La Religion des libres penseurs - Lettres normandes
72 pages
Français

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La Religion des libres penseurs - Lettres normandes , livre ebook

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Description

Je viens, mon ami, m’acquitter aujourd’hui d’une promesse que je vous fis naguère, lorsque, disant adieu à la docte Faculté, vous alliez à votre tour prendre part aux devoirs, aux droits, aux luttes de la vie sociale.Il fut convenu que nous entreprendrions ensemble une excursion dans le camp des libres penseurs, pour étudier ce qu’ils appellent le progrès religieux. Vous en aviez senti naître le désir à la lecture d’un ouvrage sur la religion naturelle, qui semblait échappé à une plume chrétienne, tout en prétendant se maintenir en dehors de la foi révélée.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 7
EAN13 9782346134052
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Alexis Collard
La Religion des libres penseurs
Lettres normandes
EPITRE AU LECTEUR

*
* *
Comme on voit, dans l’immense espace, Un cortége respectueux Du soleil poursuivre la trace Et l’accompagner dans les cieux, Ainsi, reine de la pensée,
L’Opinion voit-elle une foule empressée
Humblement lui faire sa cour. Est-ce pour encenser l’idole Que je me présente à mon tour ?
Non, non, lecteur ; si je prends la parole, D’un pouvoir usurpé je ne subis la loi Qu’en protestant ; c’est là mon rôle à moi. Je rougis de jouer le courtisan vulgaire. Ce n’est pas à genoux que je cherche à te plaire ; Trop d’autres à ce prix ont brigué tes faveurs.
Moi, je dédaigne des honneurs Qu’il faut payer d’une bassesse.
Je puise dans mon cœur mes titres de noblesse.
 
 — De t’exposer à mes rigueurs, Écrivain, dis-moi, qui te presse ?
 
 — Cher lecteur, le voici :
Tu pourrais répéter, sans danger Dieu merci, Ce que criait un jour, conduit à la potence, Un pauvre patient, voyant la diligence,
Les coups, les cris
Du peuple qui courait se placer aux premières,
Attendez, mes amis !
Ne vous pressez pas tant : on ne fait rien sans moi. Espiègle, tu le sais : la chose est des plus claires ;
On ne fait rien sans toi. Eh bien ! sois donc bon sire,
Et pour me lire,
Au-dessus du talent place la vérité.
De ta sévérité
A ce compte que puis-je craindre ?
J’adore la franchise et honnis l’art de feindre, Sans redouter la fraude écoute mon récit.
Je veux citer à ton prétoire
Des systèmes qu’on vit chez toi prendre crédit. Mais le pas est glissant ; arbitre et contredit,
Permettras-tu d’évoquer leur mémoire ?
Admire ma simplicité : J’ai poussé la témérité
Jusqu’à peser leurs droits et contester leur gloire. Et c’est toi, c’est toi-même à qui je fais appel ; Toi qui leur as souri ! Frappe le criminel Qui prétend par tes mains déchirer la sentence.
Mais avant tout écoute sa défense :
A qui peut tout, il sied de rester tolérant.
 — Écrivain, songe à ton néant. Je prends en pitié ta démence.
Crois-tu, nouveau David, terrasser un géant ? Où donc est ton armure, et lorsque tu m’offenses,
Le ciel sera-t-il ton garant ?
 
