Un travailleur immigré raconte ses aventures
160 pages
Français

Un travailleur immigré raconte ses aventures , livre ebook

-

160 pages
Français

Description

L'auteur livre le récit de sa vie de travailleur émigré de Guinée Bissau devenu chauffeur de bus scolaire à Evreux après avoir subi toutes les "galères" possibles avec un moral d'acier. Il décrit avec pittoresque la vie de son village, les coutumes traditionnelles encore très vivantes ainsi que son insertion en France où il ne compte que des amis. Ce livre éclaire d'un jour sympathique les idées théoriques que l'on peut avoir sur l'immigration.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296710702
Langue Français
Poids de l'ouvrage 13 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un travailleur immigré raconte ses aventures
1
2
Carfa Mendes
Un travailleur immigré raconte ses aventures
L’HARMATTAN
3
© L'HARMATTAN, 2010 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13245-0 EAN : 9782296132450
4
Avant-propos Chaque jour la presse évoque les sans-papiers, que ce soit pour souhaiter les rejeter dans leur pays d’origine ou au contraire pour demander de les accueillir dans notre pays, celui des droits de l’homme, comme on le répète. Pour la première fois, l’un deux raconte sa vie, ses espoirs, ses difficultés et aussi sa réussite. Bien sûr chaque vie est un cas particulier. Près de la moitié des travailleurs immigrés d’Afrique francophone sont d’ethnie soninké, ce peuple qui habite aux confins de trois pays, le Sénégal, la Mauritanie et le Mali. Notre auteur est une exception mais pas un cas isolé. Il est de Guinée Bissau, pays anciennement portugais, mais a aussi vécu dans la province voisine du Sénégal, la Casamance. Il est Manjak, ethnie qui a conservé de nombreuses pratiques traditionnelles et un sens aigu de la solidarité familiale. Le témoignage que vous allez lire est passionnant du fait de sa sincérité et de sa fraîcheur. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre de la part de quelqu’un qui a dû surmonter quantité d’obstacles pour être aujourd’hui chauffeur de bus scolaire dans l’Eure, on ne perçoit dans ce récit qu’optimisme, goût de la vie et reconnaissance pour tous ceux qui, sur son chemin, l’ont aidé à réussir ses objectifs : une parfaite intégration dans la société française sans le moindre déracinement. Il est heureux de sa nouvelle vie et reste très lié à sa famille africaine qu’il aide autant qu’il peut. Plus étonnant encore, il a voulu écrire un livre pour faire connaître sa langue et a publié aux éditions de l’Harmattan un ouvrage,Parlons manjak, qui permet une sérieuse initiation à la langue et à la culture de son peuple.
5
6
Chapitre I
Une enfance au pays manjak Avant de commencer, je dois vous dire que je suis venu au monde le 05/05/1960, de parents agriculteurs dans ce village de Sansamba en Casamance au Sénégal. Vous n’en voyez qu’une partie sur la photo. J’y ai passé mon enfance et y ai grandi. Je suis parti pour la première fois pour découvrir mon pays d’origine la Guinée-Bissau en 1977 à l’âge de 17 ans. J’allais chez mes grands-parents pour faire connaissance des miens restés sur cette terre (Batiam-inj,mes grands-parents).Ce pays de mes ancêtres où étaient nés aussi mon père et ma mère… Mon père est né en 1919 en Guinée-Bissau, c’est du moins la date qui était mentionnée sur ses papiers. Il est mort en 1996 au pays d’accueil, dans le village de Sansamba en Casamance (Sénégal), à l’âge de 77 ans. Mais en réalité, je sais qu’il avait près de cent ans. Pourquoi ? C’est tout simple : parce que chez nous au pays, la plupart des anciens ou des anciennes n’ont pas l’âge enregistré dans les administrations car c’était très compliqué de définir leur date réelle de naissance. Certains sont nés à la campagne dans des lieux éloignés de la ville. Alors, ils se disent : «nous irons plus tard déclarer la naissance»;et ce plus tard sera oublié ; l’enfant ne saura jamais son âge exact. Les parents diront tout simplement : « il est né à peu près…» Mais, d’autres parents n’oublient pas l’âge réel de leurs enfants ; ils pourront se rappeler des événements qui eurent lieu exactement au même moment que la naissance de l’enfant… mais au fil du temps, ils pourront l’oublier aussi s’il n’est pas mentionné sur un papier. L’enfant grandit jusqu’à 22 ans « l’âge de la maturité chez nous » C’est à ce moment que le problème commence. Si ce jeune homme devenu adulte décide d’aller en voyage, de quitter son pays d’origine pour s’aventurer à l’étranger, il se rend soit à la Préfecture de sa commune, soit au Consulat de son pays pour faire ses papiers. Là, il pourra commettre une grosse erreur car, pour faire ses papiers, il donnera n’importe quel âge faute de connaître l’année réelle de sa naissance. Mais, quelle que soit la date de naissance adoptée, celle-ci sera mise sur son passeport ou sur sa carte d’identité. Il ne saura jamais le jour exact de sa naissance. Quand on lui demandera cette date, il dira«c’est celle-là … »bien que tout ce qui est mentionné sur son dossier soit faux…Pire encore, à l’époque de nos grands-parents, quand ils allaient en Europe, c’était en bateau et il fallait diminuer l’âge pour pouvoir embarquer, ou trouver un patron à l’arrivée en Europe parce qu’ils seraient trop vieux pour être embauché dans des
7
usines…) Vous comprendrez : Avec son jeune âge, arrivé en Europe, ce jeune immigré trouvera rapidement du travail, il sera embauché dans une entreprise avec son jeune âge mentionné sur son dossier, il n’aura pas sa retraite à temps voulu ; il continuera à travailler depuis son jeune âge et il aura des grosses difficultés pour atteindre ses soixante ans. Mais au bout de quelques années, physiquement, il sera plus vieux que son âge, il sera très fatigué... Et le plus triste dans l’histoire, même s’il a sa retraite il ne pourra jamais en profiter longtemps. Malheureusement pour lui, car son jeune âge était écrit «noir sur blanc», le patron qui l’a embauché ne pourra pas faire autrement. Ainsi, il restera dans l’entreprise, il continuera à travailler jusqu’à son épuisement. Il ne pourra jamais cotiser la totalité des années qu’il faut pour avoir une bonne retraite… En Europe, pour avoir une bonne retraite, il faut travailler beaucoup et cotiser plusieurs années (oui, mes amis dans la norme, la loi respecte tout simplement ce qui est écrit sur le papier ; c’est tout à fait normal !...) Je vous le raconte en connaissance de cause. A l’entreprise à Evreux où je travaillais auparavant, j’avais des collègues qui avaient le problème semblable de l’âge et ils avaient pris leur retraite très tard ; quelques-uns d’entre eux n’ont jamais eu l’opportunité d’en profiter…, ils sont décédés hélas, quelques mois tout juste après avoir pris leur retraite. Malheureusement, jusqu’à présent, ce problème plane encore un peu du côté de notre ethnie manjak ou d’ailleurs… On me dit parfois aussi qu’il est très difficile de donner son âge réel à un Africain ou une personne de couleur en général ; ils sont parfois très jeunes physiquement par apport à leur âge. Je peux vous dire que moi personnellement, à mon travail, les Occidentaux ont du mal à me donner mon âge réel. Plusieurs d’entre eux me donnent la moitié de mon âge et quand je leur communique ma date réelle de naissance, ils me disent que je suis plus jeune; cela me fait plaisir. Comme vous le savez, dans la vie, personne n’aime qu’on le traite de vieillard. Mais malheureusement, c’est le chemin que tout le monde empruntera tôt ou tard jusqu’à la mort. Pour ma réponse dans cette conversation, je leur dis tout simplement que, (tout se passe par la tête… mais la vieillesse, comme la mort, n’épargne personne…)Père et filsUn jour, j’ai décidé de raconter à mon père mon souhait ; ce que j’aimerais vraiment faire dans ma vie : je lui ai dit : «Papa, maintenant, je voudrais entrer à l’école française,j’aimeraisapprendre à lire, à écrire, à compter, je voudrais m’instruire et bien parler français comme les« Toubab; en français :les blancs »Mon père m’a regardé, et m’a répondu :
8
«mon fils ! Parmi tous tesIl faut avoir l’âge pour faire chaque chose frères et sœurs, c’est sur toi que je compte mettre plus tard à l’école française. Mais il te faut la patience ; je déciderai, quand le moment sera venu… » Par cette promesse rassurante, j’ai compris combien mon Papa m’aimait et me faisait totalement confiance ; mais, moi, j’avais un pressentiment que mon Père me mettrait tôt ou tard à l’école française comme il m’avait dit…Voilà que cette promesse qu’il m’avait faite a été réalisée en 1973, j’avais treize ans. Ce que me disait mon Père, ce n’était pas des paroles en l’air. Papa était quelqu’un de juste. « Malheureusement je suis entré très tard à l’école ; mais cela ne m’a pas freiné de progresser très vite en classe. Je dois beaucoup à mon Père car, aujourd’hui, je sais un peu lire et écrire grâce à lui…». Sur mes premiers bancs de l’école: Alors, quand je suis entré dans cette école française à Sansamba, j’ai montré aussi à mon Père ce que j’étais capable de faire et qu’il n’avait pas fait de mauvais choix parmi ses six enfants… Bien que je fusse parmi les plus âgés, mais aussi parmi les meilleurs de ma classe, j’avais la moyenne dans presque toutes les matières. Mes premiers résultats m’ont énormément encouragé auprès de mes parents. Tous les membres de ma famille me félicitaient à chaque résultat. Ce qui me donnait encore et encore le courage, la force et la volonté de travailler, de progresser davantage à l’école. Jamais je ne pourrais remercier assez mon père de ce qu’il a fait pour moi. Notre maître était heureux de suivre mes progrès et très satisfait de découvrir mon courage et mon plaisir de travailler. Ce qui est un peu difficile dans tout ça, c’était pour aller à l’école ; j’avais environ quatre kilomètres à parcourir le matin, encore quatre à midi pour aller manger, la même chose au retour à l’école après manger et idem pour rentrer à la maison le soir à la fin de classe. J’en faisais ainsi seize kilomètres par jour. Je partais de chez moi à pied dès sept heures et demie chaque matin. Il ne fallait pas traîner en route car à huit heures juste, notre maître Jean Charles Corréa sifflait la rentrée en classe. Si jamais un élève était absent à ce coup de sifflet, il avait des comptes à rendre. Ce fameux coup de sifflet, nous en avions l’habitude, il nous invitait à nous mettre en rang, avant d’entrer dans la salle cette inoubliable classe de Sansamba. A midi, je revenais manger à la maison en courant. Pour la rentrée de l’après-midi, je me dépêchais sur le même trajet, aussitôt arrivé, devant la porte d’entrée, j’entendais le même coup de sifflet, le même mouvement d’entrée en classe…Ce qui me plaisait dans la journée d’écolier, ce n’était pas seulement la classe où je faisais tant de découvertes… Mais encore
9
pendant les récréations, avec mes quelques amis, nous nous mettions parfois dans un coin de la cour de l’école pour nous entraîner aux devoirs. Nous avions aussi la passion de jouer au ballon, avec notre maître et ses amis. Au football, ma place préférée était celle de gardien de but ; j’étais très rapide et très souple. Je ne laissais échapper aucun ballon… Et je n’étais peu fier de faire l’admiration de mes camarades lorsque je bloquais un ballon tiré avec astuce par l’équipe adversaire… Nous, nous amusions agréablement, mais sans oublier pour autant nos devoirs et tout ce que nous devions apprendre dans cette école de Sansamba… Le soir à la fin des classes, je reprenais le chemin de retour chez moi. En passant au centre du village, je voyais les femmes qui vendaient encore au bord de la route, des mangues mûres. Et comme j’avais faim après l’école, avec quelques pièces de monnaie que mon père m’avait données, j’achetais quelques fruits pour manger en route. J’étais heureux dans cette école jusqu’en 1977, l’année où tout a basculé dans le malheur. Notre maître tomba gravement malade, il ne pouvait plus enseigner, l’école fut presque fermée. Mon esprit, mon cœur, ont dû subir un choc terrible. Et avec cet événement, je voyais que si je restais à Sansamba, je ne pourrai plus continuer mes études pour avancer. Cette année là, j’ai décidé d’aller en Guinée-Bissau chez mes grands-parents au village de « Pandin ».
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents