A l ombre de l étoile
209 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Ce livre décrit l'histoire d'un garçon juif de la banlieue parisienne durant l'Occupation. En dépit des lois anti-juives, il continua à fréquenter l'école primaire, puis le collège Turgot à Paris. Contraint de porter l'étoile jaune, il fut souvent l'objet d'insultes qu'il surmonta avec courage et résilience. Quand les arrestations devinrent plus fréquentes, sa mère le confia à une famille de fermiers près d'Evron en Normandie. Muni d'un certificat de baptême, il dut se comporter comme s'il était catholique, et cacher son origine juive. Ces circonstances pénibles le firent s'inscrire dans un séminaire, afin d'y poursuivre des études rabbiniques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 306
EAN13 9782296703605
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À L’OMBRE DE L’ÉTOILE
Léo Michel Abrami




À L’OMBRE DE L’ÉTOILE

Souvenirs d’un enfant caché

Récit
Du même auteur


Une démarche thérapeutique : la logothérapie
Pierre Téqui Éditeur, Paris, 2006


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12425-7
EAN : 9782296124257

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
AVANT-PROPOS
J’avais à peine huit ans, lorsque les armées allemandes envahirent la France. Persuadées que cette guerre décisive marquerait le triomphe de l’idéologie nazie, les forces d’occupation du Troisième Reich ne tardèrent pas à mettre en œuvre une politique méthodique de nettoyage ethnique. Des franges entières de la population, les Juifs, les Tziganes, les communistes, devinrent les cibles d’une campagne de vexations, d’intimidations, d’interdictions, préludes à l’extermination.
De tous ces groupes, cependant, les Juifs eurent droit au sort le plus cruel. Ils furent d’abord soumis à un ensemble de règles discriminatoires, puis, arrêtés par la police et déportés dans des camps de concentration où la plupart furent impitoyablement assassinés. Cette persécution se poursuivit jusqu’aux derniers jours de la guerre. Plus de 75 000 Juifs, dont 14.000 enfants, furent déportés de France et seuls quelques milliers eurent la chance de survivre à la tourmente.
Afin de nous protéger, mon jeune frère et moi, ma mère décida de nous envoyer à la campagne. Elle nous confia à des fermiers d’un village isolé de Normandie. Elle nous donna pour consigne de ne jamais révéler à quiconque que nous étions d’origine juive, et même les fermiers qui avaient bien voulu nous prendre en charge, n’avaient pas connaissance de notre identité réelle : ce fait, à lui seul, aurait pu les mettre en danger vis-à-vis des autorités. Nous enfouîmes ainsi notre judéité à l’intérieur de nos cœurs pour prétendre que nous étions catholiques, comme tous les autres enfants de la région.
Plus tard, cette expérience devait me motiver à rechercher l’histoire de ma famille et la communauté dont elle était issue pour finalement me consacrer à l’étude de la religion juive. Ainsi, aussitôt après avoir passé le Brevet élémentaire, je m’inscrivis au Séminaire Israélite de France de la rue Vauquelin, à Paris.
C’est le récit de mon enfance et adolescence que je propose de raconter dans ces pages. Je tenais à ce que mes arrière-petits-enfants sachent ce qui était arrivé à l’un de leurs ancêtres. En effet, quand j’ai essayé de retracer la vie de mes aïeux, je n’ai moi-même trouvé aucune information quelle qu’elle soit, pas même une lettre ou une inscription tombale. C’est pourquoi j’ai tenu à laisser à mes descendants, un témoignage écrit de ma propre main. Les faits et noms qui sont mentionnés dans ce livre sont véridiques, au plus près de ma capacité à les restituer.
Je tiens à exprimer ma gratitude à toutes les personnes de bonne volonté qui ont veillé à mon bien-être durant cette période difficile et qui m’ont protégé de la fureur de l’ennemi, souvent au risque de leur vie.
Je veux rendre hommage à ma mère, pour le courage et le dévouement dont elle a fait preuve à l’égard de ses parents et de ses enfants. Elle est, sans aucun doute, la véritable héroïne de cette histoire.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à M. Santo Cappon qui m’a aidé à traduire le texte original de l’anglais et à M. Emmanuel Haymann qui a eu l’amabilité de bien vouloir relire le manuscrit et suggérer les corrections nécessaires à la clarté de ce dernier. Je n’aurais jamais pu compléter cet ouvrage sans leur assistance précieuse.

Leo Michel Abrami
Sun City West, Arizona
le 15 mars 2010
I BAGNOLET
Bien avant l’occupation de la France par les Allemands, des préjugés racistes commencèrent à se répandre dans toute l’Europe. Mon nom de famille, aux résonances à la fois polonaise et juive, incitait certains de mes camarades de classe à me tourmenter par de cruels quolibets :
Foul’camp, sale youpin, et retourne dans ton pays ! Les juifs sont tous des traîtres !
Je me demandais à quel pays ils faisaient allusion. Je ne connaissais aucun autre pays que la France. Ma mère, mon frère et moi étions tous français de naissance. Je ne comprenais pas non plus pourquoi ils m’accusaient d’être un "sale youpin". Je pensais me conformer à l’usage de mes camarades de quartier, qui consistait à prendre une douche aux bains publics une ou deux fois par semaine.
Il est vrai que mes grands-parents avaient été des immigrants, mais non des traîtres. Mon grand-père s’était porté volontaire pour servir dans l’armée française durant la Grande Guerre, et avait même été décoré pour son courage et sa bravoure. À ses funérailles, les Anciens Combattants de la commune avaient rendu un hommage émouvant à leur compagnon d’armes, et lui avaient exprimé leur gratitude pour avoir fait de la France sa patrie d’adoption.
Bien que fils de rabbin, Leib Abramovski avait choisi de devenir installateur en chauffage central plutôt que de suivre les traces de son père. Quand il se porta volontaire dans l’armée, il fut incorporé dans une unité chargée de la maintenance du matériel militaire : il passa trois années à réparer des canons et des armes légères, à proximité immédiate de la zone des combats. Ses camarades de service savaient de quel bois il se chauffait, et aucune propagande anti-juive n’aurait pu les effleurer. Suivant l’usage des Anciens Combattants de notre commune, une messe fut dite à l’église en sa mémoire.
Ma grand-mère Lotta, qui n’avait pas eu la chance de fréquenter une école publique dans son village letton, avait eu recours à un précepteur privé pour parfaire son éducation. À l’âge de dix-huit ans, elle apprit à lire et à écrire le letton, le russe, l’hébreu et le yiddish. Elle avait en permanence auprès d’elle un livre afin d’en parcourir quelques pages dans ses moments libres. A l’occasion des fêtes juives du Nouvel-An et du jour du Grand Pardon, elle avait coutume d’inviter à la maison quelques voisines, et de lire avec elles, en yiddish, les commentaires des principales prières.
Ma mère Anna était née à Paris en 1903. Elle avait fréquenté l’école publique, et bien qu’ayant dû se passer d’études universitaires, elle avait pris, durant plusieurs années, des cours du soir au sein de diverses institutions. Elle était d’une profonde religiosité et fréquentait la synagogue régulièrement. Elle prit soin de ses parents jusqu’à leur dernier souffle et fit de son mieux pour nous élever, mon frère et moi, tout en travaillant afin de faire bouillir la marmite. C’est à Nice, lors de ses vacances, qu’elle fit la connaissance de mon père. Il avait été invité à donner un récital de violoncelle à la synagogue principale à l’occasion de sa nouvelle consécration. Mes parents se marièrent quelques mois plus tard, et je vins au monde l’année suivante. Malheureusement, leur union ne dura pas longtemps. Mes parents se séparèrent alors que ma mère était enceinte de mon frère cadet.
Mon père, David Zacharin, était né à Gomel, en Biélorussie. Il étudiait le droit à l’Université de Kiev quand éclata la Révolution bolchévique. Il s’impliqua rapidement dans la mouvance menchevique du parti social-démocrate. Comme beaucoup de gens à cette époque, il espérait que la révolution instaurerait un régime nouveau, soucieux des Droits de l’homme et appliqué à faire disparaître les discriminations anti-juives. Lorsque Léon Trotski, qui avait appartenu aux mencheviques, fut banni, puis exilé loin de sa patrie et par la suite assassiné au Mexique par les sbires de Staline, mon père connut découragement et désillusion. Il abandonna ses études de droit et se consacra à la musique. Il se rendit à Rome auprès de son oncle et sa tante, afin d’y poursuivre l’apprentissage du violoncelle.

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