Aporétique
160 pages
Français

Aporétique , livre ebook

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160 pages
Français

Description

"Que sçay-je ?", devise d'un Montaigne sensible à la relativité de toutes les opinions. Opinions, seulement, car aucune croyance ne peut prétendre à la certitude d'une vérité définitive. C'est dans la ligne de la mise en question et de la quête que l'auteur essaie d'exprimer ce qui lui paraît être le philosophique, le métaphysique, le théologique, l'éthique, l'anthropologique.

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Date de parution 15 février 2016
Nombre de lectures 10
EAN13 9782140001970
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Chaque chose n’est pas plus ceci que cela : οὐ μᾶλλον.
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Paul Khoury
APORÉTIQUE Que sçayje ?
APORÉTIQUE
© BEYROUTH, 2006 © L'HARMATTAN, 2016 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08403-9 EAN : 9782343084039
Paul Khoury APORÉTIQUEou « Que sçay-je ? »
Du même auteur Publications de langue française ISLAMCHRISTIANISME 1 2 Jean Damascène et l’Islam. 1957-1958, 1994. 1 2 3 Paul d’Antioche, Traités théologiques. 1964, 1994, 2013. 1 2 3 Islam et christianisme, Dialogue religieux et défi de la modernité.1997, 2011. 1973, Matériaux pour servir à l’étude de la controverse théologique islamo-chrétienne de langue e e arabe du VIII au XII siècle.I-VIII.1989, 1991, 1997, 1999, 1999, 2000, 2001, 2002. e e Textes des théologiens arabes chrétiens du VIII au XII s. : Le Verbe incarné, I-II.2000. MONDE ARABE La crise libanaise dans le processus de mutation socioculturelle de l’Orient arabe.1976. 1 2 Une Lecture de la pensée arabe actuelle, trois études. 1981, 1998 ; Pensée arabe 3 contemporaine, Tradition et modernité, 2012. 1 2 Tradition et modernité, Thèmes et tendances de la pensée arabe actuelle.1998, 1983, 3 2013. Tradition et modernité, Matériaux pour servir à l’étude de la pensée arabe actuelle, I-III.1981, 1984, 1985. Monde arabe et mutation socioculturelle, Problématique de la sécularisation et de la 1 2 3 révolution culturelle. 1984, 1999 ; Monde arabe, religion et sécularité, 2012. L’Islam critique de l’Occident, Islam et Sécularité, I-III.1994, 1995, 1996. 1 2 L’Islam et l’Occident, Islam et Sécularité. 1998, 2012. Les islamistes et les autres.2004. Islam et sécularité, Analyse élémentale.2014. PHILOSOPHIE La Religion et les hommes, Essais sur les dimensions anthropologiques de la religion.1984. Esquisse d’une philosophie de la culture.1974, cours polycopié. Remanié dans Le problème de l’homme, 2006.La dimension de transcendance en l’homme.1975, cours polycopié.Remanié dans Le problème de l’homme,2006. Notes pour l’étude de la Métaphysique.cours photocopié. 1985,  Abrégé, 1990.Remanié, 2006. Notespour l’étude de la Philosophie morale.cours photocopié. 1992,  Remanié, 2006. 1 2 Le Fait et le Sens, Esquisse d’une Philosophie de la Déception. 1996, 2007. 1 2 Aporétique, ou “ Que sçay-je ? ”. 2005, 2012. Le problème de l’homme.2006. Le Jeu de la vie.2011-2013, 2014. RECUEILS Questions I : La religion en question.Pour un dialogue interreligieux et interculturel.2012 Questions II : Le Liban en question.Le Monde arabe en question.2012. Études.2012. Projets.2012.
AVANT-PROPOS  Quel que soit son acquis philosophique, chacun se retrouve, fût-ce au moment qu’il croit être le terme de sa course, débutant et sommé de se dire en quoi consiste réellement la philosophie. Au temps de l’assurance succède le temps de la mise en question. Cela peut se traduire en découragement et démission. Mais aussi onpeut s’entêter et se remettre «en quête », le désir de savoir étant irrépressible. Sans pourtant se nourrir de l’illusion d’aboutir, êtres finis et inachevés que nous sommes, à quelque réponse ou solution enfin décisive et indubitable. Il semble que l’esprit humain soit ainsi fait qu’il ne puisse s’empêcher de se donner des points fixes à quoi s’accrocher pour survivre. Il lui faut des dogmes, des propositions, des formules posées à titre de principes immuables, éternels, absolus, c’est-à-dire indubitables. Au contraire, faire table rase de tout l’acquis, imposé par l’éducation, semble bien être, le plus souvent, une pure et simple illusion, ou même une tricherie. On ne se défait pas de ses préjugés, de ses précompréhensions, de ses préalables : ce serait se défaire de soi-même.  Mais aussi ce même esprit humain, si désireux de sécurité, ne manque pas de se risquer dans l’aventure de la pensée. Il semble que, faute de trouver la sécurité dans le monde de la perception et celui du raisonnement, il cherche, par l’imaginaire, à se re-sécuriser, en vue d’être, ou d’avoir le sentiment d’être. Mais aussi il peut lui arriver, dans un mouvement de révolte, de mettre en question les sécurités où il se plaisait à se perdre. Alors s’opère pour lui le processus de désillusion, savoir le passage du dogmatique à l’aporétique, de la certitude à l’inquiétude, soit de l’affirmation à la question.C’est dans la ligne de la mise en question et de la quête,que j’essaie d’exprimer ce que me paraît être le philosophique, le métaphysique, le théologique, l’éthique, l’anthropologique.Ces termes et l’ordre dans lequel ils sont énumérés appellent un mot d’explicitation, sinon de justification. Dire « le philosophique » plutôt que « la philosophie » veut exprimer l’intention de saisir, dans l’édifice qu’on a accoutumé d’appeler 5
« la philosophie », son noyau de sens, à savoir son logos (ȜȩγȠȢ(), ou sa quiddité IJઁIJ઀ἦȞİἶȞαȚ: l’être ce qu’elle était), ou encorece qu’elle est en réponse à la question «qu’est-elle ? » (IJ઀ἐıIJȚ). S’agissant d’une quête du« philosophique », il m’a semblé qu’il était tout indiqué de commencer par le tout qu’estla philosophie. Les parties de ce tout se distribuent en deux groupes quasiment parallèles : au groupe « métaphysique » et « éthique » répond le groupe « théologique » et « anthropologique ». Le métaphysique, plus proche du philosophique devance l’éthique qui, en quelque sorte, en dépend. Parallèlement, le théologique peut apparaître comme une reprise dumétaphysique, mais, contrairement à l’éthique qui dépendait du métaphysique, se résout en anthropologique, auquel se réduit, ou sur quoi se fonde, à mon sens, le philosophique.  Cette façon de voir les choses veut bien reconnaître que « philosopher »porte par soi sur l’Être, mais elle maintient que ce « philosopher »ne peut s’opérer que depuis le philosophant. C’est admettre la grandeur de l’ambition de saisir l’Être tel qu’il se donne, mais c’est aussi avouer que nul n’estla mesure à d’une telle ambition. L’unique visage de l’Être visible au philosophant est celui qui est à la portée de son regard, à savoir son être-homme. Ce qui signifie l’Être saisi en l’être-homme ou depuis l’être-homme. Ce qui signifie aussi que l’Être ni ne se laisse saisir en lui-même, ni n’a fini de se dévoiler tant que le Temps, interminable, ne s’est pas terminé. Ce Temps interminable fait, d’autre part, que le savoir absolu se laisse toujours attendre. Or il se fait que l’invisibilité de l’Être en lui-même se reporte sur l’être-homme lui-même. Ce qui revient à dire que tout discours philosophique sur l’être-homme est par soi inadéquat, et cela, du fait que l’homme, en son être, apparaît fuyant, insaisissable, paradoxal, bref aporétique.
Chapitre premier LE PHILOSOPHER Si l’étonnement est le début du philosopher, philosopher ne peut plus être réservé à des professionnels. Il arrive à tout un chacun de s’étonner à un moment ou un autre, tellement il y a de choses étonnantes, et tellement il est étonnant qu’il y ait des choses. Or l’étonnement implique un moment de doute provoqué par le caractère inattendu de la chose qui étonne. Inattendu, au sens où la chose n’apparaît pas comme on le pensait, comme on s’y attendait, comme on s’y était habitué. Ce doute peut être dit initial, au sens où il pose la question, provoque l’examen, et cherche une réponse qui soit la solution du doute. Le doute peut persister et devenir terminal, dans le cas où l’on ne parviendrait pas à lui trouver de solution. Étonnement, doute, impliquant question, examen, là-dessus tous sont d’accord. Mais, quand on marche, on peut se demander si l’on tourne en rond, ou si l’on avance vers le but, et si l’on peut y parvenir. Doute d’abord, certes. Mais qu’y a-t-il au bout ? Etd’abord y a-t-il, ou peut-il y avoir, un bout ? On a accoutumé d’examiner la question des rapports entre certitude et vérité. Des philosophants définissent la vérité par la certitude. À leurs yeux, être certain d’une chose, c’est être dans le vrai. D’autres, à l’autre extrémité, soutiennent que plus on est certain d’une chose, plus on est éloigné de la vérité. Pour ce dire, ils logent la certitude dans la subjectivité, dans le besoin de sécurité, et font de la vérité l’objet d’une recherche sans fin. Sansfin, parce que le sujet, se posant comme distinct et séparé de la chose, ne voit pas comment il pourrait franchir cette distance et coller à la chose. Les chercheurs de certitude finissent par être dogmatiques. Ils croient pouvoir surmonter le doute, donner une réponse aux questions, et posséder des vérités. Les chercheurs de vérité, moins favorisés, se font sceptiques. Ils suspendent leur jugement, trouvant que les questions sont insolubles et que la vérité est inaccessible, du fait que la chose ne peut être rejointe par le sujet. La vérité échappe donc toujours, quoiqu’elle soit à chercher sans fin, et sans espoir. La sagesse des dogmatiques 7
