Frédéric Nietzsche - Contribution à l histoire des idées philosophiques et sociales à la fin du XIXe siècle
105 pages
Français

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Frédéric Nietzsche - Contribution à l'histoire des idées philosophiques et sociales à la fin du XIXe siècle , livre ebook

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Description

Un événement intellectuel qui sollicite l’attention la plus paresseuse, un fait mental qui frappe et surprend par son indéniable valeur symptomatique, une attitude peu ordinaire prise par la pensée vis-à-vis du monde : le nietzschéanisme — ontologie plutôt maigre et somptueuse philosophie sociale, — le nietzschéanisme est sûrement tout cela. Et c’est déjà beaucoup.Serait-il autre chose encore ? Signifierait-il l’accession au trône vide de la philosophie d’une doctrine jeune, puissante, pleine de sève ?Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 2
EAN13 9782346068197
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Eugène de Roberty
Frédéric Nietzsche
Contribution à l'histoire des idées philosophiques et sociales à la fin du XIXe siècle
A MON TRÈS CHER AMI
 
 
PAUL ADAM
PREMIÈRE PARTIE
CARACTÉRISTIQUE GÉNÉRALE
I
Un événement intellectuel qui sollicite l’attention la plus paresseuse, un fait mental qui frappe et surprend par son indéniable valeur symptomatique, une attitude peu ordinaire prise par la pensée vis-à-vis du monde : le nietzschéanisme  — ontologie plutôt maigre et somptueuse philosophie sociale, — le nietzschéanisme est sûrement tout cela. Et c’est déjà beaucoup.
Serait-il autre chose encore ? Signifierait-il l’accession au trône vide de la philosophie d’une doctrine jeune, puissante, pleine de sève ? Des esprits à l’enthousiasme facile se sont plu à l’espérer : je comprends et je respecte, sans la partager, leur illusion.
D’ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse, dès aujourd’hui, juger l’œuvre de Nietzsche d’une façon complète ou définitive. Mais, à défaut d’un semblable effort, je veux, dans les pages suivantes, apporter aux historiens et aux critiques futurs qui auront tout loisir pour reviser nos sentences, quelques éléments nouveaux d’information, le témoignage d’un contemporain. Je cherche surtout, dans mon travail, à déduire, de l’examen de la mentalité si complexe du célèbre moraliste, les divers enseignements qu’elle comporte. La présente étude est donc autant — les lecteurs s’en apercevront bien — un livre sur Nietzsche qu’un livre à propos de Nietzsche.
S’inspirant de certaines boutades de Nietzsche lui-même, on a prétendu que sa personnalité intellectuelle et morale était beaucoup plus intéressante que sa doctrine : admirable prétexte pour rabaisser cette dernière ! Tel, entre autres, est l’avis du critique danois Brandes. Comparant Schopenhauer et Nietzsche à Spencer, Mill, Bain et Lewes, ne déclare-t-il pas que si ceux-ci nous touchent plus par ce qu’ils font que par ce qu’ils sont, ceux-là, devins, voyants, artistes, sont moins précieux par leur œuvre que par leur personne ? J’avoue ne point saisir l’utilité de cette distinction qui veut être fine et profonde et qui me paraît insignifiante et superficielle. Un penseur ne vaut que par les idées effectivement émises par lui ; or, si celles-ci sont petites, médiocres ou falotes, l’écrivain qui les aura exprimées ne sera point le « grand homme » dont Nietzsche dit quelque part : « Il y a dans un philosophe ce qu’il n’y a jamais dans une philosophie : la cause de beaucoup de philosophies ».
L’œuvre du philosophe comprend aussi bien les idées plus ou moins neuves et fortes qui sillonnent son cerveau (et qui déjà relient les uns aux autres une multitude de faits), que l’arrangement systématique, l’ordonnance rationnelle de semblables matériaux. Chez Nietzsche, ses plus ardents adversaires l’admettent, les idées ne sont ni basses, ni communes ; mais elles s’accordent mal entre elles, elles s’entrechoquent parfois avec violence, elles semblent venir de sources distinctes, elles paraissent se rattacher à plusieurs systèmes différents. Nietzsche se moque de la symétrie voulue, de l’ordre obligatoire ; il y voit les traits habituels de ce qu’il nomme « l’esprit de lourdeur », l’apanage du philistin. Mais la volonté qui préside à la conception et à l’exécution d’un plan, n’est-elle pas plus subjective, en somme, que la connaissance qui observe, qui scrute, qui souvent bouleverse la réalité ? Que signifient, dès lors, les nombreux hommages et les éloges qui, passant par-dessus la philosophie de Nietzsche, prétendent s’adresser à la personne seule du philosophe ?
Je me place, dans cette étude, à un point de vue différent. C’est l’œuvre de Nietzsche en ce qu’elle offre d’impersonnel et d’objectif, ce sont les parties ou les éléments durables de sa philosophie et de sa sociologie qui m’intéressent avant tout et qui me semblent posséder une valeur certaine. Valeur négative ou critique sans doute ; mais la négation ne jouet-elle pas dans les choses de la vie morale ou sociale un rôle pareil à celui que la décomposition tient dans les phénomènes de la vie physiologique : ne fait elle pas manifestement partie de l’œuvre édificatrice totale ? On ne saurait assez combattre, en vérité, cette grosse erreur — l’un des préjugés les plus répandus de la demi-science sociale actuelle, — qui consiste à croire que « la faculté destructive est sans cesse à notre portée, que l’anéantissement d’une société peut être fort rapide, que sa reconstitution, au contraire, est toujours très lente, en sorte qu’il faut à l’homme des siècles d’efforts pour rebâtir péniblement ce qu’il a démoli en un jour ». Voilà, à mon sens, de bien vaines paroles. Les forces brutes de la nature peuvent quelquefois, avant qu’une civilisation avancée y ait mis bon ordre, porter des coups subits et violents à la prospérité des hommes ; mais l’humanité elle-même se montre infiniment respectueuse de l’œuvre sortie de ses mains. Des siècles de sape patiente, interrompue par des replâtrages répétés, précèdent dans la vie sociale l’écroulement du moindre pan de mur ; et les plus fortes bourrasques, les grands orages révolutionnaires ne balayent, d’habitude, et ne dispersent au vent que les poussières de choses depuis longtemps tombées en ruine. On s’en aperçoit vite lorsque renaissent la paix et la lassitude des jours ordinaires.
Quoi qu’il en soit, je n’attache qu’une importance minime aux éléments subjectifs de la philosophie de Nietzsche. Son cas est, en somme, pareil à celui de tous les philosophes. Il faut, pour peser les doctrines nietzschéennes dans une juste balance, tenir largement compte à leur auteur de ce qu’on nomme « l’équation personnelle » ; il faut avoir égard à son tempérament mobile et inquiet, à son imagination d’artiste toujours en éveil, à sa sensibilité excessive. On devrait, par suite, ce me semble, passer rapidement sur les inconséquences, les contradictions, les lubies, les étrangetés qui émaillent, comme autant de fleurs sauvages ou monstrueuses, la plupart de ses écrits, pour ne s’arrêter avec piété que devant le résultat net, le produit ultime de cette extraordinaire fermentation, de cette tension extrême, de cette dépense énorme de toutes les forces vives de l’âme !
II
Les souffrances physiques vaillamment endurées par Nietzsche et la poignante catastrophe qui termina sa courte carrière, qui couronna d’une lugubre auréole de martyr sa vie simple et modeste, émeuvent les plus durs d’entre nous et remplissent nos cœurs d’un sentiment de vague protestation et de tristesse. Nous ne pardonnons pas aisément au sort sa perpétuelle et irritante cécité. Et ce mouvement d’humeur profite à la personnalité du philosophe ; il contribue à la mettre en relief, il lui donne une sorte de vie factice, une existence distincte de celle de son œuvre. Car, pour le reste, la vie de Nietzsche se confond avec l’histoire de ses livres. Sa biographie se compose presque exclusivement de dates typographiques. D’ailleurs, elle n’est pas compliquée, on peut la raconter en quelques mots. En voici quelques traits qui méritent une brève notation.
Nietzsche fut un enfant modèle, « ungeheuer artig, ein wahres Musterkind ». disent les mémoires de sa sœur, Mme Fœrster. Il étonnait ses maîtres et ses compagnons par la régularité de ses habitudes et par sa stricte o

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