Une Leçon de géostratégie : les Observations sur la Russie en 1761
234 pages
Français

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Une Leçon de géostratégie : les Observations sur la Russie en 1761 , livre ebook

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Description

Jean-Louis Favier (1710 ou 1717-1784), agent du Secret du roi et aventurier d'une réputation sulfureuse, compte parmi les plus fins connaisseurs de la diplomatie de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. En 1761, il rédige ses « Observations sur la Russie », un chef d'œuvre de l'analyse politique. Visionnaire, il prévoit la chute de l'empire ottoman, annonce les partages de la Pologne conduisant à la disparition politique du pays, enfin, il explique pourquoi Elisabeth, la fille de Pierre le Grand, tient à intégrer la Prusse orientale dans son empire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 avril 2016
Nombre de lectures 14
EAN13 9782140007354
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
DANS LA MÊM E COLLECTION

1. Alexander A MATUS T HESLEFF , Journal du voyage vers la Chine. De Saint-Pétersbourg à la Mongolie d’après le Tagebuch von der chinesischen Reise 18051806. Michel Cadot et Carole Chapin ed. Paris, SPM, 2014.
2. Jean-Marc T HIÉBAUD , Armonial et nobiliaire de l’Empire de Russie. Paris, SPM, 2014.

















Illustration de couverture :
A view of the exchange and the warhouse at Petersburg in Russia engraved for Middleton’s Complete System of Geography, 1778, (Détail.)
Jean-Louis Favier
Secrétaire à l’ambassade de France
à Saint-Pétersbourg





Une leçon de géostratégie :
les Observations sur la Russie en 1761

Texte établi, présenté et annoté
par Francine-Dominique Liechtenhan





Collection Inédits russes

Ce volume est le troisième de la Collection « Inédits russes »
dirigée par Francine-Dominique Liechtenhan et Thierry Claeys

Cet ouvrage a été publié avec le concours de l’université Paris-Sorbonne, du Centre Roland Mousnier (CNRS) et de l’Agence nationale de la Recherche

SPM
2016
© : SPM, 2016
ISBN : 978-2-917232-41-5

Éditions SPM 16, rue des Écoles 75005 Paris
Tél. : 06 86 95 37 06
courriel : Lettrage@free.fr – site : spm.harmattan.fr

DIFFUSION – DISTRIBUTION : L’Harmattan
5-7 rue de l’École-Polytechnique 75005 Paris
Tél. : 01 40 46 79 20 – télécopie : 01 43 25 82 03
site : www.harmattan.fr
Introduction
Jean-Louis Favier arriva à Saint-Pétersbourg le 5/13 février 1761, une époque charnière pour les relations franco-russes 1 . L’impératrice Élisabeth qui régnait avec bonheur depuis vingt ans sur l’immense empire avait eu plusieurs accidents de santé. Sa mort annoncée risquait de compromettre la coalition unissant Français, Autrichiens et Russes contre la Prusse. La guerre de Sept ans ruinait les budgets des couronnes. Louis XV songeait à mettre un terme à ce conflit ; les victoires de ses alliés sur Frédéric II lui permettaient de se retirer des champs de bataille sans perdre la face. Son ambassadeur à Saint-Pétersbourg, le marquis de L’Hôpital 2 , vieillissait mal ; ses rapports sur les intrigues politiques dans la capitale russe étaient imprécis ou contradictoires. Il négligeait certains aspects de sa mission, entre autres celui d’observer les ennemis de Versailles, à commencer par Pierre, l’héritier du trône, et son épouse Catherine, soupçonnés de travailler en faveur du Hohenzollern 3 . Fatigué, le diplomate s’en remettait trop souvent à son collègue autrichien Nicolas Esterhazy 4 , le bouillant représentant de Marie-Thérèse. Il était exclu de lui confier des négociations aussi délicates ! Le roi voulait le remplacer par un homme jeune, dynamique, féru de relations mondaines, et il le trouva en la personne du baron de Breteuil 5 . Le cabinet lui confia la tâche d’étudier les conditions de paix, d’établir des relations économiques entre les deux pays et de rédiger un mémoire afin d’orienter le Cabinet dans les démarches à faire 6 . Versailles savait que L’Hôpital risquait d’en prendre la mouche ; afin d’éviter tout malentendu, voire un scandale, le roi lui imposa un nouveau secrétaire d’ambassade, Jean-Louis Favier ; il confia à ce quinquagénaire la mission secrète d’aplanir les rivalités entre les deux hommes. Ce clerc était initié au Secret du roi, la double politique de Louis XV pratiquée à l’insu de son cabinet et de ses ambassades 7 . Il s’était rendu célèbre pour son hostilité au renversement des alliances qui avait donné lieu, en mai 1756, à la coalition réunissant la France et l’Autriche, à laquelle la Russie se joignit sept mois plus tard. Intrigué par le franc-parler de cet inconnu qui le rejoignait dans son for intérieur, Louis XV vit en lui l’homme idoine pour aplanir les tensions. Favier devait évaluer la situation politique dans le Nord, préparer un projet de traité commercial et espionner L’Hôpital afin qu’il ne « contrariât » pas les négociations du baron de Breteuil. Jean-Louis Favier, par son expérience, ses écrits et ses contacts était-il vraiment à la hauteur de sa tâche 8 ?
UNE VIE EN MARGE DU CABINET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Jean-Louis Favier naquit à Toulouse en 1710. Reçu avocat au Parlement de sa ville natale, il hérita en 1731 de la charge de son père qui avait été syndic général des États de Languedoc. Incapable de gérer les finances, il en démissionna la même année. Libertin, vagabondant entre l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre, il finit par s’installer à Paris où il se lança dans le monde de l’édition. Il sortit alors Le Spectateur littéraire , une feuille consacrée à l’analyse des parutions les plus récentes. Faute de trouver des souscripteurs, l’entreprise s’arrêta après le premier numéro. Malgré cet échec, Favier sut se faire un nom dans les salons parisiens. Marmontel en brossa le portrait suivant : ce provincial associait « l’insouciance d’un sauvage » à la plus « profonde dissolution des mœurs » ; doté d’un grand talent oratoire, il se distinguait par son esprit et ses connaissances. L’écrivain l’estimait capable « de remplir les plus grandes tâches », si son indolence et sa négligence ne freinaient pas son « esprit d’entreprise 9 ».
Après avoir retenté sa chance avec des publications anonymes, Favier se tourna vers la carrière diplomatique et devint, en 1749, secrétaire de la députation française à Turin rattaché au marquis Joachim Trotti de La Chétardie 10 . En 1739, cet aventurier avait été nommé ambassadeur extraordinaire à Saint-Pétersbourg où il avait fréquenté la jeune princesse Élisabeth. Leur relation avait donné lieu aux spéculations les plus folles, certains prétendaient qu’ils étaient amants 11 . La Chétardie avait été le maître d’œuvre du coup d’État de la fille de Pierre le Grand. Il avait incité la Suède à déclarer la guerre à son voisin slave pour éloigner l’armée régulière de la capitale russe. Le représentant de Louis XV avait offert argent et eau-de-vie aux gardes Préobrajenski, Ismaïlovski et Simionovski afin qu’elles renversent un gouvernement enclin aux puissances germaniques 12 . Le 25 novembre 1741, la jeune femme avait réussi à s’emparer de la couronne avec l’aide de ces régiments spéciaux créés par son père. La Chétardie était resté à ses côtés et l’avait conseillée lorsqu’elle composait son premier gouvernement. Chargé de mener les négociations de paix entre la Suède et la Russie, il avait échoué parce qu’il s’enlisait dans sa fonction de représentant de Versailles, incompatible avec ses relations étroites avec l’impératrice de Russie. Il avait été rappelé en septembre 1742 ; il était revenu un an plus tard, officiellement comme simple particulier, mais muni d’une lettre de créance lui donnant, le cas échéant, le titre d’ambassadeur. Une série de missives indiscrètes, faisant état de la vie amoureuse de la souveraine, l’avait obligé à quitter Saint-Pétersbourg en 1744. Son successeur, Louis Usson d’Allion 13 – dit « la patate française » – n’avait pas arrangé la situation ; par son comportement balourd, il avait retardé une revendication à laquelle Élisabeth était très attachée : la reconnaissance, par Sa Majesté très Chrétienne, de ses titres impériaux. Ce quiproquo avait été le début de la dégradation des relations entre Saint-Pétersbourg et Versailles ; il avait abouti à une rupture totale allant de 1748 à 1756 14 .
Favier vécut ainsi trois années aux côtés de La Chétardie qui se considérait comme le bienfaiteur de l’impératrice de Russie ; le marquis avait côtoyé toutes les personnalités de la cour, en particulier les très influentes dames d’atour. Il connaissait parfaitement les rouages diplomatiques et politiques du pays. Échaudé par son expulsion honteuse et la prétendue ingratitude de la tsarine, ses écrits tardifs ne cachent pas sa rancœur envers les Russes ; sans doute ne manqua-t-il pas d’influencer son jeune commis 15 .
Après le rappel de La C

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