Afrique aimée
233 pages
Français

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Afrique aimée , livre ebook

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Description

Il s'agit du récit d'un couple ayant passé de longues années en Afrique. D'abord le Dahomey (actuel Bénin) sur les traces du roi béhanzin et de sa culture artistique, puis l'Oubangui, le Soudan et enfin durant sept ans le Tchad. Tandis que lui pourchassera les moustiques, vesteurs de tant d'épidémies, elle créera une école où les jeunes seront initiés aux arts plastiques et aux anciennes traditions tombées dans l'oubli.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 217
EAN13 9782296678910
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Afrique aimée

Chroniques d’un temps passé
Graveurs de mémoire

Dernières parutions

Pierre VERNAY, Chronique amazonienne d’un bateleur fou d’écriture, 2009.
Éric LE RAY, Marinoni, fondateur de la presse moderne (1823 -1904), 2009.
Michèle PERRET, Terre du vent. Une enfance dans une ferme algérienne , 2009.
Pauline BERGER, Bruits de couloirs. Dans les coulisses d’un internat de jeunes filles (1951-1958), 2009.
Franco URBINI, La libération de la France , l’Indochine. Souvenirs de guerre d’un 2 e classe (1941-1947), 2009.
Rémy MARCHAND, Les mémoires d’un poilu charentais, 2009.
SHANDA TONME, Les tribulations d’un étudiant africain à Paris. Livre I d’une autobiographie en 6 volumes , 2009.
Attica GUEDJ, Ma mère avait trois filles. 1945-1962 : une enfance algérienne , 2009.
Roby BOIS, Sous la grêle des démentis. Menaâ (1948-1959), 2009.
Xavier ARSÈNE-HENRY, Les Prairies immenses de la mémoire , 2009.
Bernard LAJARRIGE, Mémoires d’un comédien au XX e siècle. Trois petits tours …, 2009.
Geneviève GOUSSAUD-FALGAS, Les Oies sauvages. Une famille française en Tunisie (1885-1964), 2009.
Lucien LEMOISSON, Itinéraire d’un pénitentiaire sous les Trente Glorieuses , 2009.
Robert WEINSTEIN et Stéphanie KRUG, L’orphelin du Vel’d’Hiv , 2009.
Mesmine DONINEAUX, Man Doudou, femme maîtresse , 2009.
François SAUTERON, La Chute de l’empire Kodak , 2009.
Paul LOPEZ, Je suis né dans une boule de neige. L’enfance assassinée d’un petit pied-noir d’Algérie , 2009.
Henri BARTOLI, La vie, dévoilement de la personne, foi profane, foi en Dieu personne , 2009.
Régine Le Hénaff


Afrique aimée

Chroniques d’un temps passé


L’Harmattan
© L’H ARMATTAN, 2009
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09179-5
EAN : 9782296091795

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Première partie
I – Dakar (1937)
La nuit tombe sur Marseille et sa Bonne-Mère. Les nuages bas, la pluie et le vent ajoutent au sinistre de la situation. Sur le quai, ma mère pleure. La fille unique qu’elle n’a pratiquement pas décramponnée depuis sa naissance est là, à bord d’un paquebot qui s’apprête à partir vers les dangers inconnus d’une Afrique pleine de sauvages emplumés et pourquoi pas cannibales.
Accoudé au bastingage, le gendre (mon mari) écoute avec émotion mêlée de soulagement le mugissement puissant de la sirène qui annonce l’appareillage. Soulagement dû, en partie, aux milliers de kilomètres qui vont bientôt le séparer d’une belle-mère envahissante ; émotion car cette clameur qui monte du bateau et vous prend aux tripes annonce qu’il vient, enfin, de mener à bien son rêve d’enfant : devenir médecin colonial comme le tonton Georges.
Quant à moi, je suis partagée entre l’angoisse et la curiosité, l’envie de pleurer et celle de rire, ce qui me confère l’aspect de la parfaite andouille qui ne sait pas ce qu’elle veut.
Passent les premiers jours qui consistent à s’adapter à la routine ronronnant du bord. Le vieux Canada prend retraite des lignes de l’Atlantique-nord, taille péniblement sa route dans le mauvais temps qui ne nous a pas quittés depuis le départ de Marseille. Gibraltar franchi, c’est encore pire : nous longeons la côte d’Afrique dans une mer très forte, agitée par un vent furieux qui soulève des montagnes d’écume et les envoie voltiger par-dessus les cheminées. L’accès des ponts est interdit aux passagers, lesquels seraient bien en peine d’apprécier la beauté du spectacle tant ils sont malades. Pas un coin du bateau qui ne soit devenu un vomitoire en puissance. Personne ne se risque plus à la salle à manger, d’où parvient le fracas de la vaisselle brisée, et l’idée seule de la célèbre gastronomie des paquebots français transforme les visages pâles en faces de filets de soles avariées.
Jour après jour, le vieux paquebot tosse dans les vagues en craquant de toutes ses boiseries intérieures. Histoire de nous remonter le moral, une sirène de brume hulule à intervalles réguliers. La forte houle qui nous prend en plein travers déclenche la dégringolade en chaîne de tout ce qui n’a pas été soigneusement arrimé. Dans notre cabine, c’est le carnage. L’antique bidet à pattes glisse d’une cloison à l’autre et les objets de toilette cascadent du lavabo à la moquette où le tube de dentifrice écrasé voisine avec un caramel mou. Afin de limiter la casse, j’ai solidement amarré le berceau à un des montants de ma couchette… ce berceau où dort, repu et insensible au tintamarre extérieur, une larve humaine de six mois. Mon fils. Ma merveille. Pendant ce temps, le père qui a horreur des odeurs de pipi et de vomi arpente en vrai marin breton les coursives dégoulinantes d’embruns. Il faudra attendre encore une vingtaine d’années pour que lui vienne la fibre paternelle, quand les fils de sa chair (car il y en aura d’autres) seront assez costauds pour hisser les voiles ou relever l’ancre de son voilier.
Je me demande ce que je fais sur cette galère à vapeur, car rien ne m’avait préparée à ce genre de vie. Élevée en Alsace, où mon père avait trouvé un job de chef d’orchestre au retour de la guerre, je me suis retrouvée coincée entre deux géniteurs dotés l’un et l’autre d’une forte personnalité et d’un caractère de cochon. Ils ne tardèrent pas à en venir aux mots, aux mains et aux avocats. Ils ne furent pas heureux ensemble, n’eurent que moi comme enfant et se séparèrent au bout de quelques années. Mon père s’en retourna à Paris et je restai avec ma mère qui, quoique très belle, ne se remaria jamais. Une fois suffit. Mon enfance alsacienne se résume à des souvenirs de grandes libertés, d’amour des animaux en général et des chevaux en particulier. Ma mère ne faisait pas le poids quand elle tentait d’interdire les tapis d’Orient aux chiens puçeux ramassés sur le trottoir, la cuisine aux volatiles divers et les balcons aux cochons d’Inde ou aux lapins. Pas le poids non plus pour obtenir de moi des succès scolaires, heureuse quand je n’étais pas flanquée à la porte en fin d’année avec des réflexions du genre : votre enfant est charmante, dynamique, originale... mais si vous trouviez une autre école pour la prochaine rentrée, nous vous serions très reconnaissants. Seul, un collège protestant m’a gardée plusieurs années de suite, mais uniquement pour enchoser les catholiques. Le jour où, fière comme un pou, je ramenai un certificat d’études primaires mention passable, ma mère n’en crut pas ses yeux et m’offrit aussitôt mon premier cheval. Il s’appelait Kim et c’était mon cheval à moi seule.
Dès lors, je me désintéressai totalement des études et les cours à la sauvette furent entrecoupés de longues séances d’écurie où j’appris à remuer correctement une litière, à aérer le fumier et à décrotter la sole d’un sabot. Comme nous habitions au quatrième étage sans ascenseur, il n’avait pas été question d’installer Kim en compagnie des chiens et des cochons d’Inde, de sorte que je passai le plus clair de mon temps au manège de l’orangerie où il avait été mis en pension.
L’année de mes quinze ans, ce bonheur que je croyais éternel chavira en l’espace de quelques jours. Ma mère perdit ses sous dans un krach bancaire retentissant et dut très vite dire adieu aux onze pièces de l’appartement, à la cuisinière, au chauffeur et a tout ce luxe qui était le sien depuis l’enfance. Je n’ai réalisé que beaucoup plus tard à quel point elle avait eu du cran. Très simplement, sans larmes, sans jérémiades inutiles mais non sans fierté, elle fit ses paquets et s’en retourna à Paris, où elle loua un petit trois pièces sur cour près de la place de l’Étoile. Pour moi, ce fut le drame. Perdue dans cette fourmilière en grisaille, je pensai à Kim qui avait été vendu au manège, à la campagne qui sentait le houblon et à ma liberté perdue. Notre mouise relative nous apporta quelques compensations : je fus débarrassée d’une vieille gouvernante mitée

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