAN13 9782336397313
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright























© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN : 978-2-336-74742-2
Amarante
Cette collection est consacrée aux textes de création littéraire contemporaine francophone.

Elle accueille les œuvres de fiction (romans et recueils de nouvelles) ainsi que des essais littéraires et quelques récits intimistes.









La liste des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Titre

Hilario Silvio





Publittératus

Petit dictionnaire d’analyse littéraire des slogans publicitaires
















L’Harmattan
Citation

« Contre la normalisation publicitaire, la première défense est d’examiner concrètement son travail quotidien, ses grosses ficelles comme ses perverses subtilités. »
François Brune, Le bonheur conforme
Dédicace

Ô Lecteur,

Je m’adresse à toi avec la subtile délicatesse, avec la tendre et sincère pitié, avec toute la lucide compassion enfin, de celui qui sait la terrible nouvelle et qui vient l’annoncer à l’heureux insouciant qui ne la sait pas encore, et qui vaque gaiement et vaillamment à ses tâches quotidiennes, satisfait de son présent et souriant aux multiples promesses de l’avenir.
En effet, tu ne t’en doutais nullement ce matin en te levant, et pourtant tu t’apprêtes, en cet instant solennel et décisif, à lever le voile de la pudeur et de l’ignorance qui masquait jusque là l’ignoble réalité à tes yeux farouches : Tu es un publittérophage .
Oh, rassure-toi, on vit très bien avec.
D’ailleurs nous sommes tous publittérophages.
À savoir que tous, autant que nous sommes, consommons chaque jour, en quantités variables selon l’endroit où nous vivons, de la publittérature , cette vile et détestable excroissance, ce rejeton bâtard, que dis-je, cette pestilentielle mycose de la véritable, noble et immortelle littérature qu’est la littérature publicitaire .
Car oui, il faut bien le nommer, ce tsunami langagier qui déferle inlassablement sur toi, te remplit la bouche et les oreilles, t’aveugle, et finalement te noie et t’entraîne avec lui.
Certes, il n’est que le vassal de l’image, fixe ou mouvante, qui a charge de te séduire et de susciter en toi l’Envie, mais une fois tes barrières abaissées, c’est bien la pointe – ô combien finement acérée ! – du texte, qui se fiche le plus durablement dans ta mémoire.
Quel est le degré de pénétration de ton cerveau par ces insidieux et machiavéliques messages, et à quel point ton comportement d’animal social est-il influencé par la publittérature, c’est ce que tu ne pourras jamais vraiment quantifier.
Mais, grâce à ce modeste dictionnaire qui te permettra de raviver joyeusement tes souvenirs de cours de français, tu sauras à nouveau mettre un nom sur les procédés d’écriture que les publittérateurs volent quotidiennement et sans vergogne à la vraie littérature et qui, asservis au mercantilisme le plus violent et le plus abject, font de toi un consommateur anesthésié et docile, indispensable rouage de la machinerie consumériste.
Mon espoir, outre le plaisir et la distraction que t’apporteront cette lecture, est qu’en t’habituant à considérer les slogans publicitaires par le prisme de l’analyse critique, tu te libères de leur hypnotique emprise et fasses un pas de plus en direction de ta vérité, et de ta liberté.
Accumulation
« Puis fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoit, pettoyt, baisloyt, crachoyt, toussoyt, sangloutoyt, esternuoit et se morvoyt en archidiacre, et desjeunoyt pour abatre la rouzée et maulvais aer : belles tripes frites, belles charbonnades, beaulx jambons, belles cabirotades et forces soupes de prime. »
François Rabelais, Gargantua
