Un Lieu à soi
198 pages
Français

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Description

Un lieu à soi propose une écriture croisée sur deux lieux très différents, Cannes, la ville phare du cinéma, et Beaumont du Gâtinais, petit village ignoré en campagne française. A travers cette ronde toponymique où l'être et le lieu se confondent, les auteurs s'adonnent à un voyage intime et passionné ou chaque halte est l'occasion d'un échange. Comment à travers un jeu d'oppositions et d'échos symboliques, ces deux lieux parviennent-ils à se construire une identité propre et originale?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 15
EAN13 9782296490918
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UN LIEU À SOI
Beaumont du Gâtinais – Cannes
MARIE-CHRISTINE
POINT

LINE
TOUBIANA


UN LIEU À SOI
Beaumont du Gâtinais – Cannes


Préface d’Henri RACZYMOW


L’HARMATTAN
DES MÊMES AUTEURS :

De Line TOUBIANA et Marie-Christine POINT chez L’Harmattan :
Destins croisés, 1996.

De Marie-Christine POINT :
Sous le temple d’Apollon, roman pour enfants, Magnard, 2001.
La liberté des colporteuses, roman, Thélès, 2007.


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96838-7
EAN : 9782296968387

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Préface
Deux sortes de lieux à soi. Celui dont on est issu est nôtre de toute éternité, il nous est consubstantiel. Comme notre matrice, notre peau, entamer l’une c’est nous meurtrir (d’où la peine qui nous afflige quand le temps et les hommes viennent à le détruire ou à le défigurer). Nous en sommes comme un prélèvement, une émanation. Nous et les nôtres venons de là. Et puis celui auquel le hasard et notre attirance nous ont liés durablement, comme si nous avions reconnu en lui un espace familier, originaire, alors qu’il n’en est rien. Le voyant pour la première fois, nous sommes envahis par un curieux sentiment de déjà-vu. (Le déjà-vu, selon Freud est le déjà-vu du corps de la mère.) A contrario, il est une troisième façon de nous lier à l’espace : le déracinement absolu. Est-ce seulement possible, dira-t-on ? Ça l’est. L’homme de la ville, de la grande ville, (l’homme des Foules dirait Edgar Poë) dont maints romans et films (noirs) nous ont dressé le portrait malheureux : à Berlin, à Paris, à New York. Les racines se sont envolées, restent de maigres souvenirs de souvenirs d’un autre espace, d’un autre temps, de ce temps-là, du temps d’avant, celui dont nous aurait parlé quelque grand-parent, jadis, du temps de notre enfance, dont il ne nous reste que des bribes.
Chez Marie-Christine, l’évocation commence par celle du cœur des choses : les Clos. Cœur d’un fruit, autour duquel tout se déploie, les maisons, les jardins, les rues, les champs. On est là de plein-droit, au cœur, aussitôt. Chez Line, le premier lieu est un passage. On n’est pas rendu aussitôt au cœur. Il faut montrer patte blanche, s’acquitter d’un droit, on accède, on franchit une invisible frontière, on ne réside pas d’emblée, on vient d’ailleurs. On est là, ici et maintenant, mais on rêve d’avant. Avant, ce peut être ici même, du temps où les quelques notables du village habitaient dans la digne et patricienne avenue de la Gare, flanquée de ses inévitables platanes. Mais avant, ce peut être ailleurs, d’où l’on vient vraiment, vraiment ailleurs, de l’autre côté de la Méditerranée, une autre ville maritime, d’où l’on a tôt fait d’embarquer. Ainsi, l’une est au centre, l’autre au bord. L’une de plein droit, respectueuse, l’autre comme adoptée, rendant grâce.
Le lieu de l’une semble désert comme la lune, le lieu de l’autre constamment envahi par les foules bigarrées, cosmopolites, qui déambulent pour voir et se faire voir. Ce n’est pas que dans le bourg il n’y ait rien à voir : le regard exercé de Marie-Christine atteste le contraire. Mais c’est toujours du domaine de l’intime, des vies minuscules, des herbes modestes, des chemins dérobés. L’autre est large, éclairé, plein de ciel et de richesses exhibées, de désirs infinis : la vie est là. La vraie vie ? La Croisette n’est certes pas un chemin de Croix. On s’y croise, on s’y perd, il s’y passe toujours quelque chose, on ne sait plus où donner de la tête, des oreilles et des yeux, le Nord est perdu. Pour le Gâtinais, c’est tout à fait autre chose : il faut savoir regarder. Et on ne peut bien regarder que si l’on sait. L’étranger, le Parisien absolu, n’y verrait rien, passerait à côté des choses, vaguement ennuyé. Ces lieux ne concernent que soi et les siens. Tel chemin débouche sur tel paysage et tels groupes de maisons, après il n’y a plus rien, je veux dire : des champs de blé. On sait aussi que les côtés se rejoignent, inexplicablement, comme pour Marcel, les deux côtés de Guermantes et de Méséglise, on prend par l’un et on débouche émerveillé sur l’autre. Et puis, tout est toujours empreint de mélancolie, à son corps défendant. On se souvient forcément d’avant, de son enfance, et on imagine toujours l’enfance même de sa grand-mère, ou quand elle-même était jeune fille, un autre monde, un autre temps, dont ces murets pourtant furent témoins.
Leurs mots pour le dire, même, sont d’une d’autre essence, comme venus non de deux façons hétérogènes d’écrire le français, mais d’une position peut-être du corps devant les choses et les sensations dont elles sont porteuses. La voix de Marie-Christine est plus tenue, digne, comme celle des gens de la terre. Un rien hiératique d’une certaine façon, mais nullement guindée, disons grave : c’est qu’elle a conscience de toucher des choses sacrées, comme la mémoire, le temps et la mort. Celle de Line est plus dégagée, alerte, primesautière, enthousiaste, en un mot heureuse, même si elle laisse entendre parfois une plainte ténue et profonde. Elle ne nous parle pas, et pour cause, du lait tout chaud qui sort du pis de la vache et gicle dans le pot de lait en fer, mais du chichi et du pan-bagnat, des fleurs et des pastèques, de bons vins. L’une semble commenter un tableau de Courbet ( Paysans rentrant de la Foire ), l’autre un film, bien sûr, qui aurait pour décor le Festival aux vanités et la plage où posent encore les starlettes qui semblent ignorer le poème de Queneau : « xa va, xa va xa va durer toujours ». Le Village a sa permanence, soumise seulement à une lente, inexorable usure du temps. La Halle n’est plus la Halle où se donnaient des fêtes municipales et républicaines. Le temps s’est en principe arrêté à l’horloge de l’église sur midi vingt ou minuit vingt, mais c’est un leurre. A Cannes, le Festival lui-même, bien que conservant son aimantation glamoureuse, n’a plus son aspect bon enfant du temps d’avant, les idylles, les pleurs et les rires n’y sont jamais, année après année, tout à fait les mêmes, et les choses envolées ne reviendront jamais plus. Tout fout le camp. Le Village sans prétention et la Croisette ostentatoire, c’est tout comme. Sur la Croisette, l’effervescence bruyante des midinettes et des paparazzis le long des marches et devant le tapis rouge. Au village, déjà que le stade n’est plus le stade non plus que la Halle la Halle, la laitière a-t-elle encore des vaches à traire et le fils du notaire de l’avenue de la gare est-il encore aujourd’hui un beau parti ? Jamais la même eau du Fusain ne coulera pareille sous le petit pont. Sur la Croisette comme au Village, tout est éphémère : la vie. Tous les ans, le Festival, tous les ans, le 14-juillet. Le monde va son cycle, et fuit pourtant vers sa mort. Le monde est le règne de l’Impermanence, ici comme là-bas, dans les paillettes et les flashes des photographes ou les effluves vespérales de la soupe aux poireaux : « Telle est sans doute la fonction des maisons villageoises, écrit joliment Marie-Christine : faire croire à l’éternité des escaliers dont la cinquième marche a toujours grincé. » Faire croire, elle dit bien. Et le cinéma, à Cannes comme ailleurs, n’a-t-il pas pour fonction d’imiter, de redoubler, de prolonger la vie, de nous donner à voir la vie, comme si la vie elle-même ne suffisait pas, et qu’il fallait la dupliquer pour lui conférer son très improbable immortalité ? C’est à propos de la gare de Cannes que Line songe avec conscience à notre « vie de passage » : encore combien nous sera-t-il donné d’allers-retours ? Au Village, pas même une salle de cinéma. La vie y est sans miroir, soumise à son infinitésimale, son invisible entropie. Que lui ferait l’Art ? Elle se suffit à elle-même, pour les siècles des siècles. Pas de rédemption en vue, nul n’y songe. Le moyen dès lors de fixer les choses, stopper un temps le temps qui passe, et bientôt efface ? On le sait : c’est d’écrire, ce à quoi s’emploient, de livre en livre, nos deux amies. Ecrire, ici comme ailleurs, c’est nommer, re-nommer les noms des lieux, les noms des êtres, les lieux modestes ou grandiloquents, c’est égal, les êtres chers ou un peu lointains qui, de leur fugacité même, nous deviennent précieux, irremplaçables. Car ils sont nous.

Henri Raczymow
A ma grand-mère, Fernande Point
à Pierre et Jean
Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux …

Joachim du Bellay
PROLOGUE Beaumont du Gâtinais
A cent kilomètres au sud de Paris, entre Seine et Marne et Loiret, l’horizon trace une

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