La représentation du massif vosgien
258 pages
Français

La représentation du massif vosgien , livre ebook

-

258 pages
Français

Description

À l'âge classique, les Vosges ne sont pour la plupart qu'un ailleurs répulsif, le monde de l'âpreté et de la laideur. Deux siècles plus tard, au temps du romantisme, la montagne vosgienne et ses habitants sont devenus objet d'étude et de passion. Entre 1670 - 1870 a lieu le basculement du discours et la conversion du regard à de nouveaux modèles d'appréciation. C'est donc une histoire des représentations que se sont faits les hommes du massif à différents moments qui est ici présentée au lecteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2013
Nombre de lectures 14
EAN13 9782336327709
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie-José Laperche-Fournel
La représentation du massif vosgien (16701870)
Entre réalité et imaginaire
LA REPRÉSENTATION DU MASSIF VOSGIEN
ȋͳ͸͹Ͳ-ͳͺ͹ͲȌ
Entre réalité et imaginaire
Marie-José Laperche-Fournel LA REPRÉSENTATION DU MASSIF VOSGIEN
(1670-1870)
Entre réalité et imaginaire
DU MÊME AUTEUR La Population du duché de Lorraine de 1580 à 1720, Nancy, PUN, 1985.
e L’Intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVII siècle, Paris, CTHS, 2006.
Scandale à la cour de Lunéville. L’affaire Alliot, 1751-1762,Nancy, PUN, 2008
Les Gens de finance au temps du duché de Lorraine, Nancy, Editions Place Stanislas, 2011.
Illustration de couverture :Le lac Noirdessiné et gravé par François Walter ; extrait desVues pittoresques de l'Alsacede F. Walter et de M. l'abbé Grandidier, Strasbourg, 1785 © Bibliothèque-Médiathèque de Nancy © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00540-9 EAN : 9782343005409
INTRODUCTION
Ecrire un livre sur les Vosges peut paraître une gageure tant la production sur le sujet est déjà pléthorique ! Il n’est de mois où ne paraisse un ouvrage nouveau. En 1796, François de Neufchâteau revendiquait pour les Vosges une place dans l’histoire, il semble avoir été depuis largement entendu. Pourtant, pendant longtemps, les montagnes en général et les Vosges en particulier n’ont guère intéressé l’historien. Selon Fernand Braudel, espaces périphériques « hors du temps du monde » restés en marge 1 des grands courants de civilisation, ces lieux n’ont pas d’histoire . e Néanmoins, dès le XIX siècle, le massif vosgien devient le terrain privilégié d’étude des géographes, des naturalistes ou bien des folkloristes qui étudient les rites, les fêtes et les légendes. Puis, avec le développement du tourisme, se multiplient les guides et les itinéraires et les historiens, à leur tour, s’intéressent à la montagne vosgienne. Mais le massif chevauche trois provinces – l’Alsace à l’est, la Lorraine à l’ouest et, dans une moindre 2 mesure, la Franche-Comté au sud – et sept départements ; de ce fait la 3 recherche est souvent fragmentée et les travaux juxtaposés , faisant perdre unité à cet ensemble fortement typé. Par-delà les frontières provinciales et 4 départementales, une même réalité existe de la Vasgovie , au nord, aux portes de Luxeuil et de Belfort, au sud. Faire œuvre de synthèse est donc un premier axe. Pourtant, là n’est pas l’essentiel. Ici, c’est une histoire des 5 représentations qu’on propose au lecteur : l’histoire de la construction, au fil du temps, du paysage « mental » des Vosges.
1  Voir à ce sujet L. FONTAINE, « Montagnes : représentations et appropriations »,Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 2005, p. 7. 2  Il s’agit des Vosges, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle, du Haut et du Bas-Rhin, du Territoire de Belfort et de la Haute-Saône. 3  Signalons toutefois l’existence depuis vingt et trente ans d’une association, d’une revue (Dialogues transvosgiens) et des « Rencontres d’histoire des Hautes-Vosges » dont l’objectif est de créer des liens entre les historiens des trois versants du massif et de faire des Vosges, une terre de dialogue. 4 La Vasgovie Wasgauen allemand – est le nom d’une région à cheval sur la frontière franco-allemande située dans les Vosges du Nord, en France, et dans le sud du Palatinat, en Allemagne. 5 R. CHARTIER,Au bord de la falaise. Paris, 1998, « Le monde comme représentation » p. 67-86. 7
Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques rappels s’avèrent toutefois nécessaires. Espace vécu, le paysage est également perçu et il n’est de perception sans représentation. Réalité – ce qui se voit – le paysage est aussi un imaginaire, une construction mentale. Voir n’est pas seulement recevoir mais c’est aussi interpréter le visible. Aussi le paysage est-il construit par le regard qui filtre la réalité, interprète les éléments du réel, les complète par d’autres issus de son imagination, de sa culture et de son temps. Le milieu montagnard étant un puissant moteur pour l’imaginaire, c’est cette construction du paysage vosgien par le regard d’autrui qui intéresse ici. Aventure passionnante car, comme l’écrit Havelange, « le regard est impur. Entre l’œil et le monde, il y a une perception médiatisée par autre chose que la seule et trompeuse évidence de l’apparaître » ; des médias qui, selon l’auteur, sont l’appareil sensoriel, le culturel et l’individuel c’est-à-dire la manière selon laquelle, en chacun, se construit l’expérience de 6 la perception . La lecture du paysage varie ainsi en fonction des individus, des groupes ; étant entendu qu’ici le mot « paysage » est pris au sens le plus large du terme, c’est à dire « un pays donné à voir » qu’il soit naturel ou humain ; le regard porté sur les populations montagnardes accompagne, en effet, celui que le voyageur pose sur la nature. A chacun sa montagne et à chacun ses Vosges. En fonction de leur appartenance sociale, de leur culture, de leurs modes de pensée, de leurs projets, de leurs croyances et de leurs émotions, les usagers et visiteurs du massif vosgien opèrent dans le paysage des sélections, éliminant une partie de la réalité mais procèdent aussi à quelques additions, ajoutant à leurs récits des aspects mémorisés ou 7 fantasmés . Visions divergentes et regards singuliers d’un objet identique ! 8 Socialement construit, le regard se modifie aussi au cours des siècles . En effet, chaque époque invente et institue ses propres modèles de perception et les représentations évoluent avec le temps. Les changements de la culture,
6 C. HAVELANGE,De l’œil au monde. Une histoire du regard au seuil de la modernité, Fayard, 1998, p. 14-27 et p. 373-375 et R. DEBRAY,Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident, Gallimard, 1992, p. 41-59, 149, 204 et 212. 7 E. MORIN,La Méthode, t. 3, « Anthropologie de la connaissance », Paris, Seuil, 1986, p. 106-107. 8 A. CORBIN,L’Homme dans le paysage, Paris, 2001, p. 9, 13-16, 53, 57 et F. CHENET (éd.), « Le paysage et ses grilles » dansPaysages ?Paysage ?, Actes du colloque de Cerisy-La-Salle, 7-14 septembre 1992, L’Harmattan, 1996, p. 29. 8
du goût et des pratiques sociales transforment les manières de voir et entraînent un renouvellement des lectures. Ainsi en est-il de la promotion, 9 au siècle des Lumières, de paysages tels que la montagne ou le rivage qui, jusque-là en Occident, ne suscitaient qu’indifférence, appréhension, voire répulsion. Quoi de commun, en effet, entre cette vision du site de l’abbaye de Murbach par le moine bénédictin dom Martène, à l’aube du dix-huitième, « un désert affreux, serré de tous côtés de hautes montagnes, qui n’a point d’autres charmes que ceux que l’amour de la pénitence inspire » et 10 la vision actuelle qui est celle d’« un cadre vallonné magnifique » . Entre temps, il y a eu le lent éveil d’une sensibilité, une mutation du regard, une autre lecture du paysage. C’est l’histoire de cette découverte qu’on se propose ici de retracer. Aussi les temps forts de l’étude se situent-ils entre les années 1670 et 1870. Car, pour saisir la genèse des lectures nouvelles, il faut auparavant restituer les représentations antérieures qui fondaient l’aversion, voire la e détestation. A la fin du XVII siècle, les Vosges sont encore une montagne maudite, une contrée répulsive ; plus tôt aussi sans doute mais avant, les témoignages sont rares et concernent surtout les villes, leurs monuments, les mœurs de leurs habitants. Le point d’aboutissement correspond aux années 1860 car dès le second Empire et surtout après 1870, les Vosges deviennent une terre de tourisme, un espace attractif. Entre ces deux périodes, la fin du dix-septième et les années 1860 a eu lieu le basculement du discours et la conversion du regard à de nouveaux modèles d’appréciation. Les Vosges se sont offertes à la contemplation.
9 Promotion du rivage magistralement étudiée par A. CORBIN,Le Territoire du vide : l’Occident et le désir de rivage (1750-1840), Paris, Aubier, 1988. 10  Dom E. MARTENE et dom U. DURAND,Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur,Paris, 1717, p. 138 ; en ligne,www. alsace-passion.com/murbach, consulté le 21 mars 2012. Au pied du Grand Ballon (celui de Guebwiller), l’abbaye bénédictine de Murbach est située en Alsace méridionale. 9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents