Préparatifs d un voyage
84 pages
Français

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Préparatifs d'un voyage , livre ebook

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Description

Beyrouth 1976, la guerre civile libanaise est à son apogée. Le Dr Baroudi reçoit en consultation un patient pas comme les autres : Ali Abed, un adolescent orphelin, pauvre, handicapé et sans papiers. Très vite, une complicité naît entre les personnages. Un jour, une proposition d'adoption est adressée à Ali de la part d'un citoyen belge, François. Véritable témoignage, cette expérience humaine vécue par l'auteur nous confirme l'inexistence de "frontières morales" entre l'Orient et l'Occident.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 77
EAN13 9782296935327
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préparatifs d’un voyage
ou l’Histoire d’Ali Abed
Hicham Baroudi


Préparatifs d’un voyage
ou l’Histoire d’Ali Abed


Traduit de l’arabe par
Randa Captan


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12281-9
EAN : 9782296122819

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
REMERCIEMENTS
Un grand merci à Madame Ghada Saman Daouk, Professeur Claude Hamonet, Monsieur Eric Martini et à l’adorable Wadad pour leur soutien et leurs encouragements.
Le destin lui jeta un sort qu’il n’accepta jamais. Quand un jour, inopinément, il aperçut au fond de l’interminable et sombre tunnel une timide lumière briller, il avança de son mieux vers cette lueur et trébucha maintes fois. Tout près du but, il tendit la main, et…
Telle est l’histoire d’Ali Abed.
C’était dans le Beyrouth de 1976 que j’ai connu Ali. Au temps où la parure de « la Belle de l’Orient » fut troquée contre les haillons des champs de bataille.
C’était en plein tumulte de la guerre civile libanaise.
L’atmosphère imbibée de tension, de peur et d’incertitude pesait sur la population entière. Des centaines de familles, emportées par la panique de ne voir aucun espoir luire à l’horizon, prirent le large. D’autres, attachées à leur terre et au peu qui leur restait, guettaient au loin le fruit des efforts fournis par les « bonnes volontés » qui œuvraient à restaurer la paix.
Les conversations quotidiennes, mêlées aux bulletins d’information des médias, ainsi qu’aux sifflements et aux détonations des obus, aspiraient les habitants dans une tornade infernale à laquelle il était impossible d’échapper. Les mêmes nouvelles rôdaient inlassablement et remuaient le couteau dans la plaie : « Bombardements aveugles / francstireurs maîtres de la situation – abus compromettant la sécurité des habitants – routes hier fluides et sécurisées deviennent en un clin d’œil dangereuses ; maximum de prudence est à prendre – 48 heures pour rétablir le courant et réparer les lignes téléphoniques – distribution de farine en cours – l’eau est toujours coupée ! – besoin urgent de sang – le nombre de victimes ne cesse d’augmenter… »
Les faits divers ne manquaient pas non plus. Il y en avait à caractère humain qui signalaient une prise ou une libération d’otages, d’autres qui faisaient appel à un peu de civisme pour épargner les monuments historiques, « témoins de notre héritage culturel », d’une éventuelle disparition, et d’autres encore médicosociaux, comme les campagnes de vaccination et l’interdiction de l’occupation des logements désertés.
Tout cela était finement assaisonné de petites annonces : « Vente de mobilier en très bon état pour cause de voyage ; Nouveau ! Bureau de télécommunications vous permet de joindre les quatre coins du monde en un rien de temps ; Commerce de glaçons géants ! Pour remplacer les réfrigérateurs hors d’usage faute d’électricité… »
En dépit de la diversité et de l’ampleur des informations, seuls les faire-part de décès avaient connu une chute libre. L’explication, bien sûr, ne venait pas d’une baisse du taux de mortalité, loin de là malheureusement ! Mais surtout à cause de leur prix qui avait fortement grimpé, ainsi que par souci de sécurité afin d’éviter les rassemblements au cours des cérémonies funèbres.
Pendant cet épisode mouvementé de la vie d’un peuple, fortement riche en improvisations et dialogues de sourds, où les roquettes verbales entre les groupes opposés atteignaient le summum de la violence et où l’expression « entente nationale » allait de pair avec « attentat contre la réconciliation entre Libanais », j’exerçais au sixième étage de l’hôpital Barbir, au sein d’un vaste service spécialisé en médecine physique et rééducation. Avec mes collègues médecins et professionnels de santé nous nous accrochâmes à notre lieu de travail, avec la détermination d’affronter ces évènements tragiques.
La place Barbir était la ligne de démarcation entre ce qu’on appelait à l’époque Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest. Elle était au centre des évènements et avait reçu de plein fouet les horreurs de la guerre. La traversée de cette place était parfois l’unique bras tendu entre les deux moitiés de la ville écartelée.
L’emplacement de mon bureau suscitait, au bon vieux temps, l’envie des collègues. Il donnait sur la « corniche Al Mazraa », cette large rue animée partant de la mer et traversant notre secteur pour longer la forêt de pins, la résidence de l’ambassadeur de France puis l’hippodrome, et finir au pied du Musée national où s’étendait le splendide panorama du mont Liban. Cette avenue ne fourmillait plus de passants ni de voitures. Les miliciens lui avaient coupé les artères avec leurs barrages, et ne pouvaient traverser que les personnes dignes de recevoir leur bénédiction. Les nouvelles du matin qui évoquaient le nombre de cadavres jetés sous le pont Barbir, ainsi que l’ouverture et la fermeture de ce passage étaient le meilleur bulletin prévisionnel de la violence qu’allaient atteindre les affrontements entre les parties adverses.
Ainsi allait la vie dans ce pays, vacillant entre l’optimisme de quelques rares colombes annonçant le retour prochain à la vie normale et les déclarations des oiseaux de mauvais augure qui remettaient le moral à zéro.
Et voici enfin Ali, qui franchit un jour majestueusement le seuil de mon cabinet, et me déclara solennellement, comme si son état était invisible à l’œil nu :
Je suis Ali Abed. Je suis handicapé. J’ai besoin de prothèses, pourriez-vous m’aider ?
J’avais en face de moi un gamin de douze ans. Fatigué, le visage pâle, les yeux cernés, il déplaçait son corps dépourvu de jambes grâce à un fauteuil roulant. Plein de courage et de détermination, il s’était présenté seul au rendez-vous. Ainsi il avait rompu avec la coutume qui voulait que le malade soit accompagné de sa famille et de ses amis au complet, voire même d’un long cortège de fidèles s’il s’agissait d’une personne d’une importance certaine.
Je fus sous le charme de cet enfant, et pour remplir son dossier médical je lui demandai :
Quels sont ton nom et ton prénom ?
Ali Abed est mon surnom. D’ailleurs, c’est l’unique nom que je connaisse depuis ma naissance, répondit Ali.
J’aurai besoin de ton nom tel qu’il est écrit sur ta carte d’identité, précisai-je.
Je fais partie des personnes dissimulées dans la vie ! me lança-t-il. Je n’ai pas de carte d’identité.
Et comment fais-tu pour obtenir une prise en charge médicale et sociale ?
Eh bien, j’utilise une fausse carte ! Ou j’emprunte celle d’un copain !
A cet instant même, je compris que je serais, malgré moi, entraîné dans une histoire hors du commun. J’invitai alors mon jeune ami à me retracer son petit parcours dans la vie.
Ali se redressa dans son fauteuil et simula un sourire qui ne fit qu’accentuer la tristesse de son regard. Il raconta :
Je suis orphelin de père, et pauvre. Je vis non loin de l’hôpital avec ma mère, mes frères et mes sœurs. Mon beaupère passe nous voir de temps à autre. Il ne m’aime pas, moi non plus d’ailleurs. Il y a quelques mois je fus réveillé à l’aube par ma mère me demandant d’aller acheter du pain. Ce que je fis. Je me glissai dans la foule qui attendait l’ouverture de la boulangerie et me débattai tant bien que mal pour garder ma place, quand soudain j’entendis une assourdissante détonation et des hurlements qui venaient de partout. Je me retrouvai baignant dans mon sang et je perdis conscience.
Je revins à moi ébloui par une blancheur qui m’encerclait. J’étais allongé dans un lit tout blanc avec une bizarre sensation de torpeur. Je me palpai, essayant de comprendre ce qui m’arrivait et là... – Ali marqua une pause, puis reprit comme s’il revenait d’un monde lointain – … et là, un cri jaillit de tout mon être : « Mes jambes ! Où sont passées mes jambes ! Rendez-moi mes jambes ! »
Des mains puissantes me saisirent par les épaules et me rendirent à la réalité. A mes côtés se trouvait un jeune homme qui essayait de me calmer. Un médecin passa par la suite, il m’expliqua que j’étais hors de danger. J’étais abattu, terrorisé et perdu. La présence de ma mère ne fit qu’amplifier ma douleur. Elle était en pleine crise d’hystérie. Ses lamentations et ses pleurs envahissaient tout l’étage. Les poings fermés, elle se cognait le buste, se culpabilisant de m’avoir chargé de cette maudite course.
Quelques

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