Chroniques gaillardes
88 pages
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Chroniques gaillardes , livre ebook

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Description

L’Histoire, celle qu’on dit grande, est truffée d’anecdotes surprenantes qui, souvent, expliquent à mots couverts le pourquoi et le comment des événements décisifs. Il est superflu de rappeler qu’au théâtre des Illustres Figures, les drames, comme les comédies, se jouent davantage en coulisse que sur scène. Les exemples ne manquent pas. Ainsi, sans l’inconstance de certaines belles endormies, la plupart de nos princes charmants n’auraient jamais cherché noise à leur entourage. De même sait-on qu’avant d’ensanglanter les champs de bataille, bien des guerres en dentelle furent déclarées au secret des alcôves royales. Mais les historiographes patentés ne sauraient se faire l’écho de ces turpitudes inavouables. Aux manigances d’antichambre, piteuses débandades et bassesses lamentables, ils préfèrent les hauts faits, les éclatantes victoires et les glorieuses postures. *Gérard Boutet*, lui, s’amuse des historiettes du temps jadis : elles l’invitent à musarder dans les siècles passés pour y chaparder, à la manière d’un voleur de pommes, quelques épisodes savoureux. Dans ce volume, le raconteur d’histoires prend un malin plaisir à croquer les fruits oubliés, plutôt qu’à ripailler au banquet de la galerie. Les protagonistes y perdent en munificence ce qu’ils gagnent en véridicité.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 décembre 2012
Nombre de lectures 71
EAN13 9782365729901
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UNE SOMBRE QUERELLE DE FAMILLE.

Nos ancêtres présumés — les Gaulois – connurent bien des vicissitudes en ces années quatre cents et quelque chose. À peine s’étaient-ils habitués aux conquérants romains qu’ils durent accueillir, ou plutôt supporter, d’autres occupants nettement moins reluisants. Là, vraiment, ils crurent que le ciel menaçait de leur tomber sur la tête, bien qu’ils fussent presque tous devenus chrétiens !
Mais au lieu des foudres célestes, c’est le feu des enfers qui s’abattit sur eux. Le diable lâcha ses démons sur la Gaule. Tout ce que la Germanie et son au-delà renfermaient d’envahisseurs déferla sur l’empire somnolent. On assista à une véritable ruée. Pire : à une curée.
Après le passage des hordes sanguinaires, il fallut se rendre à la triste évidence : les gallo-romains avaient fini par en perdre leur latin.

Les Huns à la une.
Nos contrées ligériennes ne furent pas épargnées. Il y défila successivement les Vandales, les Alains et les Huns, puis les Francs.
Les premiers ne s’attardèrent guère dans leur course vers le soleil. Ils prirent néanmoins le temps de saccager nos campagnes, puisqu’ils avaient une réputation à soutenir. Ce sont eux qui rasèrent, entre autres villas, le castrum de Magdunum (actuel Meung-sur-Loire).
Les seconds se montrèrent moins destructeurs. Ils s’implantèrent au nord de la Loire et, prévoyants, préférèrent la négociation à l’affrontement armé. Leur chef, Goar, monnaya ses services, plus ou moins bons et plus ou moins loyaux, au patrice Aétius. Ce dernier connaissait bien les Barbares, pour avoir vécu parmi eux dans son jeune âge. De la sorte, les pillards alains devinrent les auxiliaires des légionnaires romains. À en croire la légende, ils fondèrent les villages beaucerons d’Allaines et d’Allainville.
Les troisièmes, sous la conduite de l’impitoyable Attila, mirent le pays à dure épreuve au cours du printemps 451. Leurs devanciers, qui s’étaient vite installés dans le confort romanisé, les virent débouler d’un mauvais œil ; ce fut au point qu’ils envisagèrent de se liguer pour contrer les incursions hunniques.
Dans Orléans assiégé, l’évêque Anianus – le futur saint Aignan – prit sur lui d’amadouer celui qu’on surnommait le « fléau de Dieu ». Le courageux prélat se rendit sous la tente du khan ; il n’y entendit que moqueries et vexations. L’antéchrist n’accepterait de lever le bivouac qu’à la condition de percevoir une énorme rançon. De l’or, bien sûr, mais aussi des femmes, beaucoup de femmes, les plus belles de la cité, de celles qui agrémentent le repos du guerrier.
Le tribut à payer parut exorbitant. Les Orléanais se ressaisirent. Ils jurèrent de ne point capituler, tandis que leur évêque s’abîmait en prières. On saurait se défendre et se sacrifier dignement.
Au crépuscule, à l’instant même où les assaillants allaient emporter les remparts, un planton d’échauguette distingua un nuage de poussière qui s’élevait à l’horizon. On scruta plus attentivement le poudroiement. S’agissait-il d’une bagaude qui accourait en renfort des Asiates ? D’un parti de Mongols affriandés par les sonneries de l’hallali ? D’un contingent de déserteurs alains rallié au plus fort ?... Non point : c’était une légion romaine ! Une légion romaine qui rappliquait à la rescousse, sous le commandement du patrice Aétius en personne, grossie par plusieurs centuries de Goths marchant sous les ordres du roi Théodoric.
Le sort tournait. Les prédateurs, pris à revers, jugèrent prudent de ne point s’obstiner à prendre une ville qui, bien que gauloise, n’entendait rien aux gauloiseries. Ils se replièrent entre Troyes et Châlons, en une plaine dite « les Champs catalauniques », où leurs poursuivants les dispersèrent recta. Cent soixante mille de leurs cavaliers mordirent la poussière dans la débandade. Les rescapés déguerpirent en une pagaille indescriptible. Ils ne devaient jamais plus s’aventurer dans nos régions.
Attila se rabattit sur la vallée du Pô pour rentrer en Pannonie. Le cuisant échec, infligé devant Orléans, l’avait tellement ébranlé qu’il en dépérit. Ses détracteurs prétendaient qu’il n’avait pas d’âme ; il les contredit deux ans plus tard, en rendant la sienne. À l’heure fatidique, il n’avait toujours pas compris quelles extraordinaires qualités pouvaient motiver l’attachement que les Orléanais vouaient aux Orléanaises. Son lit de mort fut une couche nuptiale : il y expira sous les caresses d’une récente épousée, la blonde esclave Ildico, qui tentait de l’éclairer sur la transcendance des copulations consenties.

Un certain Chlodovechus.
Nos gens ne furent pas quittes pour autant. Voilà que le rapace Childéric, le fils de Mérovée, un Franc celui-là, donnait déjà du bec et des serres contre le pays.
Un teigneux, ce Childéric, dont il convenait de se méfier. Ses leudes n’étaient pas les derniers à lui reprocher d’insupportables goujateries. Plusieurs l’avaient même évincé pendant quelques années, sous le grief qu’il lorgnait de trop près les concubines de ses compagnons, pendant que ceux-ci jouaient de la francisque à son profit. Mais depuis, il avait repris du poil de la bête. En cette année 463, il bataillait hardiment sur les bords de la Loire. Tantôt contre les Saxons d’Odoacre, tantôt contre les Alamans, selon son humeur. C’est peut-être durant l’une de ses expéditions en nos parages que la reine Basine accoucha d’un fils qu’elle prénomma fort joliment Chlodovechus. Cela ne vous dit rien, bien entendu, puisque le drôle ne succèdera à son père, en 482, que sous le nom de Clovis.
Ledit Clovis n’avait qu’une quinzaine d’années lorsqu’il fut élu roi et promené sur le pavois, par trois fois, autour du campement. Malgré son jeune âge, il savait déjà ce qu’il voulait : s’emparer de la Gaule entière et la soumettre à son autorité. Nul ne pourrait l’en empêcher, surtout pas Syagrius, le dernier des généraux romains qui ne savait plus où donner du glaive pour préserver les provinces. L’affaire fut rondement réglée. Quatre ans plus tard, Syagrius paya sa défaite à Soissons par la trahison de ses alliés Wisigoths. Ceux-ci le livrèrent à son adversaire, lequel s’empressa de le mettre à mort. La ville de Soissons devint ainsi la capitale mérovingienne ; elle demeura célèbre après la péripétie du fameux vase brisé à coups de hache.
Pas plus que les Gaulois ne furent réellement nos lointains ancêtres, les Francs n’étaient pas vraiment francs. Je veux dire que la franchise ne constitua point le trait primordial de leur caractère. Des principes, Clovis n’en eut jamais qu’un seul : celui de parvenir à ses fins par n’importe quel moyen.
C’est dans cet unique dessein qu’il se convertit au christianisme. La transmutation s’opéra sur les instances de son épouse Clotilde, la nièce du roi burgonde Gondebaud, lors des combats de Tolbiac qu’il livra contre les Alamans. L’Église de la Gaule ne demandait pas mieux que de favoriser le fier Sicambre qui aurait la sagesse de s’appuyer sur elle. Rémi, l’évêque de Reims, subodorait que le vent de l’Histoire ne tarderait pas à virer. Entre gens d’intérêt commun, on finit toujours par s’entendre.

De Soissons à Orléans.
À dater de son baptême en 497, Clovis se plut à solliciter les conseils de l’épiscopat, sinon à les suivre scrupuleusement. L’un des religieux les plus influents fut certainement un prêtre de Verdun, Euspice, qui sut arracher la clémence du roi après que la ville se fut révoltée contre lui. Dès lors, ce bienheureux accompagna Clovis au gré des déplacements. Sa route aboutit en 508 dans les alentours orléanais, en une avancée broussailleuse qui marquait la confluence du Loiret et de la Loire. Il y fonda un monastère qui, grâce aux efforts de son neveu Maximin, deviendra la prospère abbaye de Micy.
Orléans fut l’une des villes où Clovis séjournait volontiers. D’abord, parce qu’elle l’avait reconnu roi sitôt son baptême ; ensuite, parce qu’elle présentait une importance stratégique à ne point négliger. Clovis en fit une place forte lorsqu’il décida de mettre au pas les Wisigoths d’Aquitaine. Cette fois encore, il consulta les abbés. Deodatus

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