Infiltrer Hugo Meunier
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Infiltrer Hugo Meunier , livre ebook

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Description

Quand je parle à Janette Bertrand de la prémisse de mon enquête sur la vie des vedettes — n’y a-t-il pas trop d’autobiographies? N’est-ce pas là un effet pervers du vedettariat? — elle me rabroue. Lorsque j’ajoute que je veux du même souffle écrire mon autobiographie avec une bonne dose de mauvaise foi, car je suis aussi animé d’une petite envie d’entrer au panthéon des personnalités québécoises, son jugement est impitoyable: «Tu ne peux pas non plus le faire juste pour te moquer ! Ton éditeur veut sûrement en vendre et pour ça tu dois respecter le public (là-dessus, elle a raison, ce type ne pense qu’à s’enrichir). Si tu écris aux gens qu’ils achètent de la merde, ils vont se sentir insultés et se dire : quoi? ce Hugo Meunier trouve que je suis cave parce que j’achète la bio de Maxim Martin!?»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 septembre 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782895967231
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2017
www.luxediteur.com
Conception graphique de la couverture: David Drummond
Photo de la couverture: Ninon Pednault
Dépôt légal: 3 e  trimestre 2017
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-258-8
ISBN (epub): 978-2-89596-723-1
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

À Parize, mes frères, Eddie Vedder et un peu Marie-Chantal Toupin
INTRODUCTION
Je ne suis pas entièrement certain d’avoir compris ce que Rimbaud voulait dire lorsqu’il a écrit «Je est un autre», mais ça me parle, ce vers. Comme tout le monde, j’imagine, je me sens souvent étranger à moi-même, étrange, pour tout dire. Lorsque j’observe rétrospectivement ma vie, je m’étonne de constater que tous les personnages que j’ai été – le petit cul de Saint-Eustache, l’adolescent libidineux, l’universitaire, le père de famille, le journaliste – n’en font qu’un: Hugo Meunier. Mais il faut se rendre à l’évidence: malgré une consommation d’alcool parfois stupéfiante, mon corps et mon esprit sont restés unis et plutôt en bons termes pendant près de quarante ans. Un exploit.
J’ai vécu mille vies en la moitié d’une. J’ai été concierge dans un hôtel des Rocheuses, plongeur, mineur, épicier, pompiste, camelot, boulanger dans le nord de la France, vendeur de cartes de hockey dans un marché aux puces; j’ai aussi embrassé deux jumelles identiques le même soir, par accident, et j’ai fait de la prison à Banff, deux fois aussi, parce qu’il m’arrive d’être stupide.
Je me suis même pris pour un autre. C’est que j’ai pratiqué le journalisme de terrain, m’inventant des rôles de composition pour infiltrer certains milieux. Je me suis ainsi travesti en employé au mariage de Justin Trudeau et au party de Guy Laliberté. Tout ça, en restant moi-même. Le plus authentique des faux jetons.
C’est d’ailleurs une de ces infiltrations journalistiques qui est à l’origine de ce livre. Cette fois-là, je me prenais pour un raëlien inscrit à l’«Université du Bonheur», un stage organisé par les adeptes des Elohim. J’espérais tirer un reportage fracassant de cette semaine passée à singer un étudiant ès bonheur. Ma collègue Ninon Pednault m’accompagnait dans cette nouvelle aventure journalistique.
Je n’en étais pas à mes premières frasques avec Ninon. On s’était retrouvés ensemble dans des endroits aussi insolites qu’un champ de brocolis où des grêlons gros comme des balles de golf s’abattaient sur nous, ou encore dans un bar mexicain pendant un spectacle hommage à Metallica, pour ne nommer que deux de nos épiques reportages.
C’est un peu grâce à Ninon que j’ai eu droit à mon quart d’heure de célébrité, en janvier 2015, quand je me suis rendu au bureau en patins à glace pour un petit topo vidéo destiné à La Presse+ . Ce projet nous était venu un jour de verglas, sans qu’on y réfléchisse vraiment, pendant qu’on attendait le livreur d’un resto thaï. «Shit, ça glisse tellement que j’ai le goût de réaliser mon vieux fantasme d’aller travailler en patins!» avais-je lancé à Ninon, qui a trouvé la proposition amusante. On venait d’écraser un joint: l’idée saugrenue née d’un esprit engourdi passait ainsi, comme par magie, pour un projet valable.
J’ai donc chaussé mes vieux Bauer rouillés le lendemain, non sans avoir informé au préalable le boss David de notre audacieuse intention: d’une main, Ninon me filmerait en train de patiner sur les trottoirs de Montréal, pendant qu’elle utiliserait l’autre main pour piloter sa Pontiac Vibe… manuelle. Une conduite automobile illégale, certes, mais il faut ce qu’il faut pour filmer le Tintin du quartier Rosemont en train de mettre sa vie en jeu sur la pente abrupte de la côte Berri. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, et dans ce cas-ci, gloire il y eut, car le péril était grand. Le petit film, me montrant parcourir la distance entre le quartier Rosemont et le centre-ville en patins, environ dix kilomètres, a remporté un succès instantané. Des centaines de milliers de personnes l’ont visionné, les réseaux sociaux se sont emballés, les projecteurs se sont braqués sur moi.
J’ai passé la journée à accorder des entrevues: Dutrizac, les radios de Québec, Entrée principale et même une station de radio de Vancouver. Et puis ça s’est arrêté sec quand deux individus armés ont ouvert le feu dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo . Le terrorisme n’a pas seulement volé des vies innocentes, ce jour-là, il m’a aussi volé mon heure de gloire.
N’empêche que j’ai appris ma leçon: tu peux bien passer trois mois à écumer des taudis pour décrire les conditions épouvantables dans lesquelles vivent des immigrants, trop souvent offerts en pâture à des propriétaires sans scrupules, tu n’obtiendras pour seule reconnaissance qu’une tape dans le dos d’un collègue aimable et l’admiration béate de ta maman; mais si tu t’en vas faire le fanfaron sur les trottoirs de Montréal en parlant de la pluie et du beau temps, et si tu lances en plus une blague sur Ferrandez en cours de route, tu te retrouveras sur toutes les tribunes, ou presque. La célébrité est une bien curieuse bestiole.
Bref, Ninon et moi, on forme un vieux couple professionnel. Si j’étais Tarantino, elle serait ma Samuel L. Jackson. Et nos aventures sont plutôt divertissantes, comme promettait de l’être ce séjour à l’Université du Bonheur de Raël. D’ailleurs, la jeune réceptionniste de l’hôtel niché au pied du mont Orford nous a accueillis avec un «Vous allez vraiment être nombreux!» débordant d’enthousiasme. C’est dire.
La préposée du complexe hôtelier nous a remis un bracelet bleu, accessoire qui permettait d’identifier les participants à cette rencontre. On nous a aussi distribué plusieurs ficelles de différentes couleurs qui permettait d’annoncer le type d’exultation recherchée à l’Université du Bonheur:
Blanc: vous ne cherchez pas de sollicitation sexuelle.
Vert: vous souhaitez une relation exclusive.
Rose: vous avez une préférence pour une rencontre sexuelle du même sexe.
Jaune: vous souhaitez seulement découvrir la sensualité sans sexualité.
Rouge: vous êtes ouvert à toutes sollicitations, rencontres et expériences sexuelles.
Pour montrer patte blanche sans risquer de compromettre notre crédibilité journalistique, Ninon et moi avons opté pour le port des ficelles vertes et jaunes, plus chastes que les autres.
On a l’impression que le mouvement raëlien a disparu du Québec, notamment depuis une enquête-choc menée il y a dix ans par Le Journal de Montréal . Toutefois, selon des chiffres avancés par une porte-parole du mouvement, il y aurait toujours des milliers de membres au Canada. «On entend peut-être moins parler de nous ici, mais c’est parce que le prophète ne vit plus au pays», m’a-t-elle expliqué après que j’eus soulevé la question du nombre de membres.
Le prophète. Même s’il n’est pas là en chair et en os, sa présence se fait sentir partout dans le complexe hôtelier d’Orford et son image tourne en boucle sur un écran géant qui diffuse ses longs sermons: Raël martèle, depuis sa prétendue rencontre avec un Elohim en 1973, que toute vie sur Terre est l’œuvre de scientifiques extraterrestres nettement plus évolués que nous.
Après avoir assisté à une étrange séance de «méditation sensuelle», je vais me coucher, incrédule. Je peine à me convaincre qu’un tel amoncellement d’invraisemblances puisse embobiner quelqu’un qui soit le moindrement sain d’esprit. Les gens peuvent être dupes, il suffit de lire les commentaires des internautes sur certains articles en ligne pour s’en convaincre. Mais à ce point-là? Pour me réconcilier avec le genre humain, je me suis endormi en essayant de me dire que l’Université du Bonheur n’est qu’un gros club échangiste déguisé en mouvement scientifico-religieux-machin.
Le lendemain matin, un prêtre du mouvement invite les nouveaux adeptes à se présenter l’un après l’autre devant l’assistance. Deux micros ont été installés sur une petite scène. Nous sommes une quinzaine de recrues. Il y a deux chauffeurs de la STM, dont une femme qui dit raffoler de la danse country. Mon tour venu, j’explique que je suis un enseignant de 37 ans et que j’ai été traîné en ces lieux plus ou moins de force par ma blonde, personnifiée par Ninon qui enchaîne avec une tentative assez maladroite d’expliquer qu’elle a eu vent du mouvement par l’entremise de sa prof de yoga chaud.
Visibl

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