Journal d un médecin généraliste
144 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Journal d'un médecin généraliste , livre ebook

144 pages
Français

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Description


Un médecin au jour le jour.





" Ce livre est tiré d'un blog, "Les états d'âme du docteur Vincent', anonyme au départ. J'ai commencé à transcrire il y a quatre ans mon vécu de médecin généraliste. À l'origine, ce blog m'aidait à prendre du recul sur ma profession, puis je me suis prise au jeu et j'ai eu un enthousiasme grandissant à faire connaître mon point de vue. Mon ambition est de faire réfléchir les lecteurs sur l'état de la médecine en France.


La médecine est une interaction subtile entre médecin, patient, pathologie, traitement. Ce n'est pas une science exacte, mais une pratique qui s'améliore au fil des années d'exercice. Les consultations ne sont jamais monotones et souvent étonnantes si l'on prend le temps d'écouter la personne assise en face de soi. Être médecin en cabinet, c'est être seul avec le poids des décisions à prendre qui sont parfois lourdes de conséquences. J'ai voulu montrer les risques de dérapage et d'usure psychique que les médecins peuvent rencontrer. Je détaille aussi les relations que les médecins entretiennent avec la Sécurité sociale et l'industrie pharmaceutique. "


Dr S. B.





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 septembre 2011
Nombre de lectures 141
EAN13 9782749119120
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Stéphanie Becquet
JOURNAL D'UN MÉDECIN GÉNÉRALISTE
COLLECTION DOCUMENTS
Couverture : Studio Chine. Photo de couverture : © Collection personnelle de l’auteur. © le cherche midi, 2011 23, rue du Cherche-Midi 75006 Paris
Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site : www.cherche-midi.com « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN numérique : 978-2-7491-1912-0
Prologue

Ce livre retrace trois années de mon quotidien de généraliste. Les consultations ne sont jamais lassantes et fournissent des tas d'anecdotes que je retranscris ici. Cet ouvrage est un peu l'aboutissement de mon parcours. Tout au long de mes études de médecine et de mes remplacements, j'ai aspiré à plus d'autonomie. Je serrais les dents lorsque certaines choses ou certains comportements de mes professeurs me choquaient en me disant : « Plus tard je pourrai faire ma propre médecine. » Au bout d'un long chemin, je me suis retrouvée installée à la campagne, sous la coupe insidieuse des labos et celle de la Sécu. L'autonomie complète semble illusoire mais on peut aspirer à un peu plus...
Dans mon enfance, nous n'avions pas beaucoup de contacts avec le corps médical et seulement trois médicaments existaient pour moi :
– Eucalyptine Lebrun pour la toux, au goût absolument délicieux (j'en ai parfois chipé une cuillère ou deux) ;
– Laxamalt : laxatif qui n'existe plus, mélange malté et paraffiné que je trouvais savoureux et que je prenais parfois pour le plaisir (pas forcément réussi dans toutes les occasions !) ;
– l'aspirine du Rhône qui n'avait aucun intérêt pour moi. Ma mère me la préparait, je l'avalais sans me poser de questions lors d'épisodes fébriles.
En terminale, je voulais être psychologue ou psychiatre pour comprendre le pourquoi et le comment des choses. Il m'a pris la lubie de vouloir faire un stage en hôpital psychiatrique. La directrice m'avait convoquée, très étonnée de mon choix : « Vous n'êtes peut-être pas apte à le faire, c'est dur, prenez plutôt deux semaines de vacances. » J'ai tenu bon, voulant comprendre ce qui pouvait bien se passer là-bas. J'ai passé mon temps à arpenter les couloirs, à assister aux consultations et à inspecter les boîtes de médicaments des patients. Je les regardais, je comptais le nombre et la couleur des pilules qu'ils ingurgitaient et me posais déjà des questions du genre : pourquoi prennent­ils autant de médicaments s'ils sont en bonne santé ?
Un conseiller d'orientation, la même année, m'avait dit péremptoirement : « Vous êtes faite pour les études courtes. » Je l'ai écouté, me disant qu'il faut toujours être respectueuse avec ces gens-là, et l'ai remercié du conseil. Il m'avait semblé ne pas s'appliquer à moi, la preuve ! Bac plus 8, rien que ça ! J'ai atterri en médecine. Un vif intérêt pour l'histologie (étude des tissus) et l'embryologie m'a incitée à choisir la médecine concrète. En cinquième année, j'étais très intéressée par ce que l'on pouvait nous dire en psychiatrie. Je cherchais des réponses quant au fonctionnement psychologique de l'être humain. En guise de réponses, je n'ai eu que des listes de symptômes avec comme corollaires benzodiazépines, neuroleptiques et antidépresseurs pour tout le monde, et, pour les récalcitrants, un rappel des cures d'insuline (passées de mode), de sommeil et des électrochocs qui se faisaient parfois encore sans anesthésie il y a quelques années.
Le temps a passé ; les stages ont commencé et, en médecine interne, la grande mode était de faire des perfusions d'Anafranil (antidépresseur d'ancienne génération) chaque fois que le chef de service coinçait sur un diagnostic. Je commençais à être passablement chauffée, tout infatuée de mes maigres connaissances. Un jour qu'il consultait une patiente dont le diagnostic faisait défaut malgré des examens poussés, le chef de service avait ordonné son traitement favori en perfusion, puis il s'était adressé à moi en me demandant : « Et vous, Stéphanie, que proposeriez-vous ? » Et moi, tout de go : « C'est vous qui prescrivez, monsieur. » Il n'a pas été ravi : « Mais enfin, que voulez-vous que je prescrive ? » « Je ne sais pas, des fortifiants, monsieur. » Eh bien, la vieille n'a pas eu son Anafranil !
Je n'ai pas regardé ma note de fin de stage...
 
Puis j'ai fait un stage aux urgences. Super ! Je passais mon temps à faire vomir les candidats au suicide avec de l'Ipéca. Et les patients vomissaient leur Prozac, Lexomil, Lysanxia consciencieusement. Et je rajoutais du sel pour faire bonne mesure. Aucun ne résistait ; tout repassait dans l'autre sens. Le chef de service exigeait que tous les patients vomissent, même quand ils avaient avalé une plaquette de contraceptifs, « pour leur faire passer l'envie de recommencer ».
J'ai remplacé, dans le même temps, des infirmiers en résidence. J'en ai rempli, des piluliers, dont la plupart étaient des boîtes de pellicules recyclées. Je mettais dedans des rouges, des bleues, des jolies pilules aux triples couleurs, des petites barrettes avec leur boîte rigolote... Le médecin prescrivait, je remplissais... Je n'avais, par contre, jamais la main lourde sur l'Haldol (neuroleptique) que l'on donnait en gouttes, mais certaines infirmières, pour éviter de perdre du temps, en mettaient une petite giclée dans les verres des patientes.
Puis je suis devenue interne en médecine générale. En moyen séjour où les vieilles dames se remettaient de maladie, je me suis mise à remplacer la plupart des calmants par du magnésium et je leur expliquais avec beaucoup de conviction : « Madame, je vous ai donné un nouveau traitement, il est encore mieux que votre ancien. » Les autres médicaments que je ne jugeais pas nécessaires y passaient aussi : en six mois j'avais baissé de 30 % les dépenses de pharmacie ! Les infirmières m'appelaient « mademoiselle Magnésium ».
Au Samu, on traquait les boîtes de somnifères, de neuroleptiques, etc. sur les tables de nuit des malades inconscients, de ceux qui avaient fait des tentatives de suicide. On critiquait les généralistes – ces généralistes complètement incompétents – qui prescrivaient toutes ces cochonneries qui surbmergeaient de travail le Samu.
Puis j'ai fait des remplacements. Chance ou malchance, je suis tombée dans un cabinet qui recevait les toxicomanes en nombre : ordonnances de Tranxène 50, de Tercian (le Subutex n'existait pas encore) et j'en passe et des meilleures. Ça m'a permis de démarrer ma thèse sur les us et coutumes de cette population. Je dois dire que, en deux ans dans ce cabinet, jamais je n'ai vu de guérison chez ces gens-là. Le Tranxène ne servait que de substitut.
Et actuellement, j'ai tendance à dire, concernant tous les médicaments de confort : « Ça ne va pas vous soigner, monsieur. Ça peut vous soulager un peu, mais il faut trouver une vraie solution. » Même pas de Doliprane en prescription systématique. Pour moi, c'est un constat d'échec que de pérenniser la prescription sans tenter de soigner réellement.
J'ai toujours pensé que le but de mon travail était de faire en sorte que les patients soient assez en forme et/ou assez autonomes pour n'avoir plus besoin de moi et je travaille dans ce sens en consultation chaque fois que c'est possible. Par exemple, je suis capable de dire à une fidèle patiente : « Comment, madame, vous venez pour la troisième fois ce mois-ci ? Il y a quelque chose qui ne va pas. » À ce stade, ou elle devient une inconditionnelle, ou elle file chez le confrère concurr

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