Cioran et le rêve d une génération perdue
216 pages
Français

Cioran et le rêve d'une génération perdue , livre ebook

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Description

Ecrivain méconnu en France, Cioran a un parcours original tant sur le plan de son histoire que de ses idées. Ce livre retrace le cheminement intellectuel de cet écrivain hors du commun. La jeunesse du philosophe dans une Roumanie de l'entre-deux-guerres abrutie par le délire politique est d'abord abordée. L'idéologie de la génération de Cioran est ensuite présentée, ses liens avec Mircea Eliade, Eugene Ionesco, Constantin Noica.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 8
EAN13 9782336322216
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

La philosophie de Cioran se retrouve sous l’inuence du professeur
Mais l’arrivée au pouvoir du communisme mettra vite In aux espoirs
Mara Magda Maftei
CIORAN ET LE RÊVE D’UNE GÉNÉRATION PERDUE
OUVERTUREPHILOSOPHIQUE
Cioran et le rêve d’une génération perdue
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Lou FERREIRA,Oscar Wilde. Une esthétique de la tragédie, tome 2, 2013. Lou FERREIRA,Oscar Wilde. Une philosophie de la provocation, tome 1, 2013. Denise MODIGLIANI,Fragments pour une poétique du discours historique, 2013. Alain MULLER,Pensée dialogique et langage dans la philosophie de Franz Rosenzweig,2013. Jean-Jacques BAILLY,Éros et infini. Tome 1 : le monde, le sujet, le sens, 2013 Jean-Jacques BAILLY,Éros et infini. Tome 2 : le sens, le signe, l’éros du bien et du mal, 2013. Éléonord WILLOT,Light-Shows psychédéliques de San Francisco. LSD, art & rock’n’roll, 2013. Michel YERMOLOFF,Le Solitaire des Alpes ou la Vérité religieuse devant la Raison, 2013. José CUPIDO,Metaphysica theoria, 7 tomes, 2013.Roland TOURNAIRE,Être et langage, 2013. Vinicio BUSACCHI,Pour une herméneutique critique. Etudes autour de Paul Ricœur, 2013. Ionel BUSE,Mythes populaires dans la prose fantastique de Mircea Eliade, 2013.
Mara Magda Maftei Cioran et le rêve d’une génération perdue
© L'HARMATTAN, 2013 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01325-1 EAN : 9782343013251
LE CONTEXTE DE LA SOCIÉTÉ ROUMAINE ENTRE 1918 ET 1944 : LA JEUNESSE DE CIORAN
Nous définissons le paysage historique qui a entouré la formation intellectuelle de Cioran. La simple considération de ce contexte permet de comprendre et d’expliquer nombre de ses options politiques. Il serait erroné de juger Cioran en dehors du contexte historique.
1. Le climat économique, social, politique et idéologique La période de l’entre-deux-guerres fut l’une des plus effervescentes de toute l’histoire de la Roumanie moderne, tendue au niveau politique mais prospère du point de vue culturel. La lutte entre les partis politiques, la pluralité des idéologies, les répercussions sociales, l’intensité des productions culturelles ont construit l’ensemble d’une réalité interactive. Cette période fébrile débuta avec l’année de l’unification de toutes les provinces roumaines, 1918 et se conclut avec celle de l’installation proprement dite du communisme, en 1944. Pendant presque trente ans la démocratie et l’autoritarisme furent pleinement exercés, culminant avec la création d’une génération balancée entre ces deux extrêmes. Ce fut une période durant laquelle la Roumanie essaya, sans complètement faire fi de ses traditions, de se rapprocher du modèle occidental du capitalisme. En 1918, la Roumanie hérita de trois provinces aux potentiels économiques très différents : la Transylvanie, la Bessarabie et la Bucovine. La population était essentiellement rurale et comptait un pourcentage assez élevé, 28,1%, d'individus d'origine non roumaine et tout à fait indifférents à l’unification. Les coûts réels de cette unification furent en réalité assez importants. Il est possible que le déclin de la Roumanie ait commencé juste après le regroupement de ces provinces. L’unification fut réalisée de façon automatique, faisant appel à la centralisation par des lois et des réformes, et en ignorant les crises régionales dans les provinces annexées. Les autorités locales comprirent très vite que l’unification ne représentait un avantage que pour certaines personnes privilégiées. Dans le même temps, à partir de ce moment s'accrut le problème de l’intégration des minorités, notamment des Juifs, et la reconnaissance de leurs droits. Faisant preuve d’un certain manque d’intuition quant aux turbulences politiques à venir, Ion I. C. Brătianu, premier ministre de la Roumanie et chef du Parti Libéral, nia dans un premier temps l’existence de tout problème juif et refusa de signer le traité de Saint-Germain avec l’Autriche le 10 septembre 1919. Les politiciens roumains considèrent la naturalisation des minorités comme allant de soi. Mais malgré toutes les difficultés inhérentes à une telle décision politique, l’année 1918 fut pour la Roumanie une étape nécessaire à la maturation de son système politique, législatif et éducationnel. La Roumanie
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expérimenta, sur une période très courte, une forme néophyte du capitalisme et surtout du libéralisme. Après 1918, le parti libéral renforça sa position car « il dirigea avec beaucoup d’autorité entre 1922-1928 (avec une interruption entre mars 1926 et juin 1927) et 1933-1937. La période 1922-1926 fut probablement l’époque des plus grands succès libéraux, le gouvernement de Ion I. C. Brătianu résolvant avec compréhension les problèmes difficiles 1 auxquels faisait face l’État récemment formé . » Le libéralisme représenta donc le principal courant de pensée économique et sa suprématie consolida en outre la position économique de la bourgeoisie nationale, notamment industrielle et financière. Le libéralisme développé dans la période de l’entre-deux-guerres emprunta au libéralisme roumain antérieur au moins trois éléments principaux : l’idée selon laquelle la propriété privée représente le fondement de l’initiative libre et de la complète liberté de circulation des agents économiques, l’idée de l’industrialisation de la Roumanie et de sa protection contre la compétition étrangère, et l’idée de la priorité des intérêts nationaux sur les intérêts des capitalistes étrangers. Si l’on compare les e e principes du libéralisme traditionnel des 18 et 19 siècles avec les réalités économiques et sociales de la Roumanie de l’entre-deux-guerres, on observe que les promoteurs roumains du libéralisme de cette époque insistaient sur l’implication de l’État pour soutenir le processus d’industrialisation du pays (justifiant ainsi son interventionnisme) et sur la considération des problèmes sociaux résultant de certains effets négatifs de l’économie de marché comme le chômage, la pauvreté, l’inégalité des revenus. C’est l’époque à laquelle l’économiste roumain M. Manoilescu soutint que la forme régénérée du libéralisme prendra le nom de néolibéralisme. Selon le néolibéralisme roumain, l’interventionnisme et le dirigisme de l’État n'entravent pas la liberté des agents économiques. L’orientation des initiatives privées se fit en fonction de l’intérêt général de l’économie du pays. M. Manoilescu remarqua la présence d’un protectionnisme exagéré, entretenu par des taxes de douane et des taxes spéciales atteignant parfois 100% de la valeur des marchandises importées. Ce protectionnisme excessif rendit les produits industriels roumains non-compétitifs sur le marché mondial. Comme le précisait M. Manoilescu, « les produits industriels roumains devraient, en général, être moins chers que les produits étrangers, 2 et non pas plus chers, comme ils le sont aujourd’hui . » Mais la plupart des promoteurs du néolibéralisme roumain considéraient que la politique externe du libre-échange était complètement inadaptée aux pays sous-développés (qui optèrent pour l’industrialisation et la consolidation de leur indépendance économique) et notamment à la Roumanie, pour laquelle ils prônèrent durant l’entre-deux-guerres une politique économique externe protectionniste. Quoi qu'il en soit, la pensée économique néolibérale dans la Roumanie de l’entre-deux-guerres est radicalement différente de celle du néolibéralisme européen puisqu'elle opte, avec l’intervention massive de l’État et un protectionnisme douanier, pour une orientation dirigiste. La pensée
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néolibérale défend l’économie de marché fondée sur la propriété privée et la liberté d’action des agents économiques, sans toutefois les élever en valeurs absolues. Elle préconise l’intervention massive de l’État dans l’économie, concernant le développement de l’industrie nationale comme sa protection vis-à-vis de la concurrence étrangère. L’interventionnisme, au travers du dirigisme, se veut responsable de l’équilibre social sur le plan interne et de l’augmentation de l’efficacité du commerce extérieur de la Roumanie. Les partisans du libéralisme militèrent pour une forte industrialisation de la Roumanie, en exagérant le rôle majeur de la bourgeoisie dans le système économique et surtout politique ; la bourgeoisie roumaine fut un phénomène artificiel, créé par quelques hommes voulant absolument importer des idées libérales et une classe politique représentative dans un pays essentiellement agricole. Les partisans du traditionalisme écrivirent souvent dans les journaux de l’époque que la bourgeoisie n’avait pas de racines historiques chez les Roumains, les conditions historiques nécessaires à sa création faisant défaut. Un autre aspect très important de cette période fut le vote de la loi agraire en 1921 qui abolit la grande propriété, transformant ainsi la Roumanie en un pays de petits propriétaires. Cette réforme fut complétée par un événement libéral et démocratique : le vote de la Constitution de 1923 (« le document officiel de la naissance du néolibéralisme roumain », d’aprèsùtefan Zeletin ; document qui légitimait « l’intervention du pouvoir de l’État et la conception 3 des libertés individuelles comme fonctions sociales »). La Constitution restera valide jusqu’en 1938, année de l’instauration de la dictature royale. Les points de vue des spécialistes sont assez divers sur les mesures libérales comme sur celles des partis politiques d’opposition. Zigu Ornea, dans TradiĠionalismúi modernitate în deceniul al treilea (Traditionalisme et modernité dans les années 30),évoque la dictature libérale et la poursuite constante de leurs intérêts personnels par les libéraux, complètement indifférents au bon fonctionnement de l’État roumain. Par ailleurs, Vlad Georgescu, dans son ouvrageIstoria românilor. De la origini pânăîn zilele noastre (L’Histoire des R oumains. De l’origine jusqu’à nos jours), accuse le parti d’opposition, c'est-à-dire le Parti National Paysan, d’avoir accepté l’arrivée en Roumanie du Roi Carol II en 1930 et l’alliance avec la Garde de Fer en 1937. La domination du libéralisme dans l’entre-deux-guerres conduisit à l’ascension de la bourgeoisie autochtone grâce à la formule autarcique « par nous-mêmes » et à la réduction du nombre des grands propriétaires fonciers due à la réforme agraire ; les propriétaires fonciers, d’origine roumaine, tenaient au maintien du pays dans un traditionalisme assez incommode pour e une nation qui venait de rentrer dans le 20 siècle. L’existence d’autres partis politiques comme Le Parti du Peuple, le Parti National Démocrate de Nicolae Iorga, le Parti National-Chrétien de Goga/Cuza, tous anti-libéraux, pourrait confirmer la création d’un cadre au moins semi-démocratique, ces
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