Mon partenaire en un éclair
242 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Mon partenaire en un éclair , livre ebook

-

242 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Cette ethnographie du speed dating porte un regard original et novateur sur le paradigme du couple contemporain. Considérant l'émergence et la renommée du speed dating comme la marque de son temps, l'auteur met en évidence les enjeux anthropologiques de la quête contemporaine du conjoint. Il expose, sans jargon superflu, comment les raisons et les manières de faire couple s'adaptent au fil des transformations idéologiques et technologiques de nos sociétés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 août 2015
Nombre de lectures 18
EAN13 9782806107947
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Pierre-Yves Wauthier






Mon partenaire en un éclair
Un anthropologue en Speed Dating

PIXELS
Copyright














D/2015/4910/19
ISBN : 9782806101822
© Academia L’Harmattan s.a.
Grand’Place, 29
B-1348 Louvain-la-Neuve
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
Citation

« Ne restez plus seul, agissez ! » 1







1 Vu sur le site web d’une agence de speed dating (Belgique, 2010). Cette locution de terrain signifie qu’il est approprié pour une personne qui n’est pas en couple de prendre son destin en main pour répondre à l’injonction normative de la formation d’un couple ; car le couple , dans cette société, est la façon présentée comme adéquate de répondre à une série de nécessités sociale. Quoique…
1. INTRODUCTION
Cette monographie décrit la pratique du speed dating et le sens que ses acteurs en donnent, tels qu’observés à Bruxelles en 2009 et en 2010 2 .
Le speed dating dont il est question ici est un dispositif qui est, en principe, destiné à produire de la rencontre hétérosexuelle à connotation sentimentale entre personnes qui ne se connaissent pas et qui cherchent à former un couple. Au cours d’une séance de speed dating, typiquement, sept femmes rencontrent sept hommes tour à tour pendant chacun sept minutes. Au terme de cette série de rencontres éclair, chaque participant désigne confidentiellement à l’organisateur ceux ou celles qu’il souhaite revoir ultérieurement. Par la suite, l’organisateur échangera les coordonnées des personnes qui auront réciproquement souhaité se revoir. Les personnes ayant indiqué un intérêt mutuel pourront ainsi reprendre contact pour un « vrai rendez-vous, cette fois », c’est-à-dire un rendez-vous à deux dont le lieu, l’heure et le prétexte seront déterminés par eux-mêmes et non par un tiers.
Le speed dating peut a priori être présenté comme un moyen systématique d’optimiser la formation de couples dans une société où le choix du conjoint se fait habituellement par consentement mutuel et par démarche personnelle. Dans le jargon, on appelle parfois le speed dating : « 7-7-7 ». En pratique, le nombre de participants des deux sexes et le nombre de minutes consacrées aux rencontres en série peuvent sensiblement varier. Le concept du speed dating se décline en plusieurs variantes, dont certaines seront décrites en détail dans cet ouvrage. D’emblée, signalons le « speed dating en ligne » 3 : cette variante conserve la connotation sentimentale du speed dating d’origine. Il se déroule sur une plateforme internet où se connecte une série d’internautes préalablement inscrits. Ils y clavardent 4 , ou ils y conversent via webcam, avec d’autres « célibataires » 5 du sexe opposé, tour à tour pendant un temps limité par la plateforme. En 2010 à Londres, fut également inventé le speed hating , également appelé hate dating . Le concept imite celui du speed dating sauf que les participants sont invités à s’épancher au sujet de tout ce qu’ils détestent, y compris concernant leurs vis-à-vis. Le concept aurait été inspiré à ses inventeurs après un speed dating habituel qui aurait mal tourné. Les organisateurs de speed hating invitent tous ceux qui trouvent embarrassant les événements habituels « pour célibataires » à les rejoindre. Selon un témoignage paru dans The Guardian 6 , il semblerait que les speed hateurs trouvent en speed hating de quoi initier des relations de couple.
Bien qu’ayant été inventé pour la recherche d’un partenaire conjugal, le principe du speed dating est également exploité dans le monde des affaires et le monde politique. Il est alors destiné à rencontrer d’éventuels partenaires commerciaux, à embaucher ou à se faire embaucher, à séduire des partenaires politiques ou des électeurs etc. Le concept du speed dating se transpose donc d’un univers à l’autre : conjugal, virtuel, économique, politique… Et le concept s’osmose aussi, s’interpénétrant avec d’autres sphères de notre environnement social. Ainsi, sur le terrain belge, en 2009-2010, des marques de produits de consommation courante, n’ayant à première vue pas grand-chose à voir avec l’affect ni la sexualité, organisent des speed dating sentimentaux à des fins promotionnelles, par exemple.
À l’instar d’autres activités et services dits « pour célibataires », tels que les sites de rencontre en ligne, les soirées et repas dansants, ainsi que certaines émissions de télévision comme « Tournez Manège », par exemple, le speed dating se présente comme un « dating system » . Dans le jargon du « marché matrimonial », on nomme dating system s les dispositifs de rencontre systématisés qui produisent ou proposent des rencontres organisées ou suggérées par un tiers ou par un mécanisme appliquant une méthode (tel que les logiciels censés identifier des partenaires conjugaux potentiels parmi des personnes enregistrées dans des bases de données, par exemple). Mais ces activités pourraient aussi bien être présentées comme des « entreprises commerciales » ou comme des « programmes de divertissement ». Le fait que le principe du speed dating « sentimental » ait été adopté/adapté par/aux mondes marchand, industriel, politique et de loisir n’est peut-être pas dénué de sens. Le speed dating est un phénomène qui n’est sans doute pas apparu de façon fortuite n’importe où, n’importe quand. Le speed dating n’est pas universel, il est le fruit d’une certaine société où il prend vie et sens, par et pour une partie de ses membres, au moins. Et nous verrons ici ce que cela implique, selon une perspective socioanthropologique.
1.1. Alliance ou appariement au début du 21 e siècle en Occident
Considérant le contexte matrimonial des sociétés ouest-européennes contemporaines, les démographes constatent une sorte de crise du mariage et de la famille. Au fil des dernières décades, les taux de mariage diminuent peu à peu alors que les taux de divorce ne cessent d’augmenter. De même, les naissances hors mariage et les unions informelles augmentent elles aussi de manière significative 7 . Le nombre de familles et d’individus concernés par la question des désunions et des unions informelles est aujourd’hui massif. Les façons de faire familles se multiplient et les parcours conjugaux se diversifient.
Ainsi, à l’instar de la plupart des pays d’Europe occidentale, on se marie de moins en moins et on divorce de plus en plus en Belgique au fil des dernières décades. Un nombre apparemment massif et croissant d’individus adultes pourrait donc se trouver concerné par l’éventualité d’une relation éphémère et/ou informelle. Pour les enfants qui sont nés dans ce contexte, dont une part sont déjà parents aujourd’hui, le divorce, la monoparentalité, la recomposition familiale et la semi-fraternité, ou encore l’homoparentalité apparaissent aussi banals ou acceptables que la figure des parents mariés une seule fois et jusqu’à la mort.
Nonobstant le contexte dans lequel ces enfants grandissent et qui forge leur référentiel quant aux relations humaines, on observe parallèlement dans nos sociétés un allongement de l’adolescence appelé l’adulescence. Corollairement, dans les sociétés occidentales dites « à libre choix du conjoint », la durée pendant laquelle les jeunes sont amenés à « sortir ensemble » (ou à « fréquenter » 8 , comme on disait précédemment) avant de s’engager dans une forme d’union plus ou moins formelle s’étend souvent bien au-delà de l’âge de vingt ans 9 . Si bien que la grande majorité des jeunes âgés de moins de 25 ans est composée d’individus qui ont déjà été en couple pendant des mois, ou des années, et qui ont donc déjà vécu une séparation 10 . Ce fait est devenu aujourd’hui tellement banal que peu semblent prendre la peine de le relever. Pourtant, le contraste est frappant entre une société pas si ancienne où les époux n’avaient connu qu’un seul conjoint 11 et celle d’aujourd’hui

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents