Les Mhadja d El Gaada et leur identité face au colonialisme français
158 pages
Français

Les Mhadja d'El Gaada et leur identité face au colonialisme français , livre ebook

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Description

Cette étude anthropologique a été réalisée à partir d'articles, d'ouvrages, d'observations de terrain, de documents administratifs inédits, d'études et de guides de l'époque coloniale, de récits de vie et de témoignages. Elle tente de cerner l'identité des Mahdja d'El Gaada (Plateau Tellien à 50 km au sud-est d'Oran) à travers leurs itinéraires, oeuvres et actions pour la défense de l'identité islamique contre le colonialisme français dans les domaines politiques et militaires et contre le charlatanisme dans les domaines religieux.

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Date de parution 01 septembre 2014
Nombre de lectures 119
EAN13 9782336356808
Langue Français
Poids de l'ouvrage 14 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MokhtarLAKEHAL
LES MHADJAD’EL GAADAE T L E U R I D E N T I T ÉFACE AU COLONIALISME FRANÇAIS
18301962
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Les Mh adja d’El Gaada et leur iden tité face au colon ialism e fran çais 18 30 -1962
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Mokh tar Lakeh al
Les Mh adja d’El Gaada et leur iden tité face au colon ialism e fran çais 18 30 -1962
Douars et localités, repères historiques, origine ethnique, période coloniale, personnalités, martyrs de la Révolution, h arka et biya’a(collaborateurs du colonialisme)
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En hommage aux 105 Martyrs(Chouhada) inoubliables, et aux nombreux résistants survivants (Moudjahidine et Moussebiline)d’El Gaada qui, avec tous les résistants survivants et martyrs d’Algérie, m’ont rendu ma liberté et ma dignité d’Arabe musulman, ma fierté de Mhadji, par leur sacrifice durant la Guerre d’Algérie (1954-1962) En hommage à tous les Mhadja qui savent rendre les hommages ; ont la noblesse du cœur, de qui l’esprit et du portefeuille ; qui ont été instruits par le verset 18 de la sourate 31.Luqmān« : Ne détourne pas ton visage des hommes, arrogance… Dieu n’aime pas les et ne foule pas la terre avec hautains et vaniteux» ;  qui se sont rappelés duhadithrapporté par Muslim : «Aucune personne ayant au cœur le poids d’un grain de sable d’orgueil n’entrera au paradis», et de celui rapporté par El Boukhari : «N’apprenez pas le savoir afin d’être admirés des savants, de discuter avec les sots ou de faire partie des meilleures assemblées» ; ont lutté, toute leur vie,enfin qui  et contre l’orgueil, ce péché de «s’ap prouver soimême» et de «refuser de s’accepter». «connaissanceJ'ai enfin pu prendre trop rapidement bien sûrde l'ouvrage que vous avez réalisé ! Quel travail ! Que de documents rassemblés, d'assertions discutées et vérifiées, de faits contestés, établis ou rectifiés ! C'est un immense effort, mené dans la recherche de la vérité, avec compétence, âme et raison,foi et méthode, esprit critique et conviction... Toutes mesfélicitations»(M.B.). Message reçu le 8 décembre 2012, de lapart de l’un de mes anciensprofesseurs d’Université, Michel Beaud, ancienprofesseur de l’Université Paris VII-Diderot et de l’Université Paris VIII-Vincennes, co-fondateur et ancienprésident du GEMDEV(Groupement d’intérêt scientifique fédérant des équipes travaillant sur l’économie mondiale, le tiers monde et le développement), auteur e de nombreux ouvrages dontHistoire du capitalisme15001980,Seuil, 1981 (6 éd.15002010, Seuil, 2010). Illustration s in térieures : © N. Lakeh al © L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris h ttp:/ / www.h arm attan .fr diffu sion .h arm attan @wan adoo.fr ISBN : 978 -2-343-0 3768 -4 EAN : 978 23430 3768 4
1. Six raisons sont à l’origine de cette recherche
El Gaada est un site géographique situé sur le plateau tellien, une commune dont la bordure est à 40 km sud-est de la ville d’Oran (Algérie), sur une altitude de 580 mètres. Ce plateau est occupé par une grande tribu appelée les Mhadja (composée de nombreuses familles reconstituées en tribus) et des familles installées récemment ou de longue date qui cohabitent avec Mhadja et qu’on appelle communément les ‘ouchère(cohabitants). Cette étude anthropologique a été réalisée entre 2010 et 2014 à partir d’articles, d’ouvrages, d’observations sur le terrain, de documents inédits, d’études et de guides de l’époque coloniale, de récits de vie et de témoignages consignés par écrit.Sa principale problématique est de cerner l’identité de Mhadja, à travers leurs itinéraires, œuvres et actions pour l’Islam et la défense de laOumma(communauté musulmane) contre le colonialisme (1830-1962) dans les domaines politiques et militaires et contre le charlatanisme religieux fort répandu.
Ahmed Zabana(1926-1956)est un révolutionnaire originaire du douar El Ksar, commune de Saint-Lucien (devenue Zahana) dont faisait partie El Gaada jusqu’en 1957 avant la fin des communes mixtes. Quand j’ai consulté la page «discussion» de l’article Wikipedia qui lui est consacré, j’ai découvert que cinquante ans après la fin de la Guerre d’Algérie (1954-1962), certains partisans de l’Algérie française tentent de réécrire l’Histoire coloniale avec leurs ressentiments. La Guerre d’Algérie fut considérée à tort comme des «Evénements d’Algérie» et les nationalistes algériens qui ont pris les armes, comme des «rebelles» (fellagas). Cette incongruité restera jusqu’à l'adoption, par le Parlement français, de laloi18 octobre 1999 qui consacre la du reconnaissancede « légale LaGuerre d'Algérie ». Dans cette prise de position de nostalgique de l’ordre colonial, ce résistant anticolonial guillotiné le 19 juin 1956 (le premier de la Guerre d’Algérie) est traité de «criminel de guerre» alors qu’officiellement jusqu'à laloidu 18 octobre 1999, il n’y avait pas de guerre d’Algérie mais des «Evénements d’Algérie». Décidément, le journaliste français,Jean-François Kahn, co-fondateur de l’hebdomadaire françaisMarianne, avait bien raison de nous avertir : «En France, il y a un camp pour lequel l’Algérie est toujours un ennemi» (Entretien accordé au quotidien algérienEl Watan, le 21 décembre 2010). Heureusement que sur la Toile on trouve d’autres sources d’information bien plus objectives et sereines. Mais malheureusement dans la «blogosphère», l’Algérien doit tempérer son enthousiasme, parce que rien n’empêche des internautes non avertis de croire que plus une information est reprise par plusieurs sites et blogs, plus elle serait vraisemblable. Je l’ai constaté moi-même à propos de Mhadja, où le mythe côtoie la réalité, la légende et la fable tiennent lieu de leçon d’histoire, les erreurs et mensonges se substituent honteusement à la vérité (cf. annexes 1 et 2). 1)Des informations totalement erronées sur El Gaada et Mhadja circulent sur la Toileà cause du système du «copier-coller» dont usent et abusent certains internautes paresseux, naïfs ou mal intentionnés. Dans soixante-cinq sites consultés (cf. annexe 1, p. 79), j’ai retrouvé les mêmes mythes, fables, légendes, approximations, erreurs, propagandes familiales, etc.2) Trop de légendes et fablesauxquelles il faudra mettre définitivement un terme sont colportées par des Mhadjis eux-mêmes, de l’ancienne comme de la nouvelle génération, peu instruits sur les sujets qu’ils traitent. La circulation d’un document scientifique sur cette région et sa population (et non des livres à compte d’auteur pour faire rehausser le prestige de sa propre tribu) tardait à venir, alors que les Mhadja diplômés des Universités et grandes écoles d’Algérie ou de l’étranger ne cessent de croître depuis l’Indépendance (1962).3) Certains Mhadja veulent absolument se distinguer par le seul fait de croire qu’ils sont «nobles»sans connaître la signification religieuse exacte du terme «noble»–, alors que leurs ancêtres pétris d’humilité ont été respectés par laOumma (communauté musulmane) parce qu’ils la servaient et la respectaient. LeProphètel’Islam et Messager d’Allah (ç) avait dit : « de le serviteur des hommes est leur seigneur» (مΩΎخسΎϨاΪ). Et cette communauté a fini par reconnaître en eux les marques d’abnégation, de générosité et de vertu, par lesquelles, entre autres, les hommes et les femmes respectables méritent respect.4) D’autres croient qu’il suffit de faire l’effort de naître pour s’affirmermembre de l’élite (el khassa) et exiger du commun (el a’ama) une redevance quotidiennement acquittée en hommages, déférences et révérences.5) Alors que nombre de jeunes
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Mhadja, notamment parmi les citadins et les enfants d’émigrés, ne connaissent riensur El Gaada, son histoire, ses populations, et ses élites qui ont toujours répondu «présent! » pour lutter contre l’occupant étranger (Espagnol, Français, Marocain, Turc) et le charlatan (zendiq) venus en Algérie imposer leur présence, leur culture et leurs lois.6) L’absence de chroniques écrites a fait que beaucoup d’événementsheureux et malheureux, impliquant certaines personnes ou leur famille,sont soit méconnus, soit occultés et doivent impérativement être inculqués à l’ignorant et rappelés à l’amnésique.
Cette étude vise trois objectifs principaux à propos de Mhadja d’El Gaada qui ne sont ni des mystiques, ni des aristocrates, ni des bourgeois.travail de recherche répond à des Tout nécessités ou besoins. Que voulais-je assouvir comme désir, satisfaire comme besoin, prouver comme nécessité au moment où j’ai décidé de mener cette étude, pour laquelle aucune autorité morale ou institution scientifique ne m’a financé ou mandaté pour la réaliser ? Tout simplement rappeler les contours de l’identité de ces familles Mhadja installées sur ce plateau de l’Atlas tellien appelé «Plateau de Maadja[2] et «» par l’occupant français Ar(terre de Mhadja) par les Mhadja » ancêtres, mais dont certains se sont établis dans les villes algériennes et d’autres à l’étranger. Ces Mhadja occupent également d’autres sites de l’Ouest algérien, depuis que les nombreux événements liés aux guerres les y ont contraints. 1)Le premier objectif est de faire sortir de l’ignoranceceux qui ne connaissent ni la région ni ses populations mais sont portés par la curiosité à consulter des sites, des blogs, des articles ou des ouvrages publiés à compte d’auteur, et surtout ceux qui continuent à colporter légendes, fables, mythes et clichés sur Mhadja. 2)Le second objectif est de faire sortir de l’erreurceux qui ont une connaissance déformée d’El Gaada et de Mhadja, à force de répétition de légendes persistantes. «; il n’y pas d’innocenceL’erreur est quelque chose d’extrêmement élaboré dans l’erreur, sauf quand elle devient le concept d’un calcul, le calcul de l’erreur», disaitGaston Bachelard,cité parM.A. Sinaceur,L’Islam, la philosophie et les sciences, Les Presses de l’Unesco, Paris, 1981, p. 160. 3)Le troisième objectif est de suggérer des pistes de recherchesjeunes aux universitaires qui s’intéressent à El Gaada et Mhadja ou aux caractéristiques tribales de la noblesse arabe.
Bien avant l’Indépendance de l’Algérie, dans les sphères révolutionnaires, les dirigeants politiques algériens avaient décidé, à la place de toutes les familles, que désormais toute l’Algérie devra former une nation de prolétaires-révolutionnaires. Il faut lire attentivement le contenu de l’Appel er du 1 Novembre 1954 (annexe 4, p. 90) et le comparer aux motivations del’Emir Abdelkader(annexe 3, p. 89) et de tous ceux qui l’ont rejoint dans sa lutte contre l’occupant français. Dès l’Indépendance, il était question de débouter hors des pouvoirs et si possible hors du territoire, le «bourgeois» et «l’aristocrate» exploiteurs. Et il n’était pas bon d’être unchrif(noble)au milieu du prolétariat! Dès lors, chaque famille devait impérativement se contenter du contenu des manuels d’histoire et de géographie du Ministère de l’Education Nationale de la République Algérienne Démocratique et Populaire, conçus par des intellectuels organiques gagés, sous l’œil vigilant de l’imprimatur et strictement soumis aux ordres de l’Etat-employeur. Dans ce cadre juridico-institutionnel rigide, chercher ses origines apparaissait aux tenants du pouvoir politique (FLN) comme une tentative de diviser le peuple algérien en classes sociales antagonistes. Le premier président, AhmedBen Bella, voulait «faire fondre la graisse aux bourgeois» pour qu’ils aient, comme tout le monde, l’apparence du prolétaire à envoyer au «charbon». L’interdiction de s’interroger sur son identité ne pouvait faire disparaître, chez un peuple, une région, une tribu, une famille, un individu, le besoin légitime de connaître sa vraie identité. Le peuple s’est retrouvé divisé en deux. D’abord les familles de l’élite lettrée (el khaasa) qui avaient les moyens intellectuels d’entretenir une double culture, celle qu’elles montrent à la société pour être en paix avec les autorités policières, et celle qu’elles ne montrent guère mais entretiennent pour éviter aux enfants de perdre trace des ancêtres. Ensuite les familles du peuple (el ‘amma) qui ont confié toute l’éducation de leurs enfants à l’Ecole fondamentale algérienne pour leur donner «la vraie» identité d’Algérien, entièrement remodelée par des intellectuels organiques fonctionnaires de l’Etat. En 1976, la promulgation de l’ordonnance portant création de «l’Ecole fondamentale» à 9 ans d’études (obligatoire de 6 à 15 ans) a constitué une rupture nette avec le système scolaire hérité de l’époque coloniale. Les dirigeants voulaient absolument (ré)arabiser toute l’administration. Dans toute nation avec Etat de droit, ditRaymond
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Aron, «on discerne deux modes d’intervention (des intellectuels) : les uns agissent (ou prétendent agir) en clercs à seule fin de défendre des valeurs sacrées ; les autres adhèrent à un parti et acceptent les servitudes qu’entraîne cette adhésion.» (Les Étapes de la pensée sociologique). Ce sont ces derniers qu’on appelle les «intellectuels organiques».
Dans le domaine de l’identité, la rupture est factice.France a tenté d’imposer aux La Algériens une identité d’indigènes pacifiés jusqu’en 1881. L’Etat impérialiste voulait coloniser l’Algérie «par l’épée et la charrue» (Bugeaud, 29 décembre 1840) et par les «enfumades», initiées parCavaignac, précurseur moderne du prix Nobel de chimie (1918), le Juif allemand d’origine polonaise,Fritz Haber (1868-1934), l’inventeur du gaz moutarde et du Zyklon B qui détruira des millions de ses coreligionnaires prisonniers d’Hitler. La doctrine des «enfumades», comme réponse à la résistance, sera poursuivie avec méthode par leMaréchal Bugeaud qui déclara le 11 juin 1845 : «enfumez-les à outrance comme des renards» en parlant des populations civiles du Chlef réfugiées dans les grottes deOuled Riahpour échapper aux razzias des soldats français. A ce propos, il faudra lire la note sur ce que préconisaitAlexis de Tocqueville(c), page 76). Puis l’Etat vigneron a (note tenté d’imposer aux Algériens une identité de sujets français (Code de l’indigénat du28 juin 1881)jusqu’en 1944. Ensuite, l’Etat et la société française humiliés par l’occupchassé par lesant nazi – libérateurs dont faisaient partie les tirailleurs musulmans venus des colonies d’Afrique du Nord et d’Afrique noire –, a refusé d’accorder aux Algériens l’Indépendance demandée par les manifestants du 8 mai 1945. Il opta pour la violence : 45 000 musulmans tués selon les Algériens, 1 500 morts seulement selon l’Etat français, 8 000 à 20 000 morts selon les historiens. Le film algérien« Hors la loi » (2010) deRachid Bouchareb, avecJamel Debbouze,Roschdy ZemetSami Bouajila qui relate ce massacre, mobilisa toute la famille «Algérie française» qui ne voulait pas d’histoire avec sa conscience et pensait lui faire connaître le même sort que« La Bataille d’Alger »(1966), le film italo-algérien deGillo Pontecorvo(1919-2006), qui a subi l’ostracisme des propriétaires de salles de cinéma et des directeurs de programmes des chaines françaises de télévision. Puis ce fut le statut de l’indigène «Non-Citoyen» (cf. carte d’électeur, page 110) avant d’instaurer celui de l’indigène devenu Français de seconde classe, jusqu’au 5 juillet 1962. Entre temps, subjugué par la révolte armée des Algériens (1954-1962), l’Etat colonial qualifia de «Fellagas» («coupeurs de routes») tous ceux et celles qui se sont rebellés contre la nationalité française sans droits et la présence coloniale en Algérie et en Tunisie. Et finalement, au lieu de s’interroger sur la véritable identité des Algériens sortis de 132 années de processus contradictoire d’assimilation totale et de marginalisation, l’Etat algérien a imposé à tous l’identité de la nation-prolétaire-révolutionnaire arabe imaginée par ses intellectuels organiques dans les salons tunisiens et égyptiens pendant toute la Révolution (1954-1962). Dans L’émancipation contrariée du MaghrebParis, octobre 2009), j’ai tenté de montrer les (L’Harmattan, difficultés qui empêchent les Maghrébins de s’émanciper du modèle occidental actuel. Mais aujourd’hui les observateurs de l’Algérie constatent que la lutte des classes, réintroduite par le libéralisme économique rampant, se conjugue àune lutte entre certains groupes sociaux pour retrouver un prestige d’antan, revendiquer des privilèges ou légitimer des positions dominantesnouvellement acquisesdans la société. Ainsi, tous ceux qui croient avoir «sept ancêtres prestigieux» seb’a jdoud») se réveillent un beau matin pour se mettre en ordre de marche à la recherche d’origines glorieuses. Mais dans cette lutte, si les uns sont poussés par des motifs de la simple curiosité du généalogiste amateur cherchant à connaître ses origines, d’autres espèrent vraiment parvenir à trouver ce qui les fera passer pour des descendants d’une lignée prestigieuse, voire à bricoler cette «preuve» (cf. arbre généalogique, pages 106-109). Car ceux qui avaient su préserver leur identité ont veillé à la bonne transmission orale, voire à noter par écrit ce que chaque génération a connu, réalisé et obtenu de son époque, sans éviter le plus grave des problèmes dans tout processus de transmission de la mémoire. Les confusions regrettables entre mythes, fables, légendes et réalités faciles à démêler pour un scientifique mais difficile à admettre pour des individus davantage marqués par les fables, légendes et mythes ayant cours dans leurs famille et tribu que par les découvertes historiques, les fouilles archéologiques, le contenu des documents d’archives et les fondements de la Foi islamique et la vérité scientifique, voire par la simple logique. Mais dans cette Algérie qui inaugure pour la première fois de son histoire une phase d’abondance et de consommation de masse, ce sont les parvenus qui sont redoutables. Face à ces gens vindicatifs, gare aux vilains et aux gueux qui
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oseraient se montrer sans baisser les yeux, devant ces prétendants à la seigneurie, à ceux qui nous disent être les descendants de seigneurs («ouled sid ou houb lid ») dont on doit croire qu’en leur temps, le menu peuple se faisait un honneur de leur baiser la main. Rappel : «le serviteur des hommes est leur seigneur», avait dit leProphète de l’Islam et Messager d’Allah (ç). Et les mains du «serviteur des hommes» sont toujours dans le cambouis ou occupées à la tâche pour un meilleur avenir de la communauté. Ainsi,le Mhadji ne saurait être un aristocrate porteur d’une robe en soie (‘abaya)qui se fait servir et prétend être le meilleur de sa communauté,ni un bourgeois dont Victor Hugo disait très justement que «c’est l’homme qui maintenant a le temps de s’asseoir. Une chaise n’est pas une caste» (cité parAlain Gélédan,Dictionnaire des idées politiques,éd. Sirey, Paris). Lire aussi la définition sans concession de la bourgeoisie donnée parFrederick EngelsetKarl Marx, note (b), page 76. Au départ de toute cette démarche ce fut la découverte de l’article surprenant sur El Gaada dans Wikipedia. Et de découverte en découverte, j’ai constaté l’énormité des dégâts provoqués par l’ignorance et/ou la désinformation sur El Gaada et Mhadja (cf. annexe 1, p. 79). Alors j’ai tenté de faire cette étude documentée pour aider celles et ceux qui veulent connaître cette région, sa population, sa géographie et son histoire. Après ce Préliminaire, la recherche commence par un exposé sur la situation géographique d’El Gaada-Aïn Farsuivi d’un bref historique (III), avec présentation (II), distincte de la période coloniale (IV). J’ai évoqué également les familles révolutionnaires, dont la familleBoudadi Madaniet ses cinq fils,la familleLakehal Bouhadi Amar,la familleMahi-Bahi-Amar(l’un de ses membres, le sénateurSi Abdelhamid, fut résistant (officier de l’ALN durant la guerre d’Algérie) et ministre démissionnaire de la Justice sous le gouvernementBelaïd Abdeslem), et d’autres familles dont il faut rappeler les fonctions, engagements militants et sacrifices (V), avant d’égrener la liste des 105 martyrs (moudjahidine etmoussebiline) de la Révolution algérienne originaires de ce plateau tellien et surtout leur état d’esprit à l’époque (VI). Malheureusement, le revers de la médaille n’est pas reluisant. Comme toutes les régions d’Algérie et comme à toutes les époques, l’histoire d’El Gaada de 1954-1962 porte une tache indélébile. La cacher est à la fois malhonnête et contraire à l’objectivité, mais chercher à la nettoyer ne fera que grossir son auréole. Il s’agit des hommes uniquement (mais aucune femme) qui ont collaboré en civil (biya’a) ou en tenue (harka) dont j’ai cherché à découvrir les vraies origines tribales et les motivations de leur trahison (VII). En Annexe 1, p. 79, j’ai également signalé aux lecteurs les soixante-cinq sites et blogs que j’ai visités et qui contiennent des informations fantaisistes, infondées, sans parler des légendes, fables, mythes, mensonges, exagérations et faux témoignages sur Mhadja, El Gaada et leschorfa (noblesse arabe). J’ai inséré 26 annexes, dont l’extrait concernant Aïn Far(El Gaada) et Saint Lucien (Zahana) (annexe 2, p. 82) du très long récit posté sur la Toile le 8/1/2011, par un parachutiste français sous le nom deFredy, affecté à Aïn Far(El Gaada) de 1960 à 1962. Ce travail de rationalisation des connaissances sur Mhadja d’El Gaada a débuté en novembre 2010. Je pense qu’ilaura servi à «séparer le bon grain de l’ivraie», car l’ivraie est bien une graminée sauvage et nuisible qui provoque une forme d'ivresse à ceux qui la consomment.Il constitue également une ébauche sur la sociologie et l’histoire d’un site, sa géographie, sa population, ses élites et leurs contributions à la bonne direction de la Oumma(communauté musulmane). Il est ouvert à la discussion pour son amendement et son enrichissement. Ses sources (voir références pages 73-77 et annexes) sont des ouvrages, des témoignages et récits individuels consignés, des guides et documents administratifs inédits, des informations fiables recueillies auprès des familles, relatives à des personnes, faits et évènements produits à El Gaada ou concernant sa population, son histoire, ses fouqaha, élites,moudjahidine, moussebiline et martyrs. J’espère qu’il contribuera à apaiser les inquiétudes des Algériennes et des Algériens qui ne supportent plus la nouvelle forme de propagande tribale éhontée qu’on retrouve dans ces blogs, sites, articles et surtout ces livres à compte d’auteur qui ont commencé à circuler dans l’Oranie depuis 1966, et dont les auteurs n’ont qu’une seule préoccupation : forcer l’estime des Algériennes et des Algériens qu’ils croient à tort être les inférieurs naturels de leur tribu déclaréechorfa(la noblesse) contre les quatre vérités flagrantes (archéologique, biologique, coranique et historique).
2. Eléments de géographie
1. Entrée est de la ville d’El Gaada, par la route départementale (wil.) n° 98, en provenance de la ville de Sfizef (ex-Mercier Lacombe). A droite, c’est le quartier Le Regroupement (Gromma), construit en 1959 pour accueillir d’abord les Ouled Sidi Amar contraints par l’armée française de quitter leur douar, suite à un accrochage militaire avec lesdjounoudde l’ALN, et de vivre dans un premier temps sous des tentes avant de commencer à construire des maisons avec cour (hwaach) sur des lots de même dimension et des écuries communes situées à l’extérieur du Regroupement, avec interdiction ordonnée par les autorités de faire entrer le bétail dans ce nouveau quartier. A gauche on voit le collège d’enseignement général, appelé CEM en Algérie (Collège d’enseignement moyen). A quelques centaines de mètres, donnant sur la place principale, commence la belle entrée de la fermeLouis Bedelbordée de palmiers (datant des années 30) (Photo. N. Lakehal, 6-2013).
Entre 1884 et 2009, la commune d’El Gaada est passée de 2 839 à 4 336 habitants et de 8 498 ha à 5 000 ha. «Cette commune mixte était comprise dans l'arrondissement d'Oran, et lors de la dissolution des communes-mixtes, le douar-commune d'El Gaada est érigé en commune de plein exercice en 1957 sous le nom d'Aïn-Affeurd.» [1]. De trois départements sous la colonisation (Alger, Oran, Constantine), l’Algérie est passée à quarante-huit (48 wilayas), avec plusieurs redécoupages territoriaux pour les communes. Jusqu’en 1954 cette commune était constituée seulement d’une petite bourgade, Aïn Far, d’une trentaine de familles, deux tiers de musulmans et un tiers d’Européens, et d’un grand nombre de petits hameaux, appelésdouarsarabe. en La politique coloniale de regroupement des villageois au centre de la commune (Aïn Far) afin d’isoler le FLN de sa base de ravitaillement, s’est faite par la construction de deux quartiers:. L’un au Sud, en 1957 construction du S.A.S (Sections administratives spécialisées dans la propagande et le renseignement), appelé LASAS, pour héberger uniquement des familles deharkis. L’autre à l’Est, en 1959, appelé «Le Regroupement» (Gromma), pour les Ouled Sidi Amar déplacés et installés sous des tentes après un accrochage militaire et les Bradid qui avaient trouvé refuge chez eux avant qu’ils ne soient déplacés.
«El Gaada» signifie en arabe «le plateau», dans le sens de partie haute et plate d’un territoire. Ce n’est ni «l’endroit de retraite», ni «le caravansérail», comme j’ai pu l’entendre ou le lire. Par ailleurs, « Aïn Far« œil de bœuf ». » n’a jamais signifié pour un Arabe instruit, En Algérie, tout nom de lieu avec «Aïn» signifie «source de » et non pas «œil de …», voire «point de ralliement pour …Les trois premières familles installées à Aïn Far ».  sont lesLakehal Bouhadi Amar, lesDjenen Chrif et lesBen Hamadi, ensuite sont arrivés lesChernouhi (Sornohi), puis d’autres. Les Anciens ont toujours utilisé l’expression Aïn Farnon « et Aïn Affeurd» ou «Aïn Afferd». L’expression «Aïn Farde «» est composée Aïn» (point de …) et «Fardh» (obligation). Aïn Farest une sorte de plate-forme vers laquelle convergeaient toutes les tribus du plateau (El Gaada) qui devaient payer leur «fardh» (aumône, impôts et taxes) et également l’endroit d’où partaient les contributions en solidarité avec les communautés dans le besoin (lire annexes 6, rapports entre Aïn Faret Damas).
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