Les Indomptables
164 pages
Français
164 pages
Français

Description

Basée sur des témoignages provenant de survivants qui ont fréquenté Edmond Michelet, Les indomptables, Edmond et Marie Michelet, biographie romancée, retrace le parcours du « premier résistant de France » aux heures sombres de la guerre. Entrepreneur chrétien et patriote convaincu, disciple de Mounier, Edmond Michelet se montre soucieux d’économiser le sang des hommes et de vaincre par les valeurs autant que par les armes. C’est une terre enflammée que celle du grand maquis corrézien où l’amitié, la ténacité et la dignité forment le ciment d’une farouche opposition au nazisme. Les cas de conscience, les débats, internes ou non, les choix sont évoqués avec beaucoup de cœur, tout comme les références culturelles et littéraires de Michelet, de Péguy à Mounier.
L’histoire de la résistance d’Edmond Michelet est aussi celle du couple merveilleux qu’il formait avec son épouse, Marie. En dépit des épreuves sévères infligées à ce couple, l’amour qui régnait entre eux était palpable et nul ne pouvait l’ignorer.
Les Indomptables, Edmond et Marie Michelet est un récit fort, où on côtoie le pire – les camps de concentration et la torture – et le meilleur, l’engagement viscéral de ces hommes et femmes prêts à tout pour la liberté.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Originaire de Brive-la-Gaillarde comme les Michelet dont il connaît bien la famille, Serge BESANGER a d’abord publié des essais consacrés aux questions internationales et notamment à la Chine où il a vécu de nombreuses années. Officier de réserve et fils d’ancien combattant, il est enseignant en grandes écoles et administrateur d’entreprises et de fondations.

Informations

Publié par
Date de parution 06 mars 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782375821336
Langue Français

Extrait

Composition : Soft Office Couverture : Florence Vandermarlière © Nouvelle Cité 2020 Domaine d’Arny 91680 Bruyères-le-Châtel ISBN : 9782375821336
Serge Besanger
Lesindomptables Edmond et Marie Michelet
nouvelle cité
« Il est indispensable de ne jamais oublier l’Histoire, faute de quoi l’horreur, toujours latente, recommencera. » Claude Michelet, fils de Marie et Edmond Michelet « Je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui, à la limite : être, c’est aimer. » Emmanuel Mounier
Àma famille, à la mèmoire des Anciens.
Avertissement
Cette biographie romancée part de la réalité mais utilise les techniques du récit propres au roman en s’autorisant à inventer des épisodes plausibles, de manière à approfondir la vérité. Je la pense préférable pour cela à la biographie stricte. Dans l’imagerie populaire, le résistant est représenté armé ; il s’agit le plus souvent d’un Sten. Pas d’image plus belle qu’un maquisard solitaire sur son rocher immense. « Mon père était incapable de se servir d’une telle arme », me con%e Claude Michelet. Le premier, le plus grand des résistants, ne toucha jamais à un Sten. Conspirateur exécrable et fantasque, mais créateur et gardien du premier et plus important réseau de résistance en France, Michelet est un chef d’équipe qui n’aspire qu’à de longues fugues à moto. Germanophile impénitent mais pire ennemi du Reich, lutteur implacable mais premier artisan de la réconciliation, il étend son inuence dans les relations franco-allemandes jusqu’à aujourd’hui. Réactionnaires, les Michelet ? Oui, au sens étymologique du terme. En réaction contre la tendance lourde de l’époque : le totalitarisme. La vénération qu’ils portent à François d’Assise atteste, s’il en est besoin, une sensibilité particulièrement vive à l’environnement, d’où cette aptitude à comprendre de façon très intime la mentalité des gens du « païs », à les rassembler autour de leur projet. Je raconte les choses telles qu’on me les a racontées. J’ai sans doute omis bon nombre de choses. J’avoue un certain parti pris. Il va de soi que je suis le seul coupable des erreurs contenues dans ce livre.
1
Paris, vu de la Corrèze : règne des paillettes et de l’apparence, décisions condescendantes, prolétaires aux bras levés, « patriotes » au poing vengeur. Crises ministérielles, crises de nerfs, crises tout court. Pickpockets dans le métro. Vacarme, baston, grèves et incendies. À part ça, un Parisien ça ne sait pas manger, se vêtir, se protéger des intempéries, biner un rang de blettes sans se crever un œil ; c’est incapable d’élever unecancailleet ça a une pétoche noire des orties. En)n, une chose est certaine : là-bas, plus personne ne sait comment vivre. Nous sommes dans les années trente. Rien n’a changé. Dans l’imaginaire du Parisien en revanche, la Corrèze est l’allégorie d’un Paradis glaiseux, à la modération râble, au tumulte assourdi. La densité atmosphérique de tension diminue en fonction de l’éloignement de la capitale, c’est connu, et là, c’est calme, très calme, ça 2eure suspectement le trou bouseux, le bon vivant sympatoche voire niais, les bonheurs trop simples, le fenouil et le coing, le quotidien républicain des petits matins. Bref le canard semble assez peu compatible avec les extrémismes. Né sur la voie Lyon-Bordeaux, à l’époque romaine, un pont anonyme,Briva, s’y forti)e et devientgalhard. Ses notables portent sur le pavois en décembre 584 Gondovald, petit-)ls de Clovis, qu’ils proclament bravachement roi des Francs d’Aquitaine ; son rival Gontran, roi des Francs de Bourgogne, se vengera de Brive en faisant brûler l’église Saint-Martin. La Brive moyenâgeuse, cité franche, nourrit son fantasme au blason d’azur, aux épis d’or ; résiste à cent sièges, chante la légende. Ses troubadours inventent l’amour courtois, révèlent la poésie occitane aux cours d’Europe. Trois papes : Clément VI le Magni)que, Innocent VI, Grégoire XI ; trois présidents issus du païs: Queuille, Chirac, Hollande. Et pourtant la Corrèze n’est pas encore tout à fait dessouchée, pas encore tout à fait déracinée. Il suÇt de remonter à quelques générations pour y rencontrer le berger-maçon, le troubadour et son violon magique, le chevalier servant. Tout le fond de l’histoire est là.
Joï
2
Dachau. Block n° 5. C’est là que ça se passe. Une bâtisse brune aux portes fermées, aux fenêtres abstruses. À l’intérieur, des tables d’opération, des cages à rats. On dit qu’il s’y coule des choses horribles. Un apprenti médecin observe avec avidité un patient pris au hasard. Quelque curé, entrepreneur, agent d’assurances. Juif. Tzigane. Ou homosexuel. Un prisonnier est conduit sur la table d’opération. Arrive un chirurgien, accompagné d’un autre apprenti. On lui donne les gants, les outils. Voir. Pratiquer. Comprendre. Améliorer. « Pour la médecine. » Il ouvre les corps, coupe les artères, ligature les veines à vif. Les bras de la victime sont attachés pour l’expérience de transposition de veine. « Tu n’es pas assez appliqué », lui reproche l’autre, d’une voix calme. S’appliquer. C’est tout. Le corps décharné du prisonnier ose se soustraire à la science. Des coups méthodiques, contrôlés. Nulle férocité mais des coups appliqués, tel le travail d’un bon élève. Deux autres viennent immobiliser le prisonnier. D’une artère mal ficelée, le sang gicle. Dans leur cage, des rats a8olés courent en rond ou les uns par-dessus les autres en poussant des cris de terreur. Le médecin quitte son calme et se met à hurler. « Tout ça, c’est pour le progrès, c’est pour la science. Ce singe ne comprend rien aux bénéces de la médecine ! » Soulager et faire progresser l’humanité. C’est là le seul but. Les coups pleuvent, et se font un peu moins appliqués, un peu moins mécaniques, un peu moins contrôlés. Coma. Au suivant : le matricule n° 79.
3
Cethomme, prisonnier des camps de la mort, d’où vient-il ? De ses rêves d’enfance. On vient tous de nos rêves d’enfance. Les siens sont ceux d’une ville-jardin, radieuse sous un ciel d’azur, au pied de monts d’argent. Gentillesse des adultes qui ponctuent les phrases d’un « avec plaisir » chaleureux et chantant, devantures riantes, bancs de 'eurs et bandas. Politiciens laïques qui parlent de la République avec les mots de l’Église : espérance, don de soi, amour. Dame à l’Enfant omniprésente. Pau, capitale du Béarn. Au 21, rue du Maréchal-Jore, cette enseigne Félix, Potin & Cie. Cafés-vins-huiles : livraison à domicile, expédition dans tout le Sud-Ouest. Téléphone : le 16. Le directeur s’appelle Octave Michelet. Moustache en guidon, maîtrise de soi, « avec plaisir », comme il sied. Monocle à ruban de moire au gilet, catho, premier banc à l’église Saint-Jacques. Son =ls, Edmond, se montre distrait. Or pour réussir en aaires, il faut se montrermascle. Le petit sera commis d’épicerie. Service militaire à Brive : ville d’ardoise et de pierre de taille, Aquitaine et montagne à la fois. Patois d’oc aux « r » roulés, aux « g » aspirés, 'eurs omniprésentes. Edmond Michelet se coule dans Brive comme le nématode se glisse sous la peau de la brebis. Aucun souci, que du bonheur. e Juin 1920. Les appelés du 126 RI (« Bisons Blancs ») présentent une pièce de théâtre aux e jeunes =lles de la ville. 126 : « régiment corrézien ayant repoussé l’ennemi sur la Marne, sauvant l’Armée française de la catastrophe annoncée. » Croix de guerre, palmes de bronze, bravoure dorée sur tranche : les =lles peuvent aimer ces militaires francs du collier, délicats avec les dames, et qui possèdent de l’humour en surabondance. Au premier rang, Marie et sa cousine Louise, beaux ports de tête et regards de braise. Elles sont accompagnées d’un chaperon à l’air absorbé, ont ce côté mutin, un peu rebelle, ces opinions sur tout, et leurs pères, notables locaux, se demandent s’ils réussiront ou non à les marier… D’ailleurs, Louise ne sera jamais dépendante de qui que ce soit et elle ne fera jamais, mais alors jamais, d’enfant – juré, craché. Louise : genre Coco Chanel, un temps résidente d’Aubazine, à deux pas de là. « Je ne te crois pas, chuchote Marie. — C’est pourtant vrai, dit l’autre. — Jeannot est amoureux de toi. — Tant pis pour lui. » Marie repère parmi les acteurs, une actrice, dans un rôle de tireuse de cartes. Non – un homme. Et qu’il est drôle ! Retrouvailles avec « l’actrice », quelques jours plus tard. Marie et sa cousine sont toujours accompagnées de leur chaperon. Regards =ers, elles sont de ces femmes qui reçoivent le soleil et brillent ensuite où qu’elles aillent. Il s’ensuit un platonisme éthéré, une cour où tout est vouvoyé, diéré. Elle a du caractère. Il est beau sans être beau. L’ascèse charnelle ne saurait être le mouroir de l’ardeur mais un art visant à guider les instincts vers le sublime. Des semaines plus tard, cet autre après-midi. Elle dévisage le jeune appelé d’un regard droit, avec un brin d’audace dans la prunelle. L’autre, transfixé, ne la quitte plus des yeux.
«NousallonsàYssandon»,lance-t-elleavantdes’éloigner,accompagnéedelacousineetde
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