Déjà presque mort mais encore si terriblement vivant
200 pages
Français

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Déjà presque mort mais encore si terriblement vivant , livre ebook

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Français

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Description

Depuis près de trente ans, l'auteur exerce la médecine générale. Après un cursus universitaire commun, son intérêt s'est porté sur la pratique des soins palliatifs et l'accompagnement des patients en fin de vie. Pourquoi ce choix ? Ce livre tente d'y répondre par une invitation à un singulier voyage, une pérégrination dans les arcanes de son roman familial, au coeur de l'intime.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 9
EAN13 9782296488045
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Déjà-presque-mort mais encore-si-terriblement-vivant
© L’HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l’École-Polytechnique 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96198-2
EAN : 9782296961982
Jacques Fabrizi
Déjà presque-mortmais encore-si-terriblement-vivant
Dessins de Jean Rustin
L’Harmattan
« Lo viso mostra lo color del core »
Dante Alighieri Vita Nuova, XV.
À mon père,
Son regard encore si présent en moi.
À mes enfants,
Mon regard bienveillant.
L’invitation au voyage
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis intrigué par la mort. Est-ce une des raisons pour lesquelles je suis devenu médecin ? Depuis près de trente ans, j’exerce la médecine générale. Après un cursus universitaire commun, mon attention fut attirée par la pratique des soins palliatifs et l’accompagnement des patients en fin de vie. Pourquoi cet intérêt ? Ce livre tente d’y répondre par une invitation à un singulier voyage, une pérégrination dans les arcanes de mon roman familial, au cœur de l’intime avec comme seul viatique, l’émotion. Ma préoccupation initiale était purement professionnelle. Je souhaitais m’intéresser au regard, précisément au regard des soignants dans une relation de soins. C’était le sujet de mémoire que j’avais choisi pour valider ma formation en soins palliatifs. Le regard me fascine depuis longtemps : comment l’appréhender, comment le penser, comment approcher son caractère énigmatique et découvrir ce qui se joue à travers lui ? Je m’interroge longuement pour tenter de percer le mystère de la conversation des regards et d’en comprendre l’obscure alchimie. Je chemine entre regard, silence et parole, me hasardant à leur trouver un trait d’union possible. Je cherche à considérer cet espace aux limites floues entre soi et soi, entre soi et les autres, entre soi et le monde, pour mieux en cerner les frontières. Cet essai, conçu à l’origine dans un strict souci professionnel, m’est soudainement apparu trop restrictif dans son approche. La nécessité d’inscrire cette expérience dans une perspective à la fois plus intime et plus universelle, celle des conduites quotidiennes et des comportements ordinaires – ce que Michel Foucault nommait la « stylistique de l’existence » –, s’est imposée à moi et m’a obligé à élargir le champ de mes investigations. Le mémoire rédigé et soutenu me laissait insatisfait. Dès la fin de la soutenance, j’éprouvais un sentiment étrange à peine définissable mais qui générait en moi l’impérieux besoin de le réécrire en délaissant le cadre impersonnel des publications universitaires et en y impliquant mon histoire personnelle. La mort de mon père et le deuil qui s’ensuivit sont sans conteste à l’origine de ce besoin, de cette nécessité de réécriture. La mort de mon père qui m’a profondément bouleversé et m’a renvoyé à ma propre histoire, à sa propre histoire. J’aborde la complexité de notre relation, s’exprimant par des non-dits et des silences qui devinrent de plus en plus envahissants. Chemin faisant, j’ai été amené à décentrer mon regard et à utiliser un angle différent pour aborder la problématique de la séparation entre le professionnel et l’intime. Je réalisai qu’il n’existe pas de limite nette, de ligne de partage entre l’un et l’autre. Au contraire, ils s’entremêlent, s’enchevêtrent, s’immiscent inextricablement l’un dans l’autre, voire s’amalgament de façon parfois déconcertante. Mon propos s’est donc tout naturellement décalé de la sphère professionnelle à celle de l’intime. Cherchant à décrypter mon trouble, je tente de mettre en regard et de rendre cohérents mes propres tourments de soignant avec mon histoire familiale et personnelle. Selon une discontinuité narrative, j’oscille entre le professionnel et l’intime. J’essaie de tracer un chemin qui apparaîtra par moments en pointillé, mais dont chaque pas détient son importance et permet de mettre en lumière les incidences inconscientes dans la relation soignant-soigné et leurs éventuels effets sur la qualité du soin.
Cet itinéraire révèle mes préoccupations, mes appréhensions de soignant, et me permet d’analyser mon expérience, de réfléchir à mes motivations, de mieux comprendre leur intégration et leur incidence dans mon parcours professionnel mais aussi dans mon histoire de vie. Ce chemin de traverse me laissera entrevoir l’importance de celles-ci dans mes choix et ma vocation de médecin, en particulier dans ce domaine si spécifique des soins palliatifs et de l’accompagnement, même si la fin de vie est souvent empreinte de souffrance et de négativité et que le regard n’y trouve pas toujours sa place. Ce sont toutes ces questions, à défaut de réponses concrètes, qui m’ont incité à entreprendre ce surprenant voyage ; voyage qui m’a permis d’affiner ces interrogations mais aussi d’habiter mon propre regard ; voyage qui s’avère être une aventure car, ne sachant pas où cela pouvait me mener, j’allais découvrir ce que je ne savais pas vouloir chercher…
Le regard, l’instant premier du colloque singulier
La recrudescence des paradoxes sociétaux m’interpelle dans ma fonction de médecin, dans mon exercice au quotidien et engendre de nombreuses questions. Est-il utile de vouloir parler du regard dans le cadre des soins palliatifs et de l’accompagnement des patients en fin de vie à l’heure où les conditions de l’exercice médical sont de plus en plus contraignantes ? Face à des patients atteints dans leur corps de difformités anatomiques inesthétiques, est-il réellement pertinent de vouloir les regarder autrement ? Dans une société où la beauté et l’hyper-esthétisme sont souvent érigés en valeurs fondamentales, comment ne pas céder à la dictature du beau en portant encore son regard sur des êtres au seuil de la mort ? Est-il utopique, dans une société dominée par la vitesse, avec une injonction informelle de rentabilité, de vouloir prendre son temps pour regarder ses patients dans leur dernier parcours ? Vouloir parler de l’échange des regards dans une société qui évolue de plus en plus dans le virtuel, société où le corps n’a plus sa place, surtout quand celui-ci ne montre qu’une laideur plutôt effrayante et repoussante, est-ce nécessaire? S’intéresser au regard des soignants quand la formation des futurs médecins fait la part belle aux examens biologiques et para-cliniques (radiographiques, échographiques, scanners, pet-scan, scintigraphies, IRM, angio-IRM…), au détriment du « colloque singulier » et de l’examen clinique, n’est-ce pas anachronique ? Dans une société où le zapping est roi, y compris en matière relationnelle et interpersonnelle, peut-on encore s’interroger sur l’efficacité thérapeutique du regard dans une relation de soins ? Face au patient en fin de vie et à sa dignité perdue qui fait actuellement débat, quel rôle le regard peut-il avoir? Dans une société en overdose d’images le plus souvent positives, idéales, retouchées et conformes aux exigences de beauté du moment, n’est-ce pas se marginaliser que de vouloir disserter à propos du regard dans la relation soignant-soigné et de donner à voir à travers la peinture de Jean Rustin des images d’êtres nus et désemparés ?
Face à toutes ces interrogations, il m’est apparu que souligner l’importance du regard dans la relation soignante, en essayant d’en préciser les diverses implications, me permettrait à la fois de nourrir un débat professionnel mais aussi d’apporter un éclairage sensible et personnellement engagé. Le regard peut-il être considéré comme un soin ? Un autre regard sur les patients en fin de vie est-il souhaitable? Une éventuelle éducation ou, mieux, une éventuelle sensibilisation du regard des soignants est-elle envisageable ? Présente-t-elle une pertinence sur un plan didactique, en particulier dans le domaine des soins palliatifs et de l’accompagnement, dans le cadre d’une démarche de qualité des soins ? Le regard dans la relation soignante s’intègre-t-il dans ce que l’on nomme l’effet médecin ? L’attention portée à la représentation du corps dans la peinture de Jean Rustin peut-elle contribuer à cette démarche, peut-elle permettre un autre regard ? La peinture peut-elle permettre de voir sans être vu, et ce faisant, en se laissant aller à un voyeurisme non réprouvé, totalement décomplexé et assumé, d’exercer ainsi son regard pour mieux l’utiliser ensuite dans une relation de soins? C’est ainsi que, par digression, je souhaite donner à voir et peut-être même faire partager ma lecture « palliative » de la peinture de Jean Rustin.
Ma réflexion sur le regard n’est pas récente, et devient parfois obsessionnelle. Sans cesse aux aguets, mon attention saisit toutes les occasions d’explorer ma passion. Mon esprit est perpé

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