Années 1950 - Grandir en Mayenne
115 pages
Français

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Années 1950 - Grandir en Mayenne , livre ebook

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Description

Enfant du baby-boom, Arsène Maulavé naît en Mayenne alors que la seconde guerre mondiale vient juste de s’achever. Les privations sont encore nombreuses mais l’économie reprend, le niveau de vie s’améliore, ce sont les prémices des Trente Glorieuses. Le petit Arsène grandit dans un monde qui se transforme. Il regarde le futur avec excitation et curiosité, va au cinéma, écoute la radio, puis découvre la télévision. Dans son village, de nouvelles pratiques cohabitent avec des habitudes ancestrales. Alors qu’on achète la première machine à laver, que les toilettes remplacent petit à petit le pot de chambre ou que les tracteurs apparaissent timidement, les chevaux sont toujours dans les champs et les femmes vont encore au lavoir. L’auteur nous raconte sa vie de tous les jours : l’école, le catéchisme, les repas de famille interminables, les jeux avec les cousins ou les copains, les fêtes foraines, les bals musettes dans la chaleur de l’été… Il se souvient des premières balades en voiture, des Cœurs vaillants qu’il dévorait et des chansons qu’il fredonnait. Et, alors que le monde se lance à la conquête de l’espace, que les premiers spoutniks décollent, nous suivons l’envol du petit garçon dans cette Douce France que chantait Charles Trenet.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2015
Nombre de lectures 13
EAN13 9782813817044
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0027€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

e viLàge natal
Tout commence comme dans une chanson de François Béranger :« Je suis né dans un petit village/ Qui a un nom pas du tout commun/ Bien sûr entouré de bocages/ C’est le village de SaintMartin. »  Je suis né en 1947, dans l’immédiat aprèsguerre. J’habite Couptrain, un village de la Mayenne, perché sur une colline. Un véritable observatoire d’où l’on découvre un vaste horizon, avec des champs à perte de vue, une sorte de patchwork, comme dans le poème de Charles Ferdinand Ramuz :champs de trèfle et de luzerne/« Des roses et jaunes, dans les prés/ Par grands carrés mal arran gés. »à la campagne me permet de vadrouiller Grandir tout à loisir dans les chemins creux, les jours sans école. Ces chemins sont pour moi des endroits chargés de mys tère, de secrets. Je peux cueillir des noisettes, des mûres ou des baies sauvages selon la saison, tout en musardant et en baguenaudant. Quelquefois, le dimanche aprèsmidi, je me promène avec mon père qui me fabrique des sif flets avec des branches de sureau. C’est une sortie entre hommes, un moment de complicité privilégié. Dans mes jeux, une branche cassée devient la baguette d’une fée, une lance ou encore une épée. Il me suffit de la brandir pour faire surgir des armées à qui je donne des ordres. Je suis alors un général. Une baguette de bois peut devenir un fouet et, dès lors, je chevauche un cheval imaginaire. Qu’il refuse de m’obéir et me voilà au fond d’un fossé, les genoux écorchés.
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Longtemps, j’ai entendu les recommandations de ma mère :mange pas si vite, tu es comme ton père, tu« Ne vas t’abîmer l’estomac »,« Ne parle pas la bouche pleine », « Laisse parler les grandes personnes »,« Tienstoidroit »et de multiples consignes sur la politesse et la bienséance, du style :« Ne porte pas ta main à la bouche »,« Ne réclame pas deux fois du gâteau »,« Ne te jette pas sur la nourriture ». C’est ainsi qu’on grandit, entouré de recommandations de bien se couvrir, de bien se tenir partout et en toutes circonstances, de ne pas toucher à ceci et cela, surtout des engins dans la forêt, car la guerre n’est pas si loin et, chaque année, des accidents graves étaient provoqués parl'explosion d’obus et de grenades à peine enfouis dans le sol.  Nous passons les vacances à courir, à construire des cabanes ou des tentes couvertes de fougères, rentrant le soir les joues toutes rouges, plus ou moins essoufflés. On se fait parfois gronder quand on est trop sales ou s’il est un peu tard mais qu’importe on recommence le lendemain. Nos jouets, on les fabrique nousmêmes avec du bois, du carton, certains avec l’aide de leur père. On prend bien garde de ne pas les perdre.
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Protégées dans un album par une feuille transparente, ce sont de vieilles photos aux bords dentelés, si sou vent regardées, qui me permettent d’imaginer ma petite enfance. Je suis un bébé nourri au lait Guigoz, les cheveux ramenés en un joli toupet sur le sommet du crâne. Bien grassouillet, je ressemble à un sumo. Ma mère a accouché à la maison, avec l’aide du docteur du village.
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Je passe la première partie de ma vie dans un landau, qui fait également office de berceau, installé dans la cuisine la journée et près du lit de mes parents la nuit. Mes couches, taillées dans le tissu, sont changées six fois par jour. J’ai l’air tout à fait élégant, le haut recouvert d’une chemise en pilou et une autre en lainage et le bas enve loppé dans des langes de coton bien serrés. Autant dire que je ne peux pas trop gigoter dans mon landau sauf quand on me sort pour aller faire du quatre pattes sur une couverture à même le sol, entre les barreaux d’un parc en bois, d’où je découvre une infime portion du monde. Mes uniques jouets sont des hochets en Celluloïd.
Sur une photo, je me tiens sagement, la main gauche reposant sur une table sculptée, décor mis en scène par le photographe de l’époque. Déjà, je pose. J’ai environ 4 ans, le visage grassouillet, les cheveux frisés. J’ai l’air un peu boudiné dans cette belle chemisette blanche. Je porte aussi un nœud papillon et une culotte courte retenue par des bretelles.  Sur d’autres clichés pris par mon père, je suis souvent en compagnie de ma mère et de notre loulou de Poméranie que je tiens en laisse ou dans mes bras. Ma mère est belle, une attitude assez fière, presque altière, toujours élégante et bien mise. Là, j’ai grandi, je suis devenu lon giligne et j’ai bien besoin de m’étoffer. Je fais le fier aussi : sur une trottinette en bois, dans la cour de la ferme de mes grandsparents paternels, un espace où je peux m’ébattre librement.  Ces photos, c’est un peu ma préhistoire.
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Un petit ruisseau, un vieux clocher… Les maisons sont serrées autour de la vieille église, pas très loin du presby tère, une belle demeure avec un jardin verger. Un savant réseau de ruelles traverse le village, conduisant vers des maisons entourées de potagers ou de courettes, refermées sur leur mystère. Nous habitons dans le centre du bourg et, de ma chambre au premier étage, j’ai une vue sur le vaetvient des voitures. Sur les murs, du papier peint à fleurs et surtout un crucifix fleuri, accroché audessus de mon lit. Plus grand, j’ai un bureau pour faire mes devoirs ou lire tranquillement. Tous mes copains vivent dans les mêmes conditions, assez modestes, mais nous avons tous le nécessaire. Tout doit servir très longtemps : les vête ments, le plumier, les jouets en bois. Alors, on répare, on rafistole, on recoud et on conserve, on ne jette pas. Le journal sert à envelopper les épluchures, le crottin de cheval ramassé dans la rue sert d’engrais dans les jardins. On n’achète que rarement et seulement le strict nécessaire.  Nous nous déplaçons à pied. On va chercher l’eau dans des brocs à la pompe située sur la place, pas très loin du monument aux morts. J’aime me charger de cette tâche, une occasion comme une autre de croiser un voisin, de rencontrer un copain et de bavarder quelques instants. Pas de robinet, pas d’eau courante. Un beau jour, mais je suis déjà plus grand, on voit arriver des pelleteuses. Le bourg est traversé de part en part par des tranchées. Les tuyaux, enfoncés dans la terre, ne tardent pas à nous ame ner cette eau si précieuse pour tous les travaux ménagers et la cuisine. Un progrès qui va bien améliorer la vie quo tidienne mais qui va aussi provoquer, petit à petit, l’isole ment des gens. Quand on a le confort à la maison et tout ce qu’il faut sous la main, on a moins besoin des autres.  Mais on n’en est pas encore là, au cœur des années 1950. Il n’y a toujours pas de machine à laver dans la plupart des
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foyers, ni d’ustensiles ménagers et, en guise de waters, la cabane au fond du jardin… Quand il fait nuit et qu’on est enfant, de quoi se faire de belles frayeurs ! À la maison, c’est le fameux pot de chambre, qui a encore de beaux jours devant lui. Pas de baignoire, ni de douche. On se lave, le matin, en faisant une toilette de chat, dans une cuvette posée sur l’évier. Le samedi, c’est le grand bain dans une bassine installée à même le sol de la cuisine et remplie avec l’eau chauffée sur la cuisinière, mélangée à de l’eau froide. C’est un vrai délice de sentir l’eau ruis seler sur sa peau, un moment de plaisir que j’apprécie, comme d’enfiler ensuite des vêtements bien propres et fraîchement repassés. Les salles de bains sont rares, sauf dans les milieux aisés. Petit à petit, les marques de savon et de shampooing vont se multiplier et, indirectement, la réclame va nous inciter à faire un effort en matière d’hygiène !  Pour ce qui est du ménage, c’est à la main qu’il faut nettoyer, simplement équipés d’eau de Javel, de savon de Marseille ou de savon noir. Avec beaucoup d’huile de coude, les parquets brillent tout comme le pavé des cuisines !
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Les réchauds à gaz apparaissent, avec leurs deux
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