La grande arnaque
212 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La grande arnaque , livre ebook

-

212 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Dans la majorité des sociétés connues, la sexualité apparaît comme un échange asymétrique et non réciproque entre hommes et femmes, une compensation masculine pour une prestation féminine, un paiement qui peut revêtir les formes les plus variées en échange d'une sexualité transformée en service. Comment se fait-il que les hommes, même plongés dans les situations les plus misérables, peuvent se payer le service sexuel d'une femme - alors que non seulement les femmes n'ont pas, sauf exception, cette possibilité mais de plus n'ont même pas droit à leur propre sexualité ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2005
Nombre de lectures 168
EAN13 9782296384347
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bibliothèque du féminisme
Collection dirigée par Oristelle Bonis, Dominique Fougeyrollas, Hélène Rouch
publiée avec le soutien de l’Association nationale des études féministes (ANEF)

Les essais publiés dans la collection Bibliothèque du féminisme questionnent le rapport entre différence biologique et inégalité des sexes, entre sexe et genre. Il s’agit ici de poursuivre le débat politique ouvert par le féminisme, en privilégiant la démarche scientifique et critique dans une approche interdisciplinaire.
L’orientation de la collection se fait selon trois axes : la réédition de textes qui ont inspiré la réflexion féministe et le redéploiement des sciences sociales ; la publication de recherches, essais, thèses, textes de séminaires, qui témoignent du renouvellement des problématiques ; la traduction d’ouvrages qui manifestent la vitalité des recherches féministes à l’étranger.
Titre original : La Grande Beffa. Sessualità delle donne e scambio sessuo-economico.
© Rubbettino editore, 2004.
© L’Harmattan, 2004, pour la traduction française.
9782747576727
EAN : 9782747576727
Sommaire
Page de Copyright Page de titre I- Problèmes de définition, questions de pouvoir II- Sexualité des femmes et échange économique III- Les dents de la prostituée : négociation et mesure dans l’échange explicite IV- Ruptures dans le continuum  : choix des femmes, répression des hommes V- La grande arnaque : échange, spoliation, censure de la sexualité des femmes Notes Bibliographie Ouvrages parus dans Bibliothèque du féminisme
La grande arnaque
Sexualité des femmes et échanges économico-sexuel

Paola Tabet
Ce livre est né de la réélaboration, fusion et mise à jour d’une série d’essais parus de 1987 jusqu’à nos jours :
« Du don au tarif. Les relations sexuelles impliquant une compensation ». Les Temps Modernes , n° 490, mai 1987 : 1-53.
Etude sur les rapports sexuels contre compensation . Rapport présenté à l’UNESCO, Division des Droits de l’Homme et de la Paix, 1988.
« Les dents de la prostituée : échange, négociation, choix dans les rapports économico-sexuels », in M. C. Hurtig, M. Kail, H. Rouch eds., Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes . Paris : Editions du CNRS, 1991 : 227-243.
« La Grande Arnaque ». Actuel Marx , n° 30, 2001.
Ce parcours, long et pas toujours facile, m’a été possible grâce à l’amitié et l’affection de plusieurs personnes, à leur soutien intellectuel et émotionnel. Je n’en citerai que quelques-unes ; mes remerciements vont aussi à toutes les personnes qui ne sont pas nommées, mais qui savent de toute façon qu’elles ont accompagné ce travail. Je remercie en premier lieu Colette Guillaumin, Nicole Claude Mathieu, Gail Pheterson, Christine Delphy, ensuite tous ceux qui, au fil du temps, ont d’une manière ou une autre partagé mon parcours : Valeria Ribeiro Corossacz, Rita Astuti, Bartolomeo, Carla Corso, Pia Covre, Jeanne Favret Saada, Maria Tacconi, Bruna Raggi, Marina Raggi Pastrana, Raùl Pastrana, Brigitte Lhomond, Gabriella Da Re, Franco Marrocu, Ken Thai Tabet, Gaoussou James Tabet, et tout particulièrement les femmes de Niamey qui ont accepté de parler avec moi de leur vie. Je souhaite encore remercier Josée Contreras qui depuis 1987 a traduit tous mes textes en français, ainsi que Hélène Rouch et Oristelle Bonis pour leur infatigable travail éditorial.
Je tiens à remercier aussi les revues Temps Modernes et Actuel Marx , les Editions du CNRS, la Division des Droits de l’Homme et de la Paix de l’UNESCO.
« Une culture machiste de la période jurassique », écrit le sociologue brésilien Cândido Grzybowski, l’un des organisateurs du Deuxième Forum Social Mondial de Porto Alegre, « imprègne encore, tel un virus, l’intégralité de notre tissu social. » La sexualité, avec l’échange économico-sexuel, se situe en son centre. C’est un domaine révélateur et explosif. Si un autre monde peut voir le jour, cela dépendra en grande partie de la manière dont on affrontera le nœud des rapports entre les sexes.
I- Problèmes de définition, questions de pouvoir
Mon terrain d’analyse sera l’échange économico-sexuel, les relations sexuelles impliquant une compensation. Mais pourquoi ne pas dire « prostitution » ?
Parce que : 1) le terme prostitution (ce que l’on entend banalement par prostitution) a un sens trop étroit pour englober toutes les formes de relations que je me propose d’étudier ; 2) il est trop marqué : sa connotation morale négative devrait elle-même donner lieu à une réflexion ; 3) enfin c’est un terme galvaudé. Quand on dit « prostitution », chacun croit comprendre, bien savoir a priori de quoi il est question. Le sens commun tient la prostitution pour un phénomène évident, immuable, anhistorique, lié de façon quasi biologique aux relations entre les sexes : n’est-ce pas, comme on le répète à l’envi, « le plus vieux métier du monde » ? Bref, tout le monde « sait bien » quels sont les contenus et les caractéristiques de ce phénomène.
Dans les sociétés occidentales en particulier, ce terme signale que l’activité professionnelle et le mode de vie, le statut, « l’état » d’une catégorie de femmes — les prostituées — sont totalement séparés et distincts de ceux des autres femmes. On établit un clivage absolu entre d’une part la putain, « la femme qui se vend », d’autre part la mère ou l’épouse, faisant de l’appartenance à l’une ou l’autre catégorie une affaire d’essence 1 .
Et pourtant, pour le sens commun (dans les pays occidentaux du moins) non seulement il y a toujours eu et il y aura toujours des putains, mais « toutes les femmes sont des putains », cela ferait presque partie de la « nature » ou de la « biologie » des femmes — toute femme pouvant le devenir ou, plus exactement, pouvant être définie telle à un moment ou à un autre de son existence. C’est là encore la manière simple et habituelle de faire passer pour un fait de nature ce qui est le produit d’un rapport social 2 . La menace du « whore stigma », du marquage comme putain, pèse sur toutes les femmes. Pheterson (1986, 2001) y voit à juste titre « a female gender stigma », un marquage des femmes comme classe de sexe : « La menace du stigmate de putain agit comme un fouet qui maintient l’humanité femelle dans un état de pure subordination . Tant que durera la brûlure de ce fouet, la libération des femmes sera en échec » (Pheterson 2001 : 129)
Il s’est agi tout d’abord, en dépouillant la documentation ethno-antropologique ainsi qu’une partie de la documentation historique disponible, de travailler à définir l’objet, à identifier le champ même de la recherche. Non pas la prostitution, donc, mais les relations sexuelles entre hommes et femmes qui impliquent une transaction économique. Dans une écrasante majorité de ces relations, l’échange se fait dans un sens précis : de la part des femmes, il y a fourniture d’un service ou d’une prestation, variable en nature et en durée, mais comprenant l’usage sexuel ou se référant à la sexualité ; de la part des hommes, il y a remise d’une compensation ou rétribution d’importance et de nature variables, mais de toute façon liée à la possibilité d’usage sexuel de la femme, à son accessibilité sexuelle.
Le champ d’investigation concernera précisément les relations hétérosexuelles impliquant une compensation dans lesquelles l’échange se fait dans le sens que je viens d’indiquer, et n’englobera donc ni les relations homosexuelles, que celles-ci soient définies ou non comme prostitution, ni les relations hétérosexuelles où la transaction économique ne se fait pas dans le sens ci-dessus mentionné (relations du type « gigolo », etc.), bien que leur utilisation à des fins comparatives puisse parfois se révéler d’une utilité et d’un intérêt très grands 3 .
Dans ce chapitre je tenterai de faire une analyse croisée des relations économico-sexuelles, des définitions de la prostitution et des situations des femmes définies par les termes de prostituée, putain, etc. J’essaierai en même temps de montrer que — contrairement à l’idée, si répandue et si tenace dans les sociétés occidentales modernes, selon laquelle ce qui di

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents