Neuf mois pour mourir
132 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Neuf mois pour mourir , livre ebook

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132 pages
Français

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Description

Témoignage simple, sincère et néanmoins cinglant, cet ouvrage s'adresse à tout ceux qui ont été, sont ou seront un jour confrontés à la déchéance puis à la mort d'un être cher... Portrait d'une famille meurtrie où chacun aura grandi, où tous auront ressenti l'urgence de vivre, où certains même auront vu s'inscrire, sur l'écran sombre de ce drame, le sens de l'existence en lettres de couleur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 68
EAN13 9782296466616
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Neuf mois pour mourir
Sophia DUCCESCHI
Neuf mois pour mourir

Récit d’un accompagnement
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55408-5
EAN : 9782296554085
Chaque mot écrit
est une victoire contre la mort.
Michel Butor.
ÉTÉ
12 juillet 2009,
Hôpital Tenon, Paris.
Depuis des semaines, tu te démangeais, tu courais les services d’urgence des hôpitaux parisiens, tu ignorais ce qui t’arrivait, tu ne dormais plus, tu faisais analyser ton sang dans de multiples laboratoires, tu courais, tu travaillais, tu souffrais, tu suppliais qu’on te garde en observation, tu voyais moult médecins, tu faisais tout en te grattant, tu arrachais ta peau… tu avais peur.
Et là, dans cette chambre, depuis des jours… tu attendais.
Deux médecins entrèrent, les mines défaites. À peine les vis-tu que tu devinas l’embarras sur leurs traits serrés. Elles – c’étaient deux femmes – n’osaient te regarder dans les yeux, mais c’était quand même pour toi qu’elles venaient, puisque l’une d’entre elles s’assit délicatement sur le bord de ton lit. Elles avaient pris soin d’attendre que ta voisine de chambre se soit absentée. Ce n’était pas de bon augure :
— … on n’a pas de très bonnes nouvelles pour vous…
Le silence se fit. Tu ne posas pas de questions – cela n’avait jamais été ton fort –, tu étais plutôt du côté de la passivité en ce qui concernait l’expression de tes émotions… Alors, sentant arriver l’ouragan, tu ne t’y jetas pas : tu laissas venir. Tu attendis que les mots te percutent.
Évidemment, ton attitude n’aida pas cette pauvre interne, que les seniors avaient envoyée au charbon.
… Il faut bien qu’elle apprenne, qu’elle s’y fasse. Cela fait partie de son métier : annoncer les maladies, les mauvaises nouvelles qui changent une vie en quelques secondes… Il faut bien qu’elle y passe, sinon comment va-t-elle s’endurcir ?
Ce jour-là, c’était à toi qu’elle s’adressait ; espérons au moins que tu sois la seule épreuve de sa journée de garde…
Elle continua, sous l’œil un peu hautain de sa collègue, qui guettait tes réactions et épiait les siennes :
— Les résultats du scanner et de la biopsie ont nécessité quelques approfondissements…
La pauvre n’en pouvait plus. Dans sa voix, tu percevais sa plainte, sa supplique : Allez-y, posez-moi des questions, ce serait un peu plus simple pour faire diversion ! Vous m’offririez quelques chemins de traverse pour ne pas aller droit au but tout de suite, pour ne pas prononcer le verdict.
Mais non, tu te murais dans ton silence, tu attendais, refusant ainsi ce que tu sentais, comme une masse informe et sombre, t’arriver de face… Non, tu n’irais pas au-devant de cette annonce.
— … et nous avons diagnostiqué un lymphome…
Là, c’était dit, lâché comme un obus allégeant l’avion… c’était fait.
Le problème était que tu n’avais pas tout compris… C’était quoi, un lymphome ? Compte tenu de leurs têtes, c’était forcément grave, mais c’était quoi, exactement ?
La jeune interne lut la question dans tes yeux, comprit ton ignorance et trouva là l’occasion de s’échapper. Elle commit l’erreur, le mensonge était facile, trop tentant et la sauva de cette terrible situation :
— … Non, ce n’est pas vraiment un cancer… Enfin, pas un cancer comme on l’entend habituellement. C’est un « lymphome »…
Ça se soigne, dans la plupart des cas, cela répond bien aux traitements classiques… On vous expliquera tout en détail d’ici votre sortie, bien sûr. Mais en résumé, ça concerne le système lymphatique, la chaîne ganglionnaire et parfois la moelle osseuse et le sang… Mais ce n’est pas vraiment une leucémie non plus.
La jeune femme s’égarait, bafouillait, en rajoutait ; chacune de ses précisions amplifiait le choc que tu venais de recevoir, aggravait ton trouble et faisait monter en toi une incommensurable angoisse qui irait se tapir au plus profond de ton être…
Elle te proposa de la rappeler si « ça n’allait pas » ; te promit de t’apporter un sédatif pour une meilleure nuit – il n’était que 16 h 30 ! Et enfin, elle tenta encore de te rassurer, te proposant de tout expliquer à ta famille lors de prochaines visites.
Devant ton silence qui n’en finissait pas, toutes deux décidèrent de quitter ta chambre. Tout doucement, en veillant bien à ne pas faire trop bouger ton lit, comme pour éviter de provoquer la réaction redoutée, la jeune interne se leva, lança un regard à son énigmatique collègue, croisa le tien, esquissa un sourire compatissant à ton attention. À pas feutrés, elles s’éloignèrent ; elles refermèrent tranquillement la porte sur ta sidération, sur ton malheur annoncé. Elles étaient soulagées, mais toi, tu étais désormais chargée d’un poids qui te clouait de stupeur.
Tu nous appelas tout de suite, bien sûr. Ton frère, d’abord. Il était le seul à pouvoir encaisser la nouvelle avec autant de distance que toi. Lui non plus ne savait pas très bien ce qu’était un lymphome. Tu pleurais au téléphone, tu étais effondrée, tu balbutiais, tu ne comprenais pas… Il quitterait son travail toutes affaires cessantes et viendrait à ton chevet. Il serait là d’ici trente minutes. Entre-temps, il m’appela et me dit.
Je me doutais, je sentais depuis quelques semaines que le ciel allait nous tomber sur la tête, que l’équilibre familial ne reposait plus que sur un sursis… Je t’avais accompagnée quelque temps plus tôt en voiture dans ce même hôpital pour une consultation en dermatologie. À cette occasion, j’avais constaté avec effroi qu’il ne s’écoulait plus une minute de ta vie sans que tu ne te grattes avec acharnement… Et c’était ainsi jour et nuit, tu ne faisais plus que cela ; ton corps était devenu une étendue de croûtes sanguinolentes que tu abîmais encore et encore.
Enfin, un jour, tu avais eu un échange avec un médecin qui ne s’était pas obstiné à coller sur ton prurit l’étiquette « psychosomatique ». Ce matin-là, tu devais donc te rendre très tôt au rendez-vous qu’il t’avait fixé. Je t’avais proposé de te véhiculer. Je t’attendais en bas de l’immeuble, et je te vis arriver : la démarche hésitante, les yeux creusés de cernes, le dos courbé, le regard vide… Je vis le spectre terrible de l’indicible, je pris un énorme coup dans l’estomac. En un mois, tu avais pris dix ans ! J’avais un sentiment de catastrophe annoncée, ce matin-là où pourtant le soleil brillait, où la ville s’éveillait à un jour léger…
Tu pleurais quand ton frère arriva. Vous vous enlaçâtes, vous vous aimiez énormément. Il avait quatre ans de moins que toi, mais il t’avait toujours considérée comme sa « petite sœur ». Après un court moment de cette terrible intimité, votre préoccupation commune alla vers les deux personnes qui seraient terrassées par cette nouvelle : ta mère, avec qui tu entretenais depuis toujours une relation fusionnelle, et ta fille qui, à tout juste 20 ans, avait déjà perdu son père…
Vous en discutâtes quelques minutes. Vous convîntes qu’il fallait appeler votre mère sans attendre, c’était lui qui parlerait d’abord. Cette pauvre femme qui, depuis trois mois, s’inquiétait et projetait les pires scénarios quant à ton état de santé allait encaisser un coup terrible !
À la fin de cette indélébile journée, tous tes plus proches surent, pleurèrent et s’endormirent avec au fond du cœur la pathétique consolation de savoir enfin de quoi tu souffrais. Ainsi, chacun allait pouvoir nourrir le fol espoir que les traitements mis en place te mèneraient à la guérison.
Nous entrions dans le premier acte de ton drame.
De ton côté, tu pleuras beaucoup cette nuit-là, malgré les calmants. Les pensées, les questions, les doutes se mettaient en action. Fini l’insouciance, tu entrais dans l’enfer de l’incertitude, dans une précarité du lendemain dont nous ne pouvions encore imaginer la force.
Les médecins te firent une batterie d’examens complémentaires afin de bien cerner le problème, d’en définir les contours. Mieux connaître l’e

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