Les Conquérants du Monde Ancien
253 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Conquérants du Monde Ancien , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
253 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Ce n’est pas un roman d’aventures ; c’est le récit de l’odyssée de ces hommes et de ces femmes qui, fuyant la misère et le chômage, avaient fait le choix d’émigrer vers l’Afrique du Nord plutôt que vers les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Argentine ou la nouvelle Zélande. Cette histoire commence il y a juste deux siècles.
Ils étaient de France, des Baléares, d’Espagne, de Suisse, d’Italie, de Malte et d’ailleurs ; certains comme Barthélémy arrivèrent à El Djezaïr plus de dix ans avant la conquête et vécurent le débarquement à Sidi-Ferruch à côté des Turcs.
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, dans le déroulement de cette histoire homérique, tout est vrai.
C'est également un récit historique très étayé des conditions de "la conquête". On y trouve beaucoup de références à des documents originaux de l'époque, qui nous amènent à une réflexion sur l'attitude de la France pendant cette période. Les conséquences de décisions prises il y a près de deux siècles nous apparaissent encore aujourd'hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 novembre 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9782368323038
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pierre BarthélemyDécaillet

Lesconquérants
dumonde ancien

Chroniques
despremiers migrants européens
enAfrique du Nord
1814-1912
INTRODUCTION

En ouvrant un gros carton de documents anciens dans ma cave, j’airetrouvé par hasard un texte d’une dizaine de pages tapésur du papier pelure à l’aide d’une antiquemachine à écrire mécanique. Il s’agissaitd’un résumé sur l’origine de notre famillerédigé dans les années cinquante, en 1953exactement, par un homme dans la dernière année de savie ; je veux parler de mon aïeul. Dès que j’aicommencé à feuilleter ces pièces, lespersonnages me sont apparus ; puis quand je me suis décidéà lire quelques lignes, les acteurs se sont révélésà moi et ils se sont remis à vivre, et sans que jepuisse résister, ils m’ont raconté leur histoire.Plus je cherchais à vérifier ce qu’ils menarraient en fouillant dans la documentation volumineuse que j’avaisà ma disposition et sur internet à leur sujet, plus ilsdevenaient réels. Ils m’ont alors retracé leurvie ; sans fioritures. Je n’ai pu que prendre des notespour témoigner de ce que j’avais découvert dansce fascinant voyage où ils m’ont transporté etpour vous rapporter ce qu’ils m’ont dit.
Tout, dans le texte qui suit est vrai. J’ai contrôléchaque détail. Il y a eu quelques zones d’ombre oùje n’ai pas réussi à trouver de documentationstrès précises et irréfutables. Cependant,celles-ci ont été peu nombreuses. Pour remédierà ces carences, je me suis efforcé d’imaginer lessituations les plus probables dans cette narration, en essayant detrahir le moins possible la vérité historique etpar-là, la mémoire de tous ces migrants. Pour arriver àcet objectif, j’ai utilisé mes connaissances des paysdont il est question. Je suis né en Algérie, j’yai passé mon enfance et j’ai voyagé sur l’îlede Minorque sur les traces de ses ancêtres.
En pénétrantleur univers, j’ai découvert des hommes et des femmesqui n’étaient pas différents de nous, qui avaientles mêmes aspirations, des ambitions identiques aux nôtres.Ils aimaient, ils haïssaient, ils espéraient oudésespéraient comme cela nous arrive aussi en ce débutde siècle à notre tour. Ils n’étaient nimeilleurs ni pires que ce que nous sommes ; ils avaient descertitudes et des doutes comme nous en avons. Ils n’étaientpas maîtres de leur destin. Je me suis senti proche d’eux.Les circonstances qu’ils ont traversées, en revanche,étaient autrement plus problématiques que celles quenous connaissons de nos jours, et seules les personnalitésfortes résistaient et survivaient. Assez curieusement, ilsm’ont semblé heureux malgré les difficultés,ou sans doute justement grâce à elles.
Dans cette histoire,qui commence il y a juste deux siècles aujourd’hui, jene suis qu’un témoin, rien de plus. J’ai observéces êtres vivre. Ils étaient de France, des Baléares,d’Espagne, de Suisse, d’Italie, d’Algérie etd’ailleurs ; j’ai rencontré des catholiques,des protestants, des musulmans, des israélites et d’autresqui ne croyaient en aucun dieu. Ils sont tous là ; ils sontprésents, ils nous regardent, ils sourient et nousdisent : « et vous qu’avez-vous fait devos talents » ? (Matt. 25 – 14/30)
Nous avons tous vuau cinéma nombre de ces « westerns »qui nous ont souvent passionnés en déroulant devant nosyeux l’épopée de la conquête de l’Ouest.Pour les plus jeunes, il y a eu  « la petitemaison dans la prairie » qui a enchanté l’enfancede certains d’entre nous. D’autres récits, commeceux de Kenneth Roberts (Le Grand Passage), pour ne citer que lui,nous ont fait pénétrer dans le vécu de cespionniers qui ont participé à la construction del’Amérique du dix-huitième siècle. Nousavons tous lu des descriptions retraçant la colonisation duCanada, de la Nouvelle-Zélande ou de l’Australie.
C’est àtort que nous avons honte de cet épisode de notre histoire,celle de la création de l’Algérie,cette « Histoire » qui a étéfalsifiée, que la plupart d’entre nous ne connaisse paset que l’on nous cache.
Par ce récit,basé sur des faits documentés incontestables, j’aisouhaité rendre justice à tous ces hommes, toutes cesfemmes et ces enfants du dix-neuvième siècle qui ontpermis, quoi que l’on puisse en penser, à l’Algéried’aujourd’hui d’exister. Les faits sont là. 1
Ce texten’intéressera que ceux qui veulent bien considérerque l’histoire, « l’Histoire de laFrance », la vraie, existe toujours, et que l’on aencore le droit de la raconter et de la transmettre aux nouvellesgénérations.
Commeun vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigués deporter leur misère hautaine… José-Mariade Hérédia



C’estdonc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez . Matthieu(7/20)
« Lavoix secrète »


Nos morts ne sontpas morts, s’ils vivent en notre âme
Tant que leursouvenir reste en nous fort et vivant
Que nous entretenonsen nous la pure flamme
Qui nous les rendprésents.

Ceux qui sont mortsvraiment sont ceux que l’on oublie,
Ceux qui s’ensont allés ne laissant après eux
Nul exemple fécond,nulle empreinte bénie
Nul sillon lumineux.

Non, il ne se peutpas que l’homme de bien meure,
D’un noblecœur toujours quelque chose survit
Son influence resteet sa trace demeure
En son œuvreil survit.

Tel autrefois, Eli,sur son chariot de flammes
Sur son discipleaimé laissa choir son manteau
Ainsi nos bien-aimésnous laissent de leur âme
En s’envolantlà-haut.

Ô voix desdisparus, vous n’êtes point muettes
Et vos accents amissont toujours entendus
Elle nous guideencore la chère voix secrète
De ceux qui ne sontplus.

Jean-NicolasDécaillet
Port de Mahón,îles Baléares, 10 avril 1815

Barthélemyn’avait jamais imaginé que son nom pouvait présenterune connotation incongrue dans une société dont latradition catholique confinait parfois à une sorte defétichisme ; et pour cause. Il n’y avait jamais euune nuit de la Saint-Barthélemy sur son île espagnole,et ses parents avaient choisi pour lui sur les fonts baptismaux leprénom de son père, comme c’était lacoutume.
Ils l’avaienttoujours appelé Barthélemy, ou Barth comme ils disaientsouvent pour faire plus court, sans même y penser. Mais c’étaitloin d’être son premier souci. La pauvreté avaitfait place au dénuement. Par fierté et par orgueil,elle refusait de se nommer de cette misère hautaine, et chacunpréférait croire que c’était la loi dutemps présent. Les seules réelles préoccupationsdes Mahónnais étaient de se nourrir, de se vêtiret de se chauffer. C’est-à-dire simplement de survivre.
Aussi loin que legamin remontait dans ses souvenirs, il avait toujours participéà l’effort collectif pour assurer ces fonctions vitaleset il continuait à s’y appliquer tout naturellement,sans avoir réellement conscience de son sort.
Toute sa tendreenfance, il l’avait passée à aider et àservir ses parents en leur obéissant aveuglément. Ilétait encore sans doute trop jeune pour n’avoir jamaispu rêver d’un mode de vie différent ou d’autreshorizons. Quand il regardait autour de lui, il n’avait pas lesentiment d’être plus malheureux que la plupart desgarçons du village. Les notions mêmes de bonheur et demalheur lui étaient étrangères. Il vivaitsimplement chaque instant, intensément.
Il s’occupaitaux travaux des champs et avait la charge de surveiller trois chèvresblanches squelettiques sur les terres caillouteuses des environs. Àvrai dire, il prenait aussi un certain plaisir à se rendreutile. Il savait piéger la grive ou le vanneau, et le gibierqu’il rapportait était souvent un complément fortapprécié à la maison.
Il n’étaitpas rare non plus de le rencontrer soulevant difficilement de sesbras fluets un seau d’eau trop lourd pour lui, qu’iltransportait depuis la maigre source jusqu’au potager entouréd’un muret de pierres sèches. Cependant, le plussouvent, pieds nus et vêtu de haillons, il conduisait son petittroupeau avec un long roseau entre les quelques chênes verts duvoisinage.
Dans ces moments-là,il avait le sentiment d’exister, d’êtreindispensable ; probablement, sommeillaient en lui des capacitésde chef qui devaient se développer tout au long de sa vie. Ilse croyait chargé de responsabilités comme aînéet seul garçon de cette famille de six enfants, dont troisétaient déjà morts en bas âge. Sans doutel’était-il réellement, puisque l’argent deson travail devait par la suite être utilisé àacheter vivres et vêtements pour le reste de la maisonnée.

Aujourd’hui,assis dangereusement sur le parapet en pierre de taille presque aussihaut que lui qui surplombait le grand port de Mahón àquelques mètres seulement de la porte de l’égliseromane, il attendait ses parents. Ils avaient pénétrédans le magnifique édifice pour réciter quelques Pater et quelques Ave et pour mettre un cierge à la Sainte Vierge qu’ilssuppliaient de toute leur âme de protéger leur rejetondans ce long voyage qu’il entreprendrait bientôt.
Barth étaitpartagé entre la satisfaction d’être enfinconsidéré comme un homme et cette douleur qui luinouait le ventre depuis plusieurs jours.
Il admirait lespectacle du majestueux deux-mâts, juste au-dessous de lui, surlequel il embarquerait tout à l’heure. C’étaitun bâtiment à deux ponts, qui avait dû êtreconstruit dans les années 1790 ou l800, mais qui, prèsde vingt ans plus tard, avait encore fière allure.
Le port étaitanimé ; de nombreux bateaux de toutes tailles étaientaccostés contre les quais ou naviguaient dans la rade allongéeet étroite. Certains étaient penchés sous leslongues vergues de leurs voiles latines, les unes ocre-jaune, lesautres d’un rouge brique délavé, d’autresétaient mus par de petites équipes de rameurs quis’agitaient et paraissaient des points minuscules depuis lehaut de la falaise.
Le grand bassin, quioffrait un abri incomparable aux marins qui cabotaient enMéditerranée, avait connu des heures de gloire et uncommerce très florissant sous l’occupation britannique.
À présent,depuis bientôt trente et quelques années, et avec laretraite des Anglais, l’activité de Mahón avaitpeu à peu périclité. La brève annexionpar la France avait rendu une certaine animation a

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents