Essai sur la laïcité
256 pages
Français

Essai sur la laïcité , livre ebook

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256 pages
Français

Description

« La laïcité n'est pas « une pensée de répression » (Marx), mais une « pensée de résistance » (idem), et donc de liberté : elle est une arme qui permet de résister aux dispositifs et aux pratiques qui font de la société soit l'espace d'une exclusion réciproque des individus entre eux, soit le lieu d'une simple coexistence d'individus qui ne font que se tolérer les uns les autres, et qui par là empêchent que la société soit un lieu de coopération entre des individus (...) » (Frank Fischbach)

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Informations

Publié par
Date de parution 03 octobre 2018
Nombre de lectures 7
EAN13 9782140101700
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Laurent Maronneau
Essai sur la laïcité Condition de possibilité de l’émancipation
Préface de Franck Fischbach
Essai sur la laïcité
Laurent Maronneau Essai sur la laïcité Condition de possibilité de l’émancipation Préface de Franck Fischbach
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15879-2 EAN : 9782343158792
Préface
Je me rappelle, fin 1983 et début 1984, m’être procuré dans une papeterie un paquet d’autocollants blancs et vierges sur lesquels j’avais ensuite écrit au feutre rouge : « La laïcité, c’est la liberté ! », ou plus brièvement : « Laïcité = Liberté ». Je profitais de mes ballades dans les rues de Paris pour coller mes autocollants de fabrication artisanale sur les feux rouges, sur les réverbères, sur les colonnes ère Morris. J’étais élève en classe de 1 au lycée Condorcet à Paris et l’époque était à la « querelle » ou à la « guerre scolaire ». François Mitterrand était président de la République et il avait chargé son ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, de soumettre au Parlement un projet de loi qui puisse lui permettre de dire qu’il réalisait celle des « 110 propositions » inscrites à son programme qui visait la constitution d’un « grand service public unifié et laïque de l’éducation nationale », et donc la suppression de la séparation entre l’enseignement public et l’enseignement privé, qui se trouve être catholique dans sa grande majorité.
En réalité, les projets présentés par Savary d’abord fin 1982, puis de nouveau à la rentrée de 1983 et finalement la loi elle-même votée début 1984 étaient très en retrait relativement au projet initial d’un service public unifié et laïque d’éducation, de sorte que cela ne pouvait faire que des mécontents, aussi bien du côté des partisans de l’école publique et laïque que du côté des défenseurs de l’école privée, autoproclamés défenseurs de « la liberté ». Je faisais partie de ceux qui, dans le camp de la laïcité et du service public, militaient et se mobilisaient en réalité moins contre la droite et les partisans de l’enseignement privé que plutôt dans le but et l’espoir d’exercer une pression sur le gouvernement de Pierre Mauroy afin qu’il tienne l’une des promesses importantes du programme de 1981.
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Je ne puis repenser à cet épisode politique et à la première moitié des années 1980 sans devoir constater à quel point nous avons depuis complètement changé d’époque. Qui aurait pu penser que l’équivalence que j’inscrivais au marqueur sur mes autocollants : « Laïcité = Liberté », finirait par devenir un jour problématique ? Que s’est-il passé pour que cette identification de la laïcité à la liberté (et inversement) n’ait plus à gauche l’évidence qui était encore immédiatement la sienne aux yeux du lycéen que j’étais en 1983 ? Une défaite idéologique majeure et catastrophique s’est produite depuis, dont les prodromes étaient pourtant déjà bien présents dans les slogans de la droite à l’époque : c’est en effet la droite qui s’est mobilisée pour la liberté et, comme elle disait, contre « le totalitarisme », comme s’il y avait jamais eu la moindre menace totalitaire dans la France du gouvernement Mauroy.
Le procédé me paraissait tellement grossier qu’il en était ridicule et forcément destiné à apparaître comme tel aux yeux du plus grand nombre. Il est difficile de commettre une plus grave erreur d’appréciation : l’identification de la liberté à l’enseignement privé et payant, la confusion de la liberté avec un privilège, la dilution de la liberté dans le sacrosaint « libre choix des familles », tout cela préparait les esprits à l’entrée dans l’ère néolibérale – ce qui fut fait dès le retrait de la loi Savary et le remplacement de Pierre Mauroy par Laurent Fabius en juillet 1984, et donc sans attendre le retour de la droite aux affaires en 1986.
Ainsi donc la liberté était devenue une valeur de droite. Ceci étant fait, la même chose ne pouvait manquer à brève échéance d’arriver aussi à la laïcité. Quelques « querelles du foulard » plus tard et l’affaire était dans le sac : la laïcité était sortie du camp de l’émancipation et du mouvement, et passée dans celui de l’ordre et de la réaction. En la baptisant « laïcité à la française », il devenait même possible de la faire basculer dans le nationalisme et de l’inscrire au programme de l’extrême droite. La laïcité servira donc désormais à la répression et à l’intimidation, et la voilà mise avec le saucisson et le jambon beurre au rayon des attributs de « l’identité nationale » et de la France éternelle. Triste époque.
Le grand mérite et l’apport majeur du livre de Laurent Maronneau (issu de la thèse pour le doctorat de philosophie qu’il a soutenue devant l’université de Metz en 2016) tiennent à la distinction
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théorique qu’il propose de faire entre la laïcité et ce qu’il appelle le laïcisme. La pensée d’exclusion et de répression qui voudrait se légitimer en prenant le nom de laïcité n’en relève en réalité absolument pas, mais correspond en revanche complètement au laïcisme, à ce sous-produit résiduel issu de la transformation idéologique de la laïcité qui permet qu’elle soit mise au service de pratiques discriminatoires et répressives qui lui sont diamétralement opposées. La laïcité n’est pas « une pensée de répression » (Marx), mais une « pensée de résistance » (idem), et donc de liberté : elle est une arme qui permet de résister aux dispositifs et aux pratiques qui font de la société soit l’espace d’une exclusion réciproque des individus entre eux, soit le lieu d’une simple coexistence d’individus qui ne font que se tolérer les uns les autres, et qui par là empêchent que la société soit un lieu de coopération entre des individus dont la reconnaissance mutuelle et réciproque permet qu’ils se complètent les uns les autres et soient authentiquement les unsavecles autres.
J’invite à s’engager dans la lecture exigeante mais passionnante de l’enquête théorique et historique de grande ampleur menée par Laurent Maronneau : cette étude permet que soit restitué – à moins qu’il ne faille dire restauré – le lien organique entre la laïcité et l’horizon à la fois de la transformation sociale et de l’émancipation humaine.Franck FischbachStrasbourg, août 2018
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