L’accumulation est le procédé littéraire favori de François Rabelais, homme d’église, médecin, éditeur, traducteur et écrivain de la Renaissance. Pour évoquer aussi bien le régime alimentaire de ses bons géants que l’étendue de leurs connaissances, les jeux auxquels ils s’adonnent, les lieux qu’ils visitent, ou les armes qu’ils manient, Rabelais farcit son texte d’accumulations, qui deviennent parfois de véritables listes s’étendant sur plusieurs pages. Nonobstant leur lecture qui peut devenir fastidieuse, ces accumulations témoignent de trois choses : premièrement, l’amour des mots, de leur saveur, de leur texture charnelle, et la jouissance de collectionneur que Rabelais éprouve à leur contact ; deuxièmement, la volonté proprement humaniste de proposer un idéal fantasmatique de connaissance et de savoir, embrassant l’ensemble de la science humaine. Enfin, ces accumulations sont aussi le symbole du formidable jaillissement vital qui innerve toute l’œuvre rabelaisienne, où science et truculence sont si joyeusement mariés, et où, comme l’écrivit Baudelaire à propos de Rubens, « la vie afflue et s’agite sans cesse ».
Le procédé littéraire de l’accumulation, qui consiste donc à placer à la queue leu leu, séparés par des virgules, des mots de même nature au nombre minimal de quatre (en-deçà duquel on parlera de rythme ternaire), est fort pauvrement représenté en publittérature. Cela peut paraître paradoxal, vu que le but de ces slogans est précisément de nous faire accumuler sans fin des biens de consommation. On s’attendrait donc à un peu plus de vigueur et de souffle de la part des publittérateurs, qui pourraient nous faire miroiter, à l’instar de Rabelais, l’étendue infinie des possibles en matière de possession matérielle, mais, las ! le slogan se doit d’obéir à un impératif de concision et de brièveté, puisqu’il s’adresse principalement à ce publiphage de base qu’est le passant pressé.
Nous n’avons donc pu relever, au cours de ces deux années de collecte, que quatre accumulations, dont trois minimales (portant donc sur quatre termes). Les deux premières emploient des verbes, à l’infinitif che Century 21 : Acheter / Vendre / Louer / Gérer 1 , à la troisième personne chez les témoins de Jéovah : Jésus pardonne, libère, guérit, sauve ! La troisième s’appuie sur des noms (dont, soit dit en passant, un seul est véritablement français) et émane d’un centre sportif bien en vue, où abondent snobs et bobos, le « Fit’n Well » (Fitness & Wellness Club) : Muscu / Fitness / Relaxation / Wellness (admirez au passage l’habile disposition de la rime interne à l’hémistiche). Mais la palme de l’audace revient sans conteste au voyagiste Volotea, qui accumule sans frémir pas moins de sept noms propres, soit autant de destinations : Ajaccio, Bastia, Biarritz, Bordeaux, Montpellier, Nantes et Toulon ! À partir de Strasbourg sans escale (notez ici la sage disposition par ordre alphabétique). Tout de même, dans les raisonnables limites de l’hexagone, voilà de la proposition, voilà du choix, voilà de quoi faire rêver ! Allez, messieurs les publicitaires, prenez exemple ! Un peu de hardiesse, de fougue et d’entrain, que diable ! Ne négligez plus les ressources formidables de l’accumulation, cessez de dissimuler vos intentions derrière un ascétisme de pacotille, et œuvrez pour un véritable pantagruélisme publicitaire ! La publicité, reflet de notre bien-aimée société de consommation, n’est-elle pas par excellence le lieu privilégié où doit se révéler dans toute sa plénitude l’impétuosité et l’exubérance de la vie ?
1 Les barres obliques symbolisent un retour à la ligne sur le panneau où a été relevé le slogan.
Adjectif
« Il est dynamique, athlétique, magnifique, il est fantastique, Il est, il est …c’est insensé, je manque d’adjectifs. »
Brigitte Bardot, « Je manque d’adjectifs »
Essentiel, explosif, exceptionnel : les adjectifs de la publittérature sont scintillants, chamarrés et bigarrés, pour donner l’éclat souhaité aux produits qu’ils promeuvent. Qui serait assez fou pour vouloir vendre un produit en le présentant comme ennuyeux, déprimant, pénible

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