La colonisation française des Seychelles
268 pages
Français

La colonisation française des Seychelles , livre ebook

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268 pages
Français

Description

Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'archipel des Seychelles a été découvert - ou plutôt redécouvert -, puis exploré et enfin un moment exploité pour ses richesses, avant que les colons français ne finissent par s'y installer. Les livres de bord de capitaines et les mémoires de fonctionnaires, le courrier administratif de l'époque, disent combien cette épopée ne s'est pas faite sans conflit ni douleur. C'est bien une société qui se construit, et au-delà une identité qui se forge.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2017
Nombre de lectures 9
EAN13 9782140034572
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gérard Buttoud
La colonisation française des Seychelles (1742-1811)
La colonisation française des Seychelles (1742-1811)
Gérard Buttoud
La colonisation française des Seychelles (1742-1811)
Du même auteur
Il s’appelait Poivre : un chasseur d’épices dans la mer des Indes (1750-1772),Paris, L’Harmattan, 2016.
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-11893-2 EAN : 9782343118932
L’Eden, mais à quel prix ?
En ce temps-là, il existait encore des îles vierges. Habitées, elles ne l’étaient point, de même qu’elles ne l’avaient semble-t-il jamais été. Des îles dont longtemps on n’avait même pas soupçonné l’existence. C’était l’époque où l’on n’avait pas de vraies cartes de la mer. Puis vinrent de grands trois-mâts qui d’abord tournaient autour et méfiants s’en allaient. Certains, effilés et rapides, n’arboraient aucun pavillon, d’autres plus imposants, tous ventrus et dorés, les bannières de pays ou de compagnies lointaines. Les richesses que les derniers transportaient attiraient la convoitise des premiers dont ils étaient parfois la proie. Mais sur les îles, personne ne mettait réellement le pied, sauf à venir à l’aiguade ou prendre les tortues dont tous ces gens raffolaient. C’était le temps des débuts du commerce maritime, de la route aux Indes et à la Chine, courue d’aventuriers découvrant un monde alors inconnu. Au fil du temps et au hasard des accostages, les cartes se faisaient plus précises et aussi plus justes, ne serait-ce que pour que les bateaux ne viennent pas se rompre sur les récifs. Car sur ces îles désertes plantées au milieu de rien, on cherchait surtout à ne pas s’y échouer. Même si elles ressemblaient, de près comme de loin, au paradis. Il eut été étonnant que d’aucuns ne se soient pas demandés ce qu’on en pourrait tirer. Qu’il s’agisse des tortues, des bois de marine, ou encore des lataniers-portant-coton (comme on désignait alors les cocotiers-de-mer actuels), peut-être même quelque métal précieux 7
qu’on serait le premier à découvrir donc à valoriser, il devait bien y avoir de l’argent à se faire ici comme ailleurs, peut-être même plus qu’ailleurs. Mais c’était loin, et sans doute risqué. Un jour, d’autres qui ne savaient pas où se poser ou qui en fuyaient d’autres encore, s’y sont établis. Peu d’abord ont survécu. Pas le bon endroit sans doute, ni peut-être le bon moment. Tu n’as pas toujours le choix. La plupart, sinon tous, sont repartis. Mais de nouveaux venus sont arrivés, en même temps que certains d’entre les premiers repartis revenaient. Des « établissements », faits de palmes, de planches puis de pierre, sont restés, reconstruits après chaque gros vent. Alentours la nature était défrichée. Ces gens venaient avec le riz, le maïs et les chèvres, sans parler des rats et des mouches. Ils y amenaient aussi les esclaves (et du coup aussi l’esclavage), car il fallait bien se nourrir, et, comme ils étaient de plus en plus nombreux, travailler la terre. Bon an mal an, ces Robinsons étendaient leurs cultures et étaient rejoints par d’autres. Une colonie s’établissait. Une société se formait.
Cette histoire, au demeurant banale, est celle, décrite ici, de l’arrivée des premiers Français sur les îles formant ce qu’on appelle aujourd’hui les Seychelles. Car ce sont bien ces Français-là qui en ont été les premiers occupants. Quand on y pense aujourd’hui dans l’embouteillage de Victoria ou sur la plage de Beauvallon, on a quelques difficultés à se représenter comment tout ça s’est passé. Car si les images des livres d’histoire montrent des officiers de Louis XV en uniformes rutilants venant en bon ordre prendre possession d’îles désertes et idylliques, la réalité apparaît quelque peu différente. Pour débarquer à l’époque avec famille et bagages sur ce qui est devenu plus tard l’île de Mahé, il fallait vraiment ne pas avoir d’autre terre où poser ses pieds. C’est dire que les
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Séchelles, comme on l’écrivait alors le plus souvent, ont d’abord été peuplées de pauvres hères, véritable lie du peuple, refoulés ici par leurs voisins des îles de France et de Bourbon (aujourd’hui respectivement Maurice et la Réunion) qui eux-mêmes, pour la plupart d’entre eux en tout cas, se mouchaient déjà du coude. Certains se sont mis au travail, et ont construit à force de sueur et au prix de privations répétées, une agriculture un tant soit peu durable, comme on dirait aujourd’hui. D’autres ont pensé qu’il n’était peut-être pas nécessaire de trop se retrousser les manches, installés qu’ils étaient au milieu d’une nature tellement riche qu’elle devait bien tout fournir, et même le reste. D’autres enfin, qu’ils eussent réussi ou au contraire échoué, trouvèrent leur voie en volant les premiers, et parfois même les seconds. Une société, on vous dit. C’est donc l’histoire de cette société, alors en formation, que cet ouvrage se propose de retracer. Comment des Français, dont certains étaient nés à près de quatre mille lieues de là, et dont la plupart vivaient sur des îles de la mer des Indes où ils pouvaient déjà disposer de l’indispensable et même du nécessaire, ont pu un jour choisir ou accepter de s’installer sur un archipel désert auquel, depuis deux siècles au moins, personne au monde n’avait trouvé d’intérêt ? Ont-ils d’ailleurs réellement choisi ? Et choisi quoi, au juste ? Dans cette affaire, qui a décidé de quoi et pourquoi ? Pourquoi à de nombreux moments, a-t-on pu faire un pas en avant et deux en arrière ? Pourquoi l’installation de cette colonie a pu prendre tout ce temps, étalé qu’il fut sur près de 70 ans, quand ce ne serait pas plus ? Quelle part y a pris d’un côté l’Etat, en s’attachant à contrôler les allées et venues des colons et à réguler les pratiques, et de l’autre les privés, fussent-ils
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