Ma mère avait trois filles
59 pages
Français

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Ma mère avait trois filles , livre ebook

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Description

Ma mère avait trois filles, ou comment un exil forcé peut s'avérer une chance, celle d'apprécier la vie avec délice. Dans ce texte, l'auteur parle de l'Algérie d'avant 1962, des Juifs et des Arabes, des familles ballottées par les aléas de l'Histoire, mais aussi de son profond ancrage dans la vie française d'aujourd'hui, à Paris. Elle évoque son amour filial, son appartenance à un petit monde disparu, et puis le cinéma, le théâtre, la gourmandise... Ce récit est aussi le témoignage d'une enfant de la génération baby-boom qui a dû affronter tabous et conformismes pour assumer un esprit libre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 277
EAN13 9782336280936
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Graveurs de mémoire
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Ma mère avait trois filles
1945-1962 Une enfance algérienne

Attica Guedj
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1@wanadoo.fr
9782296092464
EAN : 9782296092464
Sommaire
Graveurs de mémoire - Dernières parutions Page de titre Page de Copyright Dedicace Cinéma Le rêve américain ou pas Mixité ? Destinées Tribu Les années de joie Rythme Poivre-sel Piano En Algériefrance Marcher La vie, quand même Dans la tourmente Un retour Dernières années Paris Visages Au firmament des stars
A ma mère
Pour mes sœurs
Ma mère avait trois filles : la princesse Soraya, Sophia Loren et Audrey Hepburn.
Moi, c’était Audrey Hepburn. Enfin, j’avais de gros sourcils.
Pour ma mère, nous étions aussi belles que ces trois-là.
Quant à elle, c’était un mélange d’Anna Magnani et de Gina
Lollobrigida : tempérament volcanique et digne candeur. Ça se passait dans un de ces pays joyeux où le linge sèche aux fenêtres.
Joyeux, il faut le dire vite, car dans l’Algérie des années 50, le feu couvait déjà sous la joie.
En tout cas, avec mes gros sourcils, je baignais dans l’amour familial dispensé par mère, sœurs, grand-mère, oncles. On ne refusait rien à « la dernière, celle qui n’a pas connu son père, la pauvre. ». Quand j’entendais cette formule, je me disais que, pourtant, je ne me sentais pas si malheureuse que ça. Bien sûr, j’étais orpheline, mais honnêtement, mon père ne me manquait pas, puisque je ne l’avais jamais connu. En plus, cela faisait de moi une « Pupille de la Nation ». Ce titre solennel conférait, secrètement, à ma petite personne, une certaine importance, et me donnait droit, une fois par an, à un cadeau de l’Etat, en l’occurrence une paire de chaussures qu’on nous remettait au siège des « Fils des tués ». Chaussures moches comme tout, à porter avec chaussettes, ce que je refusais en bloc, dès notre retour à la maison.
J’avais eu beaucoup de chance, par rapport à mes sœurs : à ma naissance, la guerre était finie, nous étions redevenus Français, grâce à l’abrogation des lois de Vichy, Alger reprenait son souffle, et j’échappais, de fait, au chagrin que leur avait causé l’affreuse mort de notre père, trois mois avant que je ne vienne au monde.
J’arrivais dans une famille brisée par la guerre et le deuil, et j’apportais la joie, la consolation, un renouveau dont tout le monde avait besoin. Grâce à moi, ma mère retrouvait un sens à la vie, mes sœurs héritaient d’une poupée vivante, ma grand-mère et mes oncles découvraient, ravis, qu’il y avait, désormais, un petit clown, à la maison.
Moi-même, je pouffe encore, aujourd’hui, en regardant mes photos de l’époque : un minuscule bébé chevelu, l’air furieux, des billes noires en guise d’yeux, un petit bout de nez comme un morceau de pâte à modeler collé au milieu de la figure, un vrai clown, je vous dis.
Mais un clown adoré.
C’est ainsi que, passant de bras en bras, j’ai emmagasiné tout l’amour qui m’a servi de carapace, plus tard, contre les épreuves de la vie.
Mes sœurs me coiffaient, me déguisaient, ont voulu me faire marcher à quelques mois seulement, si bien que ma mère a craint qu’elles ne me fabriquent des jambes en cerceau ! Bien sûr que non, on est en caoutchouc, à cet âge-là.
Mes sœurs m’ont appris à lire dans l’alphabet des pâtes à potage ( je recommande vivement la méthode, elle est miraculeuse, j’ai su lire très tôt ).
Mes sœurs m’ont, plus tard, emmenée à la plage, inscrite aux concerts des JMF 1 , aux spectacles du CRAD 2 , donné le goût, respectivement, l’une, de l’Anglais, l’autre du théâtre.
Mes sœurs m’ont, encore plus tard, aidée substantiellement, quand je n’avais pas un sou vaillant… Oui, je dois beaucoup à mes sœurs.
Mes années d’école maternelle, rue de Normandie, sont imprimées dans ma mémoire comme une suite de jours insouciants et gais, ordonnés autour des horaires de travail de ma mère, à l’Hôpital Maillot, de jeudis passés chez ma grand-mère, dans sa pièce unique, avec, pour fond sonore, sa voix rauque chantonnant en Arabe, et de dimanches que j’attendais avec impatience, car ce jour-là, on allait systématiquement au cinéma.
Cinéma
Ma mère avait une véritable fascination pour le cinéma. Gamine, elle avait vu, émerveillée, son premier film sur un drap tendu au fond d’un hangar de Batna, sa ville natale.
Depuis ce jour, les princesses, les pauvres hères, les monstres, les séducteurs, les mégères, les saintes, les aventuriers, les putes au grand cœur, les pirates, les justiciers, les ordures, les nobles cœurs qui apparaissaient sur l’écran magique, étaient devenus ses compagnons de route.
Elle s’identifiait aux héroïnes pauvres qui triomphaient du mauvais sort, comme Cosette, dans Les misérables .
Elle s’imaginait tournoyer dans une belle robe froufroutante, comme les jeunes filles de bonne famille d’ Un carnet de bal , où elle partageait la mélancolie de Marie Bell qui regrettait que Pierre-Richard Wilm n’ait pas compris qu’il était l’homme de sa vie.
Elle osait se prendre, secrètement, pour Viviane Romance, dans Pépé le Moko , et ainsi visiter la casbah d’Alger où elle n’aurait jamais l’occasion de mettre les pieds, en vrai, car cette partie de la ville passait pour inhospitalière, voire dangereuse, pour qui n’y habitait pas.
Elle s’amusait à trouver des ressemblances entre les acteurs et tel voisin, telle voisine, telle personne vue de loin.
«Tout à l’heure, dans la rue, j’ai vu Michel Simon ! Mais alors, lui, tout craché ! Tout, le nez, le menton… Je peux pas te dire mieux : lui ! »
Ou alors « Au marché, je suis tombée nez à nez avec Silvana Mangano ! Enfin, de tête, hein, parce que de corps, c’était pas pareil, hein, tu m’as compris. »
Ma mère se tenait toujours au courant de l’actualité cinématographique et connaissait les noms de tous les seconds rôles. Pour elle, le cinéma, c’était le rêve, l’amour romantique, l’espoir, la bonté possible, les méchants punis.
On en a vu, des films, au Marignan, aux Variétés, au Majestic !...
Le Marignan était le plus proche de chez nous : une immense salle dotée de deux parties d’orchestre, et d’un grand balcon. L’orchestre commençait à quelques mètres de l’écran et s’étendait jusqu’à une large travée après laquelle se trouvait la seconde partie des sièges.
Généralement, les Arabes se massaient dans les premiers rangs –les places les moins chères-, et les « Européens », comme on disait( !), se dispersaient dans le reste de la salle.
Les fa

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