Essais - Livre I
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Description

? Ce ne sont mes gestes que j'escris ; c'est moy, c'est mon essence. Je tien qu'il faut estre prudent ? estimer de soy, et pareillement conscientieux ? en tesmoigner : soit bas, soit haut, indifferemment. Si je me sembloy bon et sage tout ? fait, je l'entonneroy ? pleine teste. De dire moins de soy, qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie : se payer de moins, qu'on ne vaut, c'est laschet? et pusillanimit? selon Aristote. Nulle vertu ne s'ayde de la fausset? : et la verit? n'est jamais matiere d'erreur. De dire de soy plus qu'il n'en y a, ce n'est pas tousjours presomption, c'est encore souvent sottise. Se complaire outre mesure de ce qu'on est, en tomber en amour de soy indiscrete, est ? mon advis la substance de ce vice. Le supreme remede ? le guarir, c'est faire tout le rebours de ce que ceux icy ordonnent, qui en defendant le parler de soy, defendent par consequent encore plus de penser ? soy. L'orgueil gist en la pens?e : la langue n'y peut avoir qu'une bien legere part. ?? Ce ne sont mes gestes que j'escris ; c'est moy, c'est mon essence. Je tien qu'il faut estre prudent ? estimer de soy, et pareillement conscientieux ? en tesmoigner : soit bas, soit haut, indifferemment. Si je me sembloy bon et sage tout ? fait, je l'entonneroy ? pleine teste. De dire moins de soy, qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie : se payer de moins, qu'on ne vaut, c'est laschet? et pusillanimit? selon Aristote. Nulle vertu ne s'ayde de la fausset? : et la verit? n'est jamais matiere d'erreur. De dire de soy plus qu'il n'en y a, ce n'est pas tousjours presomption, c'est encore souvent sottise. Se complaire outre mesure de ce qu'on est, en tomber en amour de soy indiscrete, est ? mon advis la substance de ce vice. Le supreme remede ? le guarir, c'est faire tout le rebours de ce que ceux icy ordonnent, qui en defendant le parler de soy, defendent par consequent encore plus de penser ? soy. L'orgueil gist en la pens?e : la langue n'y peut avoir qu'une bien legere part. ?? Ce ne sont mes gestes que j'escris ; c'est moy, c'est mon essence. Je tien qu'il faut estre prudent ? estimer de soy, et pareillement conscientieux ? en tesmoigner : soit bas, soit haut, indifferemment. Si je me sembloy bon et sage tout ? fait, je l'entonneroy ? pleine teste. De dire moins de soy, qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie : se payer de moins, qu'on ne vaut, c'est laschet? et pusillanimit? selon Aristote. Nulle vertu ne s'ayde de la fausset? : et la verit? n'est jamais matiere d'erreur. De dire de soy plus qu'il n'en y a, ce n'est pas tousjours presomption, c'est encore souvent sottise. Se complaire outre mesure de ce qu'on est, en tomber en amour de soy indiscrete, est ? mon advis la substance de ce vice. Le supreme remede ? le guarir, c'est faire tout le rebours de ce que ceux icy ordonnent, qui en defendant le parler de soy, defendent par consequent encore plus de penser ? soy. L'orgueil gist en la pens?e : la langue n'y peut avoir qu'une bien legere part. ?? Ce ne sont mes gestes que j'escris ; c'est moy, c'est mon essence. Je tien qu'il faut estre prudent ? estimer de soy, et pareillement conscientieux ? en tesmoigner : soit bas, soit haut, indifferemment. Si je me sembloy bon et sage tout ? fait, je l'entonneroy ? pleine teste. De dire moins de soy, qu'il n'y en a, c'est sottise, non modestie : se payer de moins, qu'on ne vaut, c'est laschet? et pusillanimit? selon Aristote. Nulle vertu ne s'ayde de la fausset? : et la verit? n'est jamais matiere d'erreur. De dire de soy plus qu'il n'en y a, ce n'est pas tousjours presomption, c'est encore souvent sottise. Se complaire outre mesure de ce qu'on est, en tomber en amour de soy indiscrete, est ? mon advis la substance de ce vice. Le supreme remede ? le guarir, c'est faire tout le rebours de ce que ceux icy ordonnent, qui en defendant le parler de soy, defendent par consequent encore plus de penser ? soy. L'orgueil gist en la pens?e : la langue n'y peut avoir qu'une bien legere part. ?

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 278
EAN13 9782820607027
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Essais - Livre I
Michel de Montaigne
1595
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ISBN 978-2-8206-0702-7
Au Lecteur

C'EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit désl'entree, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique etprivee : je n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de magloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ayvoüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce quem'ayans perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissentretrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que parce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, laconnoissance qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercherla faveur du monde, je me fusse paré de beautez empruntees. Je veuxqu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sansestude et artifice : car c'est moy que je peins. Mes defauts s'yliront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que lareverence publique me l'a permis. Que si j'eusse esté parmy cesnations qu'on dit vivre encore souz la douce liberté des premieresloix de nature, je t'asseure que je m'y fusse tres-volontiers peinttout entier, Et tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme lamatiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes tonloisir en un subject si frivole et si vain. A Dieu donq.

De Montaigne, ce 12 de juin 1580.
Chapitre 1 Par divers moyens on arrive à pareille fin

LA plus commune façon d'amollir les coeurs de ceux qu'on aoffencez, lors qu'ayans la vengeance en main, ils nous tiennent àleur mercy, c'est de les esmouvoir par submission, à commiserationet à pitié : Toutesfois la braverie, la constance, et laresolution, moyens tous contraires, ont quelquesfois servy à cemesme effect.
Edouard Prince de Galles, celuy qui regenta si long temps nostreGuienne : personnage duquel les conditions et la fortune ontbeaucoup de notables parties de grandeur ; ayant esté bienfort offencé par les Limosins, et prenant leur ville par force, nepeut estre arresté par les cris du peuple, et des femmes, et enfansabandonnez à la boucherie, luy criants mercy, et se jettans à sespieds : jusqu'à ce que passant tousjours outre dans la ville,il apperçeut trois gentils-hommes François, qui d'une hardiesseincroyable soustenoient seuls l'effort de son armee victorieuse. Laconsideration et le respect d'une si notable vertu, rebouchapremierement la pointe de sa cholere : et commença par cestrois, à faire misericorde à tous les autres habitans de laville.
Scanderberch, Prince de l'Epire, suyvant un soldat des sienspour le tuer, et ce soldat ayant essayé par toute espece d'humilitéet de supplication de l'appaiser, se resolut à toute extremité del'attendre l'espee au poing : cette sienne resolution arrestasus bout la furie de son maistre, qui pour luy avoir veu prendre unsi honorable party, le reçeut en grace. Cet exemple pourra souffrirautre interpretation de ceux, qui n'auront leu la prodigieuse forceet vaillance de ce Prince là.
L'Empereur Conrad troisiesme, ayant assiegé Guelphe Duc deBavieres, ne voulut condescendre à plus douces conditions, quelquesviles et lasches satisfactions qu'on luy offrist, que de permettreseulement aux gentils-femmes qui estoient assiegees avec le Duc, desortir leur honneur sauve, à pied, avec ce qu'elles pourroientemporter sur elles. Elles d'un coeur magnanime, s'adviserent decharger sur leurs espaules leurs maris, leurs enfans, et le Ducmesme. L'Empereur print si grand plaisir à voir la gentillesse deleur courage, qu'il en pleura d'aise, et amortit toute cetteaigreur d'inimitié mortelle et capitale qu'il avoit portee contrece Duc : et dés lors en avant traita humainement luy et lessiens. L'un et l'autre de ces deux moyens m'emporteroitaysement : car j'ay une merveilleuse lascheté vers lamiséricorde et mansuetude : Tant y a, qu'à mon advis, jeserois pour me rendre plus naturellement à la compassion, qu'àl'estimation. Si est la pitié passion vitieuse aux Stoiques :Ils veulent qu'on secoure les affligez, mais non pas qu'onflechisse et compatisse avec eux.
Or ces exemples me semblent plus à propos, d'autant qu'on voitces ames assaillies et essayees par ces deux moyens, en soustenirl'un sans s'esbranler, et courber sous l'autre. Il se peut dire,que de rompre son coeur à la commiseration, c'est l'effet de lafacilité, debonnaireté, et mollesse : d'où il advient que lesnatures plus foibles, comme celles des femmes, des enfans, et duvulgaire, y sont plus subjettes. Mais (ayant eu à desdaing leslarmes et les pleurs) de se rendre à la seule reverence de lasaincte image de la vertu, que c'est l'effect d'une ame forte etimployable, ayant en affection et en honneur une vigueur masle, etobstinee. Toutesfois és ames moins genereuses, l'estonnement etl'admiration peuvent faire naistre un pareil effect : Tesmoinle peuple Thebain, lequel ayant mis en Justice d'accusationcapitale, ses capitaines, pour avoir continué leur charge outre letemps qui leur avoit esté prescript et preordonné, absolut à toutepeine Pelopidas, qui plioit sous le faix de telles objections, etn'employoit à se garantir que requestes et supplications : etau contraire Epaminondas, qui vint à raconter magnifiquement leschoses par luy faites, et à les reprocher au peuple d'une façonfiere et arrogante, il n'eut pas le coeur de prendre seulement lesbalotes en main, et se departit : l'assemblee louantgrandement la hautesse du courage de ce personnage.
Dionysius le vieil, apres des longueurs et difficultés extremes,ayant prins la ville de Rege, et en icelle le Capitaine Phyton,grand homme de bien, qui l'avoit si obstinéement defendue, vouluten tirer un tragique exemple de vengeance. Il luy dictpremierement, comment le jour avant, il avoit faict noyer son fils,et tous ceux de sa parenté. A quoy Phyton respondit seulement,qu'ils en estoient d'un jour plus heureux que luy. Apres il le fitdespouiller, et saisir à des Bourreaux, et le trainer par la ville,en le fouëttant tres ignominieusement et cruellement : et enoutre le chargeant de felonnes parolles et contumelieuses. Mais ileut le courage tousjours constant, sans se perdre. Et d'un visageferme, alloit au contraire ramentevant à haute voix, l'honorable etglorieuse cause de sa mort, pour n'avoir voulu rendre son païsentre les mains d'un tyran : le menaçant d'une prochainepunition des dieux. Dionysius, lisant dans les yeux de la communede son armee, qu'au lieu de s'animer des bravades de cet ennemyvaincu, au mespris de leur chef, et de son triomphe : ellealloit s'amollissant par l'estonnement d'une si rare vertu, etmarchandoit de se mutiner, et mesmes d'arracher Phyton d'entre lesmains de ses sergens, feit cesser ce martyre : et à cachettesl'envoya noyer en la mer.
Certes c'est un subject merveilleusement vain, divers, etondoyant, que l'homme : il est malaisé d'y fonder jugementconstant et uniforrme. Voyla Pompeius qui pardonna à toute la villedes Mamertins, contre laquelle il estoit fort animé, enconsideration de la vertu et magnanimité du citoyen Zenon, qui sechargeoit seul de la faute publique, et ne requeroit autre graceque d'en porter seul la peine. Et l'hoste de Sylla, ayant usé en laville de Peruse de semblable vertu, n'y gaigna rien, ny pour soy,ny pour les autres.
Et directement contre mes premiers exemples, le plus hardy deshommes et si gratieux aux vaincus Alexandre, forçant apres beaucoupde grandes difficultez la ville de Gaza, rencontra Betis qui ycommandoit, de la valeur duquel il avoit, pendant ce siege, sentydes preuves merveilleuses, lors seul, abandonné des siens, sesarmes despecees, tout couvert de sang et de playes, combatantencores au milieu de plusieurs Macedoniens, qui le chamailloient detoutes parts : et luy dit, tout piqué d'une si chere victoire(car entre autres dommages, il avoit receu deux fresches blessuressur sa personne) Tu ne mourras pas comme tu as voulu, Betis :fais estat qu'il te faut souffrir toutes les sortes de tourmens quise pourront inventer contre un captif. L'autre, d'une mine nonseulement asseuree, mais rogue et altiere, se tint sans mot dire àces menaces. Lors Alexandre voyant l'obstination à se taire :A il flechy un genouil ? luy est-il eschappé quelque voixsuppliante ? Vrayement je vainqueray ce silence : et sije n'en puis arracher parole, j'en arracheray au moins dugemissement. Et tournant sa cholere en rage, commanda qu'on luyperçast les talons, et le fit ainsi trainer tout vif, deschirer etdesmembrer au cul d'une charrette.
Seroit-ce que la force de courage luy fust si naturelle etcommune, que pour ne l'admirer point, il la respectast moins ?ou qu'il l'estimast si proprement sienne, qu'en cette hauteur il nepeust souffrir de la veoir en un autre, sans le despit d'unepassion envieuse ? ou que l'impetuosité naturelle de sacholere fust incapable d'opposition

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