Kant : l anthropologie et l histoire
226 pages
Français

Kant : l'anthropologie et l'histoire , livre ebook

226 pages
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Description

Les textes du présent recueil reprennent et complètent les contributions présentées lors de deux journées consacrées à la philosophie de l'histoire de Kant, dans le cadre de la préparation à l'agrégation d'allemand 2011. Les contributeurs se sont intéressés à la fonction croisée de l'anthropologie et de l'histoire au sein de la pensée kantienne.

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 75
EAN13 9782296462106
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Kant : l’anthropologie et l’histoire
DE LALLEMAND(DA) Collection dirigée par : Françoise Lartillot (Germaniste, Professeur de l’Université de Metz) et Joël Bernat Comité scientifiqueAxel Gellhaus (Aix-la-Chapelle), Michel Grunewald (Metz), Eva Koczisky (Budapest, Szeged), Nadia Lapchine (Toulouse), Reiner Marcowitz (Metz), Ina Ulrike Paul (Munich, Berlin), Alfred Pfabigan (Vienne), Uwe Puschner (Berlin), Jean Schillinger (Nancy), Françoise Lartillot (Metz), Joël Bernat (Nancy) Le titre de cette collection fait écho à celui de Mme de Staël,De l’Allemagne, qui voulait diffuser plus largement la littérature et la pensée allemandes en France. La connaissance de l’Allemagne et de ses lettres s’est diversifiée depuis, elle n’est plus, espérons-le, la cause de quelque bannissement ; pourtant il ne semble pas superflu de soutenir par une médiation renouvelée la diffusion de ce qui s’écrit « en allemand » (que ce soit de textes d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse alémanique, …). Tel est le sens de «DAun premier volant de la» : collection présente des traductions de textes encore inconnus en France, soit littéraires soit critiques, elle ne négligera pas de présenter à l’occasion des textes qui, pour être déjà connus en langue française, n’en recèleraient pas moins encore quelque secret recouvert par certaines habitudes de lecture et qu’il s’agirait alors d’exhumer. La lecture critique sera au cœur de l’autre volant de «DA», lectures d’œuvres en langue allemande, qui proposeront non seulement des voies d’accès mais aussi une réflexion sur ces voies, qu’elles suivent et feront donc jouer les points de vue. Donc une collection qui se divise en deux séries : des études et recherches universitaires, et des traductions inédites en français.
sous la direction de Olivier Agard et Françoise Lartillot Kant :
l’anthropologie et l’histoire
L’HARMATTAN
© L'HARMATTAN, 2011 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54994-4 EAN : 9782296549944
* ** Olivier Agard & Françoise Lartillot Introduction Kant intervenant à la fin du mouvement intellectuel des Lumières allemandes, l’on peut sans doute considérer que sa pensée produit une synthèse des avancées de ce mouvement ainsi que des failles et des difficultés qui le caractérisent. Cela est particulièrement vrai dans les domaines croisés de l’histoire et de l’anthropologie où Kant opère un difficile ballet entre « l’histoire idéale » et son « corrélat réaliste ». De ce ballet, Philippe Raynaud donne une description parlante à travers l’affirmation suivante : « Ce qu’il y a de naturaliste chez Kant s’inscrit donc dans une philosophie de la subjectivité (la Raison pose les fins, elle ne fait pas que les « découvrir » dans la Nature), qui est aussi une pensée de lafinitude(la considération de la finalité provient des limites de notre esprit). La référence à la finalité naturelle a pour fonction ici d’établir une continuité entre la raison commune et la réflexion critique et d’expliciter pour nous les conditions auxquelles les exigences de la Raison peuvent être réalisées dans le monde sensible : en ce sens l’histoireidéaleque décrit Kant est le 1 corrélatréalistede sa philosophie morale. » C’est précisément à ces questions que se sont confrontés les chercheurs réunis lors de deux journées d’études à Metz et à Paris en proposant de relire plus particulièrement les textes de Kant qui sont rassemblés dans le volume 2 Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pädagogikà propos et desquels nous proposons dans ce qui suit un inventaire raisonné des problématiques , destiné à faciliter la lecture des articles. I. Le statut des textes sur la philosophie de l’histoire dans le système kantien Une tradition interprétative veut que ces textes parus pour l’essentiel dans des revues n’aient qu’une importance marginale dans l’architectonique du système kantien. Une autre lecture considère au contraire qu’ils sont d’une importance fondamentale dans cette architectonique, parce qu’ils traitent de la question décisive du passage de l’être au devoir-être, et qu’ils donnent un ancrage concret à l’anthropologie morale kantienne. Cette question du passage de la nature à la raison et des médiations possibles entre les deux domaines est au centre de laCritique de la faculté de juger, à laquelle, par bien des aspects les * Maître de conférences, Université Paris-Sorbonne (Paris IV). ** Professeur de littérature et d’histoire des idées modernes à l’Université Paul Verlaine – Metz. 1 Philippe Raynaud :Introductionà Kant :Opuscules sur l’histoire.Présentation par Philippe Raynaud. Traduction par Stéphane Piobetta. GF Flammarion, Paris, 1990, p. 7-36, ici p. 36. Les italiques dans la citation sont de Philippe Raynaud. 2  Immanuel Kant :Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie und Pädagogik 1. Werkausgabe Band XI. Herausgegeben von Wilhelm Weischedel. Suhrkamp, Frankfurt am Main, 1977. On se reportera bien entendu également au volume XII qui est complémentaire du XI.
textes sur l’histoire peuvent être rapprochés (en particulier en raison du rôle qu’y joue la téléologie). Plusieurs textes abordent ici cette question du statut de la philosophie de l’histoire dans l’économie du système kantien. Gérard Raulet, s’inspirant de la lecture proposée par Jean-François Lyotard, - qui voit dans laCritique de la faculté de juger, non une sorte de synthèse harmonieuse, mais au contraire la mise en 3 évidence de différents irréductibles entres les diverses facultés humaines -interprète ces textes comme une réflexion sur les « passages », entre l’être et le devoir-être, mais aussi entre les divers îlots qui composent l’ « archipel » d’une raison pensée sur le mode de l’éclatement. Vus sous cet angle, les textes sur l’histoire renvoient à des enjeux centraux du système kantien. C’est aussi la conclusion à laquelle arrivent Jean-Michel Muglioni et Cédric Chappuis qui montrent comment tous ces textes répondent non seulement à la question « Que puis-je espérer ? » (en tant qu’ils montrent que la raison pratique n’est pas incompatible avec le cours de la nature, à condition de considérer celui-ci sous l’angle de la téléologie), mais aussi à la question : « Qu’est-ce que l’homme ? ». Fondamentalement, Kant répond à cette question par une anthropologie morale, qui assigne à l’homme une destination (et de ce point de vue Kant assume une dimension téléologique de sa pensée). Encore faut-il que cette destination humaine puisse recevoir une traduction concrète, empirique, et c’est là qu’interviennent les textes sur l’histoire qui visent à démontrer que 4 téléologie morale et téléologie naturelle peuvent tout à fait se rejoindre . Cédric Chappuis insiste sur l’importance dans ce contexte de la notion de « Fürwahrhalten », c’est-à-dire sur la manière dont « la raison donne son assentiment à un objet de croyance si bien qu'elle tend à rendre possible l'action ». De ce point de vue, on peut dire que les textes sur l’histoire s’inscrivent dans une sorte d’entre-deux situé entre l’anthropologie morale (qui définit la destination de l’homme) et l’anthropologie dite « pragmatique », qui, à la différence d’une anthropologie purement physique, réfléchit sur ce que l’homme fait de sa nature, parce qu’il est la seule créature qui se construit elle-même. Kant peut de ce point de vue être situé dans le contexte du tournant anthropologique de l’Aufklärung, même si l’originalité de sa philosophie 5 transcendantale lui confère une place singulière .
3  Jean-François Lyotard,Le différend, Paris, Minuit, 1983. Voir aussi : Jean-François Lyotard, Leçons sur l' « Analytique du sublime » : Kant, « Critique de la faculté de juger », paragraphes 23-29, Paris, Galilée, 1991. 4 Voir Jean-Michel Muglioni, La philosophie de l'histoire de Kant : qu'est-ce que l'homme?, Paris, PUF, 1993. 5  Sur le tournant anthropologique de l’Aufklärung: Jörn Garber /Heinz Thoma (éds.),, voir Zwischen Empirisierung und Konstruktionsleistung. Anthropologie im 18. Jahrhundert (Hallesche Beiträge zur Europäischen Aufklärung 24), Tübingen, 2004.
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II. la téléologie naturelle et la question des races Un des éléments très fort de continuité dans tous les textes du recueil est la réflexion sur la téléologie. DansLa Critique de la faculté de juger, le jugement téléologique s’avère nécessaire pour penser le vivant : dans un organisme, tout se passe comme si toutes les parties étaient organisées en fonction d’un tout. De façon générale, la téléologie permet de dépasser le simple plan de l’être pour passer – sur le mode réfléchissant – à celui d’un sens, d’une intention. Kant ne retombe toutefois pas dans un usage « dogmatique » de la téléologie, usage qu’il reproche à Herder, qui fait reposer la téléologie sur l’existence de forces organiques réelles. Ce regard téléologique sur la nature est ce qui fait le lien entre les textes sur les races – dont on pourrait penser à tort qu’ils relèvent d’une problématique strictement naturaliste- et les textes sur l’histoire. De fait, les deux textes sur les races présents dans le recueil au programme s’inscrivent dans les débats biologiques de l’époque (et ils sont en particulier le fruit d’un dialogue constant avec Johann Friedrich Blumenbach), mais ils portent aussi la marque de la philosophie transcendantale. Dans sa contribution, Philippe Huneman montre comment Kant se positionne dans toute une série de discussions autour de la biologie, et comment la solution qu’il propose esquisse une voie moyenne entre les théories « préformistes » (pour lesquelles l’embryon contient déjà toutes les caractéristiques de l’adulte) et les théories « épigénétiques » (qui insistent sur le rôle du milieu dans le développement de l’individu). En reliant la couleur de la peau à des germes présents chez tous les individus, mais qui sont par la suite activés par des interactions avec le milieu, Kant fait une place à la téléologie, conçue sur un mode réfléchissant, puisque la présence des germes relève d’une intention de la nature qui a voulu que les hommes se dispersent sur la terre. En même temps, il intègre aussi le rôle purement mécanique des « causes occasionnelles » (le milieu, le climat) et en revient à une téléologie pré-critique de type aristotélicien. D’un point d’histoire des théories biologiques, la contribution de Kant est selon Philippe Huneman importante, dans la mesure 6 où il est un des premiers à proposer une théorie de l’adaptation . Par ailleurs, parce qu’il considère qu’on ne peut rien dire de la couleur de la peau de la souche humaine primitive (antérieure à la différentiation raciale), on peut considérer que Kant propose une des théories les moins « racistes » de l’époque (les remarques racistes que l’on peut rencontrer ici ou là sous la plume de Kant doivent être tempérées par le fait qu’en tant que noumènes les hommes partagent tous la même destination). La question des races faisait à l’époque de Kant l’objet d’un intense débat. Herder considérait en effet qu’il n’y avait pas de races, mais seulement des peuples. Un autre contradicteur de Kant fut Forster, et dans son article, Anne 6 Pour plus de précisions, on se reportera à : Philippe Huneman,Métaphysique et biologie : Kant et la constitution du concept d'organisme, Paris, Kimé, 2008.
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Lagny présente ce qui constitue selon elle l’enjeu profond de la controverse entre les deux auteurs, à savoir la question de la méthode. A l’optique transcendantale dont il apparaît qu’elle est une optique synthétique apparaissant après coup et négligeant certaines dimensions constatives du discours scientifique (ainsi de la méprise de Kant relativement à « la véritable couleur jaune »), Forster oppose une approche empirique, voulant frayer un chemin à la connaissance d’un objet encore mal connu sans étayer de préjugés. Le texte sur Sömmering témoigne du fait que Kant suivait avec attention les débats biologiques de son époque, Sömmering étant en outre familier de Forster. Concernant Sömmering, Kant cherche plutôt à établir un rapprochement entre sa méthode et le mode de pensée de Sömmering, allant jusqu’à considérer qu’il y a une parenté entre leurs deux univers, relativement à la question du positionnement de l’âme par rapport au corps. Angèle Kremer-Marietti retrace l’échange entre Kant et Sömmering et la manière dont Kant légitime ce lien de parenté qui pourrait paraître étrange à première vue. III. La médiation du droit Une des raisons qui permet de penser légitimement que l’homme peut progresser vers une organisation plus raisonnable et donc aussi plus conforme à sa destination est le progrès du droit. Comme le montrent aussi bien Gérard Raulet que Monique Castillo, le droit est à la fois conçu dans une perspective téléologique (tout se passe comme si les hommes étaient conduits par leurs penchants naturels - la fameuse « insociable sociabilité » - vers le droit), et dans une perspective morale ou pratique (au sens kantien) : en effet le droit à un fondement transcendantal, antérieur à tout critère empirique. Il est une idée de la raison. Monique Castillo expose de façon très détaillée les présupposés de cette conception qui refuse de faire du succès, de la puissance, de la prospérité, un critère du droit, et qui ancre le droit dans la raison, en tant que celle-ci est la seule à pouvoir emporter durablement la conviction. Kant rappelle dans le traité de la paix perpétuelle que même les pires despotes sont toujours contraints de se réclamer du droit. Cet usage purement rhétorique et instrumental du droit prouve néanmoins à contrario que le droit constitue une sorte d’horizon d’attente universel lié au fait même d’être homme. Aussi bien chez Gérard Raulet que chez Monique Castillo, on trouvera une définition de la constitution républicaine, telle que la conçoit Kant. Dans cette conception l’état de droit est opposé à l’état de nature, ce dernier étant moins conçu comme un évènement historique que comme une sorte de projection expérimentale qui permet de comprendre la spécificité de l’homme en tant qu’être de culture. C’est pourquoi le droit de résistance pose problème en tant qu’il apparaît comme une interruption de la continuité du droit, voire un retour à l’état de nature. Cette condamnation théorique de la révolution ne doit pas voiler ce que Kant doit à la Révolution Française : toute le monde s’accorde à penser que dans ses écrits des années 1790, quand la « société civile » de l’Idée d’une histoire  10
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