Henri Rochefort : déportation et évasion d un polémiste
344 pages
Français

Henri Rochefort : déportation et évasion d'un polémiste , livre ebook

-

344 pages
Français

Description

Opposant résolu à Napoléon III, Henri de Rochefort, polémiste talentueux devient l'écrivain le plus populaire de France avec le journal satirique "La Lanterne". Hostile aux Versaillais, sans épouser complètement la cause de la Commune, il sera arrêté et déporté en Nouvelle-Calédonie, notamment avec Louise Michel. Il parviendra à s'en évader de façon spectaculaire après trois mois seulement de séjour. un ouvrage qui constitue un apport remarquable à l'histoire du Second Empire, de la Commune et de la IIIème République naissante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2004
Nombre de lectures 588
EAN13 9782296370357
Langue Français
Poids de l'ouvrage 10 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

HENRI ROCHEFORT:
DÉPORTATION ET ÉVASION
D'UN POLÉMISTEJoël Dauphiné
HENRI ROCHEFORT:
DÉPORTATION ET ÉVASION
D'UN POLÉMISTE
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan ltalia
5-7, rue de l'École-Polytechnique Hargita u. 3 Via Degli Artisti 15
75005 Paris 1026 Budapest 10124 Torino
FRANCE HONGRIE ITALIE@ L'HARMATTAN, 2004
ISBN: 2-7475-6967-5
EAN : 9782747569675E lundi 12juillet 1880, alors que la loi relative à
l'amnistie des communards venait à peine d'êtreC publiée au bulletin des lois de la République
française, un train en provenance de Lyon s'immobilisait en
gare à 5 heures 40 du soir: après plus de neuf ans de prison, de
déportation et d'exil, le marquis Henry de Rochefort-Luçay
retrouvait son cher Paris. Deux de ses enfants
l'accompagnaient. Sur le quai l'attendaient une centaine de
personnes. Gracié quelques mois plus tôt, Olivier Pain, l'ami
fidèle et le compagnon des mauvais jours, était là, ainsi que le
député Lockroy, ou encore Laisant et Blanqui. Aux abords, se
presse un public considérable qui piétine et s'impatiente: des
carreaux sont brisés, des portes arrachées de leurs gonds, le hall
même est envahi. Rochefort est bousculé, quasiment porté par
la foule qui manifeste bruyamment sa joie: «Vive Rochefort !
Vive l'amnistie! Vive la République! » entend-on de toutes
parts. Le héros du jour parvient à grand peine à se hisser dans
une voiture de location alors que certains admirateurs veulent le
porter en triomphe jusqu'à la demeure de Victor Hugo où il est
attendu à dîner. Suivi par une longue file de voitures de place,
entouré par des dizaines de milliers de spectateurs qui
ovationnent le célèbre polémiste, l'approchent et tentent de le
toucher au risque de se faire écraser, le fiacre n° 11303
n'avance guère, ayant le plus grand mal à se frayer un chemin à
travers cette véritable marée humaine. Place de la Bastille, les6 LA DÉPORTATION ET L'ÉV AS ION D'HENRI ROCHEFORT
manifestants entonnent La Marseillaise, les cris redoublent. Le
cortège emprunte les grands boulevards, paralysant toute
circulation. La foule ne cesse de grossir, débouchant de partout.
Juchés jusque sur le toit de l'attelage, plusieurs manifestants
compliquent la tâche du pauvre cheval qui n'en peut plus et qui
s'abat au pied de la statue de la place de la République, au bout
d'une heure et demie de calvaire. Rochefort va-t-il périr étouffé
par ses amis? Une haie se forme dans le flot: l'idole de Paris et
Olivier Pain en profitent pour se dégager et parviennent tant
bien que mal à se réfugier dans un magasin de nouveautés où ils
demeurent bloqués jusqu'à onze heures du soir, trop tard pour
honorer l'invitation de l'auteur des Châtiments. C'est «une
rentrée triomphale» concède sans enthousiasme le journaliste
du Figaro qui relate l'événement et qui fait mine d'y voir une
menace pour la popularité de Gambetta. Le chroniqueur du
Constitutionnel, frémissant d'inquiétude, n'hésite pas à y voir
« une sorte de retour de l'île d'Elbe ».
Des dizaines de milliers de Parisiens venaient de réserver un
accueil de roi au célèbre marquis. Quel contraste avec la foule
haineuse qui, neuf ans plus tôt, se pressait dans les rues de
Versailles pour l'abreuver d'injures et lui jeter des pierres alors
qu'il venait d'être arrêté! Quelle revanche aussi! Et combien
d'émotions, que d'aventures et de souffrances Rochefort avait
éprouvées dans cet intervalle!CHAPITRE l
L'ARRESTATION
«Il est devenu égratigneur
d'Empire, il égratigne avec son
esprit, son courage, ses crocs, ses
ongles, son toupet, sa barbiche,
avec tout ce qu'il a de pointu sur
lui, la peau de Napoléon. ».
Jules Vallès, L'Insurgé.
«Les chefs de la Commune prennent la fuite. M. Henri
Rochefort vient d'être arrêté à Meaux », pouvait-on lire sur de
nombreux placards qui fleurirent dans la plupart des villes de
France le 20 mai 1871. Qualifié notamment de « despotaillon »
atteint de « démence alcoolique» par le fougueux polémiste,
dans les colonnes du Mot d'ordre, Thiers tenait son homme et
sa vengeance. Qu'importe si Rochefort n'était pas à proprement
parler un « chef de la Commune» ! Il en était considéré comme
un des principaux instigateurs, et son arrestation constituait une
belle prise pour les Versaillais dont l'armée se préparait à entrer
dans ParisI.
Qui ne connaissait Henri Rochefort à cette date? Né à Paris
le 30 janvier 1831 d'une mère républicaine et d'un père
1. C'est chose faite le 21 mai, premier jour de la "Semaine sanglante ».8 LA DÉPORTATION ET L'ÉVASION D'HENRI ROCHEFORT
légitimiste, le marquis Victor-Henry de Rochefort-Luçay avait
acquis en quelques années une immense notoriété, adulé dans
les milieux populaires de la capitale, mais aussi profondément
haï dans le camp bonapartiste ou parmi les conservateurs. De
solides études secondaires au collège Saint-Louis lui permettent
d'obtenir le baccalauréat ès lettres en juillet 1849. Fervent
admirateur de Victor Hugo, il tâte de la poésie, composant
plusieurs pièces de vers, dont une, en l'honneur de la Sainte
Vierge2, composée pour un concours de jeux floraux. A la
demande de son père, il entreprend des études médicales, qu'il
abandonne bientôt, faute de supporter la vue du sang. Il donne
aussi quelques leçons de latin, puis obtient en janvier 1851, un
poste d'employé à l'Hôtel de Ville, une modeste sinécure3 qui
ne l'intéresse guère mais qui lui donne du temps pour se
consacrer à l'écriture.
Après quelques travaux de librairie et une collaboration à la
deuxième édition du Dictionnaire de la conversation, il se
tourne vers le journalisme, écrit des comptes rendus de théâtre
dans diverses publications, fonde en 1858, avec Jules Vallès la
Chronique parisienne, feuille de correspondances littéraires et
artistiques, et devient un des rédacteurs du Charivari, un journal
satirique qui, comme tous les organes de presse, doit composer
avec la censure vigilante4 du pouvoir impérial.
Promu en 1860 sous-inspecteur des beaux-arts de la ville de
Paris, il double ses appointements mais n'en démissionne pas
moins de son poste l'année suivante quand il estime ses revenus
d'homme de lettres suffisants pour entretenir le foyer qu'il a
fondé et assurer un train de vie de plus en plus dispendieux.
Après un premier spectacle donné aux Folies-Dramatiques dès
2. Plusieurs journaux se plairont à publier cette œuvre de jeunesse, pour
embarrasser le polémiste devenu libre penseur.
3. Employé auxiliaire, il est d'abord attaché au bureau des brevets
d'invention. Puis il devient expéditionnaire à 120 francs par mois et
passe dans divers bureaux: celui d'architecture et celui des archives
avant de se consacrer à la vérification des comptes des communes.
4. La loi sur la presse du 17 février 1852 stipule que tout journal doit être
autorisé et peut être averti, suspendu ou supprimé par le gouvernement.
Un cautionnement élevé et une augmentation du droit de timbre sont
également dissuasifs. Quant aux délits de presse, ils relèvent des
tribunaux correctionnels et sont jugés par des magistrats à l'échine
souple, sans jury.CHAPITRE 1 : L'ARRESTATION 9
1856, il se lance dans le vaudeville, comme son père, écrivant
près d'une vingtaine de pièces de 1860 à 1866: le succès est
inégal. Amateur de tableaux et d'objets d'art, il hante
régulièrement les salles du Louvre et court les ventes de l'Hôtel
Drouot. Quelques duels et plusieurs aventures galantes
contribuent également à consolider sa réputation.
Après un rapide passage au Nain Jaune en 1863, Rochefort
entre dans la rédaction du Figaro, hebdomadaire, en
septembre 1864. Il abandonne sa particule et s'empare de
l'actualité littéraire qu'il traite avec esprit, non sans effleurer
plus ou moins discrètement les sujets à caractère politique, en
principe interdits. Il ne ménage personne, n'hésitant pas à s'en
prendre au duc de Morny, le demi-frère de l'Empereur et
l'inamovible président du Corps législatif, en

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents