Le stylibroscope
137 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le stylibroscope , livre ebook

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137 pages
Français

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Description

Parce qu'il n'entendait plus, René-Jean Anderson, se mit, un jour, à écrire. Pendant plusieurs années, il a tenu une chronique mensuelle dans un petit journal du monde de la surdité. Une chronique qui s'appelait "Style libre". Un jour, il rassembla une partie de ses écrits et en fit un recueil qu'il appela "le Stylibroscope". Une série de textes courts, drôles, philosophiques, mécontents, rebelles, fatalistes...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 372
EAN13 9782296715929
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Stylibroscope
Du même auteur :

En auto-édition sous le nom de René Legal :
André Saint-Antonin, un militant chez les sourds (2010)


Illustrations de l’auteur.


Denis Clavreul ( www.denisclavreul.com ) a réalisé la couverture de ce livre. Titulaire d’un doctorat d’écologie il se consacre au dessin et à la peinture depuis 1984. Il a illustré de nombreux livres, guides, documents pédagogiques… Il réalise actuellement un projet consacré au peintre naturaliste Jean-Jacques Audubon.


© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13836-0
EAN : 9782296138360

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
René-Jean Anderson


Le Stylibroscope


Trente-trois textes
reflets d’une chronique mensuelle
des années 1985 à 1999
suivis d’amusantes réflexions paradoxales
sur la surdité
INTRODUCTION
J’ai eu, jeune, l’infortune de perdre l’audition. Je me suis retrouvé, sans l’avoir voulu, brutalement plongé dans le monde de la surdité. Un monde qui s’est vite apparenté pour moi à une « désertitude de communication » telle que la suggère par l’image la couverture de ce livre. Désertitude compensée de temps à autre, au hasard de rencontres, par une présence alliée à la possibilité d’un bavardage, éléments symbolisés sur la couverture de ce livre par l’arbre solitaire, morceau de vie dans le désert, et les oiseaux qui virevoltent au-dessus des branches, comme les paroles légères d’une gaie conversation.
Mais, en vérité, j’ai vécu la plupart du temps sans personne, ou presque, avec qui deviser véritablement et sans guère trouver d’oreille attentive à ce que j’avais à exprimer. De dialogue, ma vie était devenue monologue.
A tout manque, on cherche une compensation. Celle qui s’offrit à moi fut d’écrire. J’ai donc écrit. Modestement et discrètement. J’ai écrit dans le monde de la surdité. Tant et si bien que, de 1985 à 1999, j’ai tenu une chronique mensuelle dans « Echo Magazine », un petit journal de la communauté sourde française.
Ce mensuel, fondé en 1908, et donc plus que centenaire, a traversé une grande partie de l’histoire des sourds et des malentendants, de leurs écoles, de leur enseignement, de leur associations… C’est donc un grand témoin du monde de la surdité. Pour cette raison il a été, et il reste encore, l’organe d’information le plus lu dans la communauté sourde française.
Mon idée initiale avait été de rédiger de simples textes sous forme de billets d’humeur. Mais pour ne pas avoir l’air trop en révolte de la société, possible séquelle d’une rage de ne plus entendre, j’avais décidé d’adapter l’humeur de mon texte en fonction du sujet.
Le contenu des articles pouvait donc être amusant, ironique, mécontent, rebelle, râleur… Il pouvait aussi se montrer philosophe, témoigner ou se laisser aller à un peu de fatalisme. Il pouvait, non, il devait, surtout, raconter des tranches de vie sans audition. Le style global se devait d’être dégagé, indépendant, sans contraintes… Pour ces raisons j’avais décidé d’appeler ma chronique « Style Libre ».
J’ignorais alors que la rubrique allait tenir une quinzaine d’années et serait l’une des plus lues du journal. Pendant quelques mois je l’avais un peu partagée avec un confrère de handicap mais finalement j’avais dû la tenir seul. Au final j’ai écrit plus d’une centaine de textes.
Dix ans après l’arrêt de cette chronique, j’ai retrouvé dans mes archives la presque totalité de ce que j’avais rédigé. L’idée m’est alors venue d’en sélectionner quelques-uns et de les rassembler pour en faire un petit recueil. Après un tri quelque peu difficile, j’ai finalement décidé d’en garder trente-trois. Et, sur la lancée de « Style libre », j’ai appelé ce recueil « Le Stylibroscope ».
Cependant, afin de donner un peu plus de corps à cet ouvrage et de ne pas le limiter à des reprises d’éléments qui auraient été déjà publiés, j’ai décidé d’ajouter en fin de volume cinq textes supplémentaires abordant quelques considérations très personnelles, volontiers fantaisistes, sur la surdité en partant de paradoxes bien connus. Ces cinq écrits n’ont jamais été publiés et portent à trente-huit le nombre total de textes contenus dans ce livre.
Certes, ces textes ne sont pas de haute littérature. Certes, ils peuvent dérouter le lecteur peu familiarisé avec la chose « surdité ». Certes ils peuvent parfois s’égarer ou s’aventurer sur des chemins hors du monde des sourds. Mais s’ils pouvaient amener tout un chacun à un peu de réflexion, à postériori, j’aurai atteint un des buts que je caresse en publiant ce recueil.
Mon souhait est, en effet tout simple : c’est que ces textes soient lus comme un témoignage d’un temps passé, quoique pas si lointain que cela, et puisse être un éclairage sur ce qui se passait alors. Mais aussi faire réfléchir un peu à l’avenir. A l’avenir de ceux qui n’entendent pas, de ceux qui n’entendent plus. Il convient donc, au fil des présentes pages, d’en garder à l’esprit aussi bien le contexte que l’époque.
R-J. Anderson
Surdité et Style Libre
COMPARTIMENT LECTEURS
Comme tout un chacun, il m’arrive, de temps à autre, de prendre le train. Et la présente anecdote a pour cadre un compartiment d’un express, allant vers Paris, tiré par une motrice qui ne roule qu’en raclant ce fil aérien que l’on appelle une caténaire. Je me trouvais donc dans un compartiment de première classe avec, assis exactement en face de moi, un ami qui m’accompagnait. Un ami entendant, il faut le préciser, et connaissant les gestes, de surcroît.
Le face-à-face pour la conversation avec un sourd est naturellement et essentiellement pratique… Mon ami et moi commençâmes donc à échanger quelques propos en recourant à un oralisme de bon aloi, plutôt accentué pour faciliter la labio-lecture, qui reléguait les gestes à une position d’arrièreplan. Il se trouva alors que la personne, assise à ma gauche manifeste une réprobation, à caractère individuel, en des termes du genre de ceux-ci :
Un peu de silence, s’il vous plaît ! On ne peut donc plus s’adonner à la lecture et à la réflexion ?
La stupeur et la surprise clouèrent net le bec à mon ami qui me parlait. Sa phrase mourut, inachevée, au point kilométrique soixante-dix-sept que l’express franchissait à quelques cent vingt kilomètres-heure. Le visage de mon copain vira au cramoisi et je m’empressai de l’imiter, autant par mimétisme que par esprit d’équipe. Avec beaucoup de hardiesse je risquai un coup d’œil en oblique suivant en cela le regard de mon ami. J’aperçus une demoiselle aux lunettes rondes en écaille, aux cheveux blonds et lisses, coiffés en un chignon sévère, à la nuque gracile, plongée dans un bouquin épais et imprimé serré sur un lourd vélin pur chiffon… D’un commun et silencieux accord, mon ami et moi convinrent que gestes et paroles échangeraient leurs positions prioritaires dans la conversation et que la gestuelle passerait donc au premier plan. Ce qui donna alors, en LSF, le dialogue suivant que j’eus l’honneur de commencer :
Dis quoi, elle ?
Elle, dire besoin lecture sans dérangement. Veut lire tranquille. Parole déranger elle…
Ici ? Dans train ? Lecture sans dérangement ? Impossible… Trop monde…
Vrai. Toi raison.
Bien. Toi dire elle. Expliquer elle. Nous parler sans bruits, avec gestes…
Mais la demoiselle avait repéré les gestes. Elle leva un sourcil, intriguée, puis dût réaliser car un sourire naquit sur son visage. Mon ami n’hésita pas. Il sauta sur l’occasion, pas sur la demoiselle, lui expliqua la situation, se permettant d’ajouter qu’un train n’était pas l’idéal pour des réflexions ou une lecture dans le silence. Il fit dévier la conversation sur la communication, intéressant en cela les autres voyageurs du compartiment. La demoiselle ôta ses lunettes, révélant un visage adouci et des yeux clair

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