Jacques Soustelle
272 pages
Français

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Jacques Soustelle , livre ebook

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Description

Jacques Soustelle, nommé gouverneur général de l'Algérie par Pierre Mendès France pendant l'insurrection en 1955 a pour mission de réussir l'intégration de l'Algérie à la France et de donner aux habitants les mêmes droits et devoirs. L'ouvrage retrace les six années, de 1955 à 1961, qui ont changé sa vie et l'ont conduit jusque sur les routes de l'exil. Soixante ans après, son combat perdu résonne encore dans l'actualité. L'envie de justice proclamée par cet homme nous parle toujours aujourd'hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 août 2015
Nombre de lectures 33
EAN13 9782336389158
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Alain Herbeth










Jacques Soustelle

L’homme de l’intégration
Copyright




















© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-73926-7
P ROLOGUE Un rendez-vous manqué
« L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent ; elle compromet, dans le présent, l’action même ».
Marc Bloch

La réalité, passée ou présente, est parfois difficile à saisir. C’est vrai pour la guerre d’Algérie comme pour bien d’autres événements. Trois mille livres, quatre mille peut-être, lui ont été consacrés. Ils sont tous le reflet de passions anciennes et les témoignages se contredisent. Ils racontent des douleurs uniques qui puisent dans des mémoires concurrentes. Des universitaires ont fait entrer cette guerre qui, longtemps, n’a pas été nommée, dans le domaine de la recherche historique 1 . Ils ont su, en dépit de leurs sensibilités parfois opposées, en rassembler les morceaux.
Grâce à leur travail, grâce à la somme éditoriale réunie sur ce sujet, une réalité se fait jour.
Comme si la violence de cette histoire n’était plus à sens unique ! Comme si, tout à coup, elle se souvenait des victimes, de toutes les victimes, et des laissés pour compte, Français comme Algériens. « Les tragédies se déroulent, inexorables, jusqu’au bout. Le général de Gaulle, par le verbe, transfigura la défaite et camoufla les horreurs 2 », souligne Raymond Aron dans ses mémoires. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Le voile se lève enfin.
Le 18 mars 1962, quand furent signés les « accords d’Evian », Albert Camus avait quitté ce monde depuis deux ans. En 1958, dans ses « chroniques algériennes », il esquissait une solution qui pouvait « consacrer la fin du colonialisme, exclure les rêveries de reconquêtes ou de maintien du statu quo qui préparent le divorce définitif » . Camus excluait également « les rêves d’un déracinement des Français d’Algérie qui, s’ils n’ont pas le droit d’opprimer ont celui de ne pas être opprimés et de disposer d’eux-mêmes sur la terre de leur naissance. Pour rétablir la justice nécessaire, il est d’autres voies que de remplacer une injustice par une autre 3 ».
Ceux qui paraphèrent les accords d’Evian, MM Joxe, Buron, de Broglie, avaient oublié Albert Camus ou ne l’avaient pas lu. La reconnaissance du FLN comme seul interlocuteur valable vidait de sens ces supposés accords et ouvrait la voie au pire.
On écarta les autres courants nationalistes algériens, notamment le MNA (Mouvement national algérien) pourchassé et massacré d’Alger à Paris, en passant par Melouza.
On écarta les « musulmans » fidèles à la France en négligeant les dizaines d’élus présents à l’Assemblée nationale, les centaines de conseillers généraux ou municipaux. Oubliés les harkis qui, par dizaines de milliers, avec femmes et enfants, se feront massacrer dans l’indifférence absolue de la hiérarchie militaire et du gouvernement français. « On n’a pas osé compter les victimes » dira plus tard Hélie de Saint Marc 4 .
On écarta, enfin, les « Européens ». Près d’un million deux cent mille hommes, femmes et enfants, ont ainsi perdu tout droit de regard sur leur avenir. Quand la peur gagna les quartiers populaires d’Alger, peuplés de pieds-noirs, les autorités françaises décidèrent de mater la révolte qui menaçait. A Bab el Oued, pour finir le travail, il faudra demander l’appui de l’aviation. Rue d’Isly, où des dizaines de milliers d’Algérois manifestaient pacifiquement contre la répression qui s’abattait sur Bab el Oued, les fusils-mitrailleurs parlèrent. On releva plus d’une soixantaine de morts. Les murs d’Alger ou d’Oran n’ont pas menti, c’est bien entre « la valise ou le cercueil » qu’il fallait choisir. Ils allaient attendre des jours entiers, assis sur lesdites valises, pour pouvoir fuir la terre où ils étaient nés. Il fallait d’ailleurs qu’ils se dépêchent de tout perdre pour ne pas prendre le risque d’être enlevés sous le regard impassible de l’institution militaire obligeant ses soldats à rester l’arme aux pieds.
Tout ce malheur était-il obligatoire ? Malheur des Européens, malheur des harkis, malheur des Algériens qui, vingt ans plus tard payèrent d’une nouvelle guerre l’enfantement dans la violence de leur nation, une nation privée de toute mémoire. « Quel drame de ne pas savoir son histoire de bout en bout, dira Boualem Sansal… Si longue soit l’absence, le présent nous attend 5 ».
Le malheur n’est pas écrit quand Jacques Soustelle est nommé Gouverneur général de l’Algérie, le 26 janvier 1955, trois mois à peine après le déclenchement de l’insurrection algérienne. La « paix française » est alors clairement menacée. Le mandat que reçoit Jacques Soustelle des mains de Pierre Mendes-France et de François Mitterrand, confirmé par Edgar Faure, est précis : réaliser l’intégration de l’Algérie à la France, donner aux dix millions d’habitants de cette province, Musulmans comme Européens, les mêmes droits et les mêmes devoirs, en faire des Français à part entière, dans le respect de leur personnalité religieuse, culturelle et politique.
A peine installé au Palais d’été, le nouveau gouverneur prend vite conscience que la somme des blocages, des promesses non tenues, des statuts jamais appliqués mène droit à la catastrophe. Pris dans une course contre la montre, Soustelle tente de prendre de front tous les problèmes. Il le fait en résistant aux pressions venues de toutes parts, du côté musulman algérien comme du côté européen, les uns disant c’est trop, les autres pas assez. Le plus urgent pour lui, c’est de réussir ce qu’il a appelé la « pacification », un mélange de présence militaire accrue contre les maquis naissants de l’ALN et de multiplication, sur le terrain, du nombre d’instituteurs, de travailleurs sociaux ou de médecins. Mais, pour réussir, il lui faut affronter l’impuissance ou l’indolence de la IV e République.
Ebranlé par le massacre de Philippeville, perpétré le 20 août 1955, et par la répression disproportionnée qui s’en est suivie, le parcours de Jacques Soustelle connaît alors une inflexion décisive. Sa passion pour son « aimée et souffrante Algérie 6 » va s’en trouver décuplée. Et pourtant, c’est un pays qu’il connaît peu. Il néglige certainement la question nationale, sans pour autant l’ignorer. Il sait que l’histoire du nationalisme algérien plonge ses racines dans une histoire française, une histoire ouvrière mais, pour lui, l’attachement des Algériens à la France ne peut être que le produit du progrès économique et du règlement de questions vitales comme l’éducation ou la santé. Lui, qui a flirté avec le marxisme dans sa jeunesse, retrouve là un classique de l’économisme marxiste pour qui, finalement, « seules les conditions d’existence déterminent la conscience », attitude qui va de pair avec la traditionnelle négligence de la question nationale. Soustelle n’est pas le seul à passer à côté de cette question, elle est la grande absente du débat politique. Du parti communiste à l’extrême-droite, chacun s’accorde à reconnaître la place de l’Algérie dans un ensemble français. Les désaccords interviendront plus tard, quand se posera la question de la paix, la question nationale demeurant secondaire. Daniel Mayer, fervent partisan de la paix, reconnaîtra ce décalage : « la nation algérienne n’existait pas, elle a été créée dans le combat 7 ». Ce cheminement, Ferhat Abbas, futur président du GPRA, en est la parfaite illustration. Notable de Sétif, il est pharmacien et élu local. En 1936, il dit « ne pas avoir trouvé trace de nationalité algérienne 8 », une phrase désormais célèbre qui ne l’empêche pas, en 1943, de signer le « Manifeste du peuple algérien » qui demande une association libre avec la France, avant de rejoindre le FLN en 1955. En sortan

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