Alexandrie, pierre d aimant
121 pages
Français

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Alexandrie, pierre d'aimant , livre ebook

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Description

Alexandrie, la ville refuge, est décrite ici comme point d'attraction pour les Juifs persécutés ou victimes de troubles intérieurs et de conflits armés qui, sous l'Empire ottoman, ont choisi l'Egypte comme patrie. Ils ont trouvé en elle un havre et laissé sur elle leur empreinte culturelle. L'auteur décrit les expériences de ses grands-parents qui ont tous, pour une raison ou une autre, quitté leur pays d'origine pour s'installer en Egypte, et notamment à Alexandrie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 248
EAN13 9782296673564
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alexandrie, pierre d’aimant
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08302-8
EAN : 9782296083028

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Frédérique Banoun-Caracciolo


Alexandrie, pierre d’aimant

Le choix de quatre familles juives
au début du XX e siècle


L’Harmattan
Graveurs de mémoire
Dernières parutions
Jeanne DUVIGNEAUD, Le chant des grillons. Saga d’une famille au Congo des années trente à nos jours, 2009.
Jean BUGIEL, La rafle. Récits de circonstances extraordinaires d’une vie médicale (1936-1994), 2009.
Pierre VERNEY, Mon ciel déchiré, 2009.
Francine CHRISTOPHE, Mes derniers récits, 2009.
Charles JOYON, Le jeune Français de Vienne. 1943 – 1945, 2009.
Bernard LETONDU, Fonctionnaire moyen, 2009.
Claude-Alain SARRE, Un manager dans la France des Trente Glorieuses. Le plaisir d’être utile, 2009.
Robert WEINSTEIN et Stéphanie KRUG, Vent printanier. 39-45, la vérité qui dérange, 2009.
Alexandre TIKHOMIROFF, Une caserne au soleil. SP 88469, 2009
Henri BARTOLI, La vie, dévoilement de la personne, foi profane, foi en Dieu personne, 2009.
Véronique KLAUSNER-AZOULAY, Le manuscrit de Rose, 2009.
Madeleine TOURIA GODARD, Mémoire de l’ombre. Une famille française en Algérie (1868-1944), 2009.
Jean-Baptiste ROSSI, Aventures vécues. Vie d’un itinérant en Afrique 1949-1987, 2008.
Michèle MALDONADO, Les Beaux jours de l’Ecole Normale, 2008.
Claude CHAMINAS, Un Nîmois en banlieue rouge (Val-de-Marne 1987-1996) suivi de Retour à Nîmes (1996-1999), 2008.
Judith HEMMENDINGER, La vie d’une juive errante, 2008.
Édouard BAILBY, Samambaia. Aventures latino-américaines, 2008.
Renée DAVID, Traces indélébiles. Mémoires incertaines, 2008.
Jocelyne I. STRAUZ, Les Enfants de Lublin, 2008.
Jacques ARRIGNON, Des volcans malgaches aux oueds algériens, 2008.
Á Micaela, Valeria et Sandra
I Alexandrie, 1945
Mercredi. Comme tous les mercredis nous sommes à déjeuner chez mes grands-parents Lévi, mon frère Jean, maman, mes cousins Paolo et Laura, ma tante Giorgina et mon oncle Max. Paolo a à peu près mon âge et nous nous entendons bien : même amour pour la musique, la littérature, le cinéma et depuis quelque temps l’art, que nous avons découvert ensemble récemment, grâce aux leçons d’une historienne d’art compétente et enthousiaste. Papa ne vient jamais à ces réunions de famille. Il préfère la compagnie de ses amis qu’il retrouve tous les jours, à midi, au club Mohamed Ali et avec lesquels il échange des propos, voire des potins et des médisances, en sirotant un verre de ouzo allongé d’eau, après la journée au bureau. Assis sur la terrasse de ce lieu privilégié qui domine la rue Fouad, ces messieurs observent d’un œil critique le va-et-vient des dames de la société alexandrine qui font leurs emplettes.
Pour nous le mercredi est un jour de fête. Notre grand-mère Matilde fait une excellente cuisine et nous nous réjouissons à la perspective de savourer ses pâtes délicieuses, assaisonnées d’une épaisse sauce bolognaise, son rôti cuit au point, ses pommes de terre au four dorées et croustillantes et son dessert qui est souvent un panettone moelleux qu’elle confectionne elle-même, en brave Italienne qu’elle est restée.
Notre grand-père, Alberto, qui est beaucoup plus âgé que ma grand-mère, parle peu et suit distraitement nos conversations qui, pour le plus, se déroulent entre maman et ma tante et concernent les gens qu’elles connaissent et fréquentent et qu’il ignore. Grand-maman a parfois quelques doléances à exprimer que maman hésite à relever. Il s’agit d’habitude de problèmes financiers mais maman, comme toutes les épouses de son époque, n’a pas de moyens propres et n’aime pas trop demander de l’argent à papa.
Grand-papa, quand nous étions petits, s’amusait à nous parler en anglais et exhibait avec orgueil ses connaissances linguistiques, car il avait passé une partie de son adolescence à Manchester, en Angleterre, et cette langue lui avait servi durant l’apprentissage qu’il avait fait dans une usine de tissage et filature. Il avait aussi rapporté de ses voyages une abondante collection de timbres poste qu’il ne classait pas mais tenait entassés dans un tiroir. Nous avions eu beau, Jean et moi, le prier de nous donner ses doubles, car nous avions commencé à un jeune âge à collectionner des timbres qui trônaient maintenant dans des albums remplis méticuleusement. Pour une raison qui nous avait toujours échappé, notre grand-père refusait de se séparer de ses doubles. Il possédait aussi des marionnettes dont nous ignorions l’origine et qu’il acceptait, après beaucoup de supplications, car il aimait nous taquiner, de faire danser dans un grand bol de cristal après le déjeuner.
Plus tard, devenus adolescents, Paolo et moi quittions la table dès le repas terminé et nous nous rendions au musée gréco-romain, situé exactement en face de la maison de nos grands-parents, et qui avait, un jour, ouvert pour nous les merveilles d’un monde inconnu. Mes grands-parents habitaient, en effet, la rue du Musée, une grande avenue bordée de jacarandas qui, au printemps, se recouvraient de fleurs violettes.
À cette époque-là, nous n’avions pas d’identité nationale. Ma famille, comme celle de nombreuses familles juives, était originaire de plusieurs pays méditerranéens. Je ne me rendais pas compte de cette absence de patrie ni n’en souffrais. Ce n’est que plus tard, quand j’ai quitté l’Egypte pour l’Italie, que cette situation anomale a commencé à me causer de l’embarras. Á la question : « D’où venez-vous ? », je répondais « d’Égypte », mais c’était gênant de devoir avouer que je ne parlais pas l’arabe, et qu’après trois générations dans ce pays ma famille n’en possédait toujours pas la nationalité. C’est ainsi que j’ai pris l’habitude de répondre : « Je suis méditerranéenne ». En effet, avec un grand-père marocain, un autre albanais, une grand-mère turque et l’autre italienne, comment aurais-je pu mieux m’identifier ? Cela explique sans doute pourquoi a commencé, tout doucement, à s’éveiller ma curiosité pour mes origines, curiosité qui m’a poussée à aller à la recherche du passé de ma famille.
En réalité, il n’était pas nécessaire de s’identifier en Égypte. Les habitants d’Alexandrie provenaient pour la plupart de pays différents et s’y étaient établis pour des raisons économiques, de travail et de liens familiaux ou pour fuir le racisme et les persécutions subies dans d’autres pays, notamment pendant la deuxième guerre mondiale. À l’école nous ne nous interrogions pas sur la nationalité ou la religion de nos compagnes de classe. Nous portions toutes l’uniforme de l’école, soie écrue en été et serge bleue marine en hiver, avec le monogramme « Mission laïque française » brodé sur la pochette, seul signe de notre appartenance. Et mon Lycée d’Alexandrie était, en effet, bien laïque, aucun des signes dits aujourd’hui « ostentatoires » ne distinguait les élèves les unes des autres. Ce n’est que par la suite, quand maman décida de m’inscrire dans un institut religieux, le pensionnat de Notre Dame de Sion, que j’ai pris conscience des attributs qui me réservaient une place à part. En effet, autour du cou de mes compagnes chrétiennes pendait une croix en nacre alors que moi, à l’instar des fillettes musulmanes, je portais une médaille en forme de rosette. En outre, à mon grand embarras, la matinée commençait par une prière durant laquelle la classe tout entière s’agenouillait et priait pour la conversion d’Israël, alors que moi je restais debout. Car l’ordre auquel appartenait mon pensionnat avait précisément pour mission la conversion au catholicisme d’Israël, ainsi que l’avaient établi ses pères fondateurs : les frères de Sion. Pendant ce court laps de temps, mes compagnes musulmanes et moi étions exclues de la communauté.
Dans aucune des deux écoles que j’ai fréquentées, les filles musulmanes n’étaient voilées. Bien au contraire, elles étaient les premières à adopter les modes occidentales, notamment la mode « new look » lancée par Christian Dior qui faisait fureur ces années-là, à raffoler du jazz dont elles chantaient les motifs et à se pâmer devant les beaux acteurs des films américains projetés régulièrement en version originale dans nos cinémas alexandrins.
Nous ne connaissions donc pas les origines de nos amis et cela ne nous intéressait guère

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