semble tranquille. Celle des sceptiques semble condamnée à l’inquiétude. Et pourtant, les douteurs pourraient se mettre à distance, accepter l’incertitude avec autant de tranquillité que les dogmatiques jouissant de leur certitude. Entre ces extrêmes, se fraient une place des attitudes relativisantes, mélange de dogmatisme et de scepticisme, de certitude et d’incertitude, d’ignorance et de savoir. De ces trois attitudes l’histoire nous donne des modèles exemplaires. À chacun de choisir son camp, ou son campement : doute surmonté et affirmation assurée, ou suspension tranquille du jugement (ἐπȠχȒ), indifférence (ἀįȚαφȠȡȓα), usage modéré de la parole ou silence (ἀφαıȓα), absence de trouble (ἀIJαȡαȟȓα), impassibilité (ἀπάșİȚα), sérénité (ἡıυχȓα) et, au terme, bonheur (İὐįαȚȝȠȞȓα).  Il y a plus. On définit la philosophie commeφȚȜȓαIJῆȢıȠφȓαȢ, amour ou quête de la sagesse, avec l’arrière-pensée qu’elle parvient à quelque savoir et à quelque règle du bien vivre. Or la quête philosophique, étant en son essence questionnement, est loin d’impliquer une réponse décisive, ni même simplement une réponse, à la question posée. Et c’est en quoi le scepticisme, tant décrié par les philosophies dogmatiques, se trouve être le plus proche de la quête de la sagesse. De quoi fait foi ce qu’en dit Sextus Empiricus: «L’école sceptique (ıțİπIJȚțή) est appelée chercheuse (ȗȘIJȘIJȚțή) dans la mesure où sa principale activité est la recherche et l’examen (ıțȑπIJİıșαȚsuspensive () ; ἐφİțIJȚțή) en raison de l’état d’esprit, propre à celuiqui examine, après sa recherche ; dubitative (ἀπȠȡİIJȚțή) à cause de sa façon de douter et de chercher, au dire de certains, ou bien encore de son indécision au regard del’affirmation ou de la négation; pyrrhonienne enfin, parce que Pyrrhon nous semble être celui qui, plus résolument et plus manifestement que ses 1 prédécesseurs, s’est voué à l’examen sceptiqueLe même. » 2 Sextus écrit : « Ainsi, puisque le sceptique établit que tout est relatif, il est évident que nous ne sommes pas capables de dire ce 1 Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 7.J.-P. Dumont, Traduction Les 2 sceptiques grecs, PUF, Paris, 1989, p. 8.par Cossutta, Cité Le scepticisme, Que sais-je ? 2829, PUF, Paris, 1994, p. 6. 2 Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 140. Traduit par Dumont, dansHistoire de la philosophie, I, vol. 2, dir. Brice Parain, Folio-Essais 338, Gallimard, Paris, 1969, p. 719.
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qu’est chaque chose en soi et dans sa pureté, mais seulement cequ’est la représentation en tant que relative... Il s’ensuit qu’il nous faut suspendre notre jugement sur la nature effective des objets. » La recherche qu’est le philosopher, en tant qu’elle vise à trouver une réponse, sinon la réponse, à la question posée, peut se dire penser, et la réponse éventuelle peut se dire comprendre. Penser pour comprendre, c’est le fond du philosopher. Mais cet acte de pensée, pour ne pas se confondre avec d’autres modes d’actes de pensée, se distingue par deux caractères. Le philosopher prétend être un penser sans préalable, et n’utilisant que les moyens naturels de connaissance. Et il s’achève comme discours cohérent se rapportant à ce qui a étonné et, de ce fait, a provoqué la recherche de la compréhension.  Prétendre penser sans préalable, en vue de penser les choses, au lieu de penser ce que d’autres ont pensé concernant les choses, et se donnant par là l’illusion de penser les choses mêmes. Ce qui suppose de prétendre rejeter, ou au moins mettre entre parenthèses, toutes sortes de préjugés, théoriques, idéologiques, religieux, culturels. Préjugés théoriques : tous les systèmes qui prétendent enfermer le monde des choses dans un tout organisé. Préjugés idéologiques : tous les impératifs, affirmations et réglementations, qui constituent un groupe dont les membres participent activement à la vie de la société dans laquelle ils se situent et s’insèrent. Préjugés religieux: tous les dogmes et toutes les prescriptions imposés, au nom de Dieu, par la classe des clercs, gardiens des livres sacrés et seuls habilités à en fournir l’interprétation et la compréhension canoniques. Préjugés culturels : toutes les visions du monde qui comportent représentations des origines et des destinées du monde et de l’homme, et règles de conduite qui assurent l’intégration des individus dans la société globale et l’adaptation de cette société à son environnement.  Penser soi-même les choses sans préalable, c’est se contenter des moyens dits naturels de connaître. Naturels, au sens où il semble que tout un chacun en dispose. On a accoutumé de les classer en deux groupes, et de les disposer à deux niveaux. Au premier niveau, on pose le groupe des sens, lesquels nous donnent les sensations et les perceptions : impressions reçues des choses sensibles, c’est-à-dire accessibles aux sens, et 9
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