 — C’est le projet d’un fou ; permets que je le tente. Libre à toi de frapper si, contre mon attente, Je ne puis à ton gré motiver mes dégoûts, Éveiller tout au moins un doute salutaire. Écrase un imprudent qui se livre à tes coups. De leur philosophie, ah ! connais le mystère ! Avant de t’engager, vois où tendent leurs pas : Tout leur progrès au fond consiste à ne rien croire. Tu fronces le sourcil : ton bon sens n’en veut pas. Oui, crois-moi ; j’ai tourné, retourné leur grimoire ; On nous fait Allemands ; on nous ferait Anglais. Moi de crier : Haro ! je veux rester Français. Regarde donc de près leur raison souveraine. N’est-ce pas le wagon s’élançant dans la plaine
Sans le serre-frein du bon sens ?
De grâce, cher lecteur, sache douter à temps. De l’âme quelquefois troublant la quiétude, Un doute rompt les fers rivés par l’habitude. Peut-être riras-tu de ton premier amour : Favori d’un instant, un auteur règne un jour. Puis viendra son procès, l’heure de la justice ; Il enflammait les sens, embellissait le vice ; Ou corrompant l’essence et du juste et du beau, Du sophiste à l’erreur il prêtait le manteau. Et ce fut ton idole... ah ! comprends mieux ta gloire ! On te dit esprit fort ; et pourtant de trop croire Combien de fois je fus tenté de t’accuser ?
Un beau diseur, agréable faussaire,
Aisément te ferait de moitié son compère :
Trop indulgent quand on sait t’amuser.
Mais on a vu, dit-on, sortir toute éplorée
La Vérité qui, sans être parée, A ton logis osa se présenter.
Ta conduite en ce point exige un commentaire.
Tu te plains quelquefois
Que cet ange ait quitté la terre
Hélas ! dis-moi : que peut-elle mieux faire
Quand tu l’as réduite aux abois ?
Je finis un discours qui peut-être te blesse. De ton goût souverain ai-je offensé les droits ? D’un esprit sans détours excuse la rudesse :
Les flatteurs ont perdu les rois. Maintenant porte ta sentence.
 
 — Grave auteur, — sujet sérieux, C’est trop d’un ; peut-être des deux.
Crois-moi donc, écrivain, rentre dans ton silence. A ton juge distrait feras-tu violence ?
Ah ! si tu charmais nos ennuis,
Tu pourrais te promettre une heureuse audience.
 
 — Merci d’un bon avis !
Timon veut qu’on l’amuse ? Oh ! si de mon sujet
Sous une parure légère
Je pouvais déguiser la teinte trop austère ! Instruire et plaire est un noble projet. Essayons donc si j’y saurai suffire : Mon cher lecteur, c’est à toi de le dire. Mais ne demande pas un style harmonieux,
Des tableaux gracieux,
Ni d’un art consommé la savante richesse. Je ne tends pas si haut : je connais ma faiblesse.
« Ne forçons pas notre talent, »
A dit un maître. Oui, je serais content Si, pour la vérité, mon cœur plein de tendresse, A force de l’aimer te semblait éloquent.
A M. DE *** AVOCAT.
LETTRE PREMIÈRE
Descends du haut des cieux, auguste Vérité.
VOLTAIRE, —  Henriade .
 
Je viens, mon ami, m’acquitter aujourd’hui d’une promesse que je vous fis naguère, lorsque, disant adieu à la docte Faculté, vous alliez à votre tour prendre part aux devoirs, aux droits, aux luttes de la vie sociale.
Il fut convenu que nous entreprendrions ensemble une excursion dans le camp des libres penseurs, pour étudier ce qu’ils appellent le progrès religieux. Vous en aviez senti naître le désir à la lecture d’un ouvrage sur la religion naturelle, qui semblait échappé à une plume chrétienne, tout en prétendant se maintenir en dehors de la foi révélée.
Le ton en contrastait si heureusement avec celui qu’affectent d’ordinaire les esprits forts, que vous vous demandâtes ce qu’il fallait y voir : symptôme de rapprochement ou hostilité habilement masquée ?
Parfaitement compétent pour en apprécier le côté littéraire, il vous parut prudent, par rapport au côté doctrinal, de prendre langue auprès d’un homme formé par des études spéciales à tracer une ligne entre le permis et le défendu, entre les croyances obligatoires et les opinions relevant de la liberté.
Je ne pouvais qu’applaudir à votre curiosité ; il est si restreint le nombre de ceux qui conservent le goût des graves et fortes études ! Mais du moment que l’on sait dérober quelques instants aux plaisirs et aux affaires, quel sujet plus fécond, plus noble, plus vivifiant peut-on se proposer que Dieu et sa Providence, l’âme et ses destinées ; en un mot, l’homme et la société ? N’est-ce pas là sur tout que l’on peut s’écrier avec le poëte :

Felix qui potuit rerum cognoscere causas ! Heureux qui sut en tout remonter à la cause.
Connais-toi toi-même, disaient les anciens, nos maîtres en ce point comme en mille autres choses. Par un contraste peu glorieux, notre siècle, si habile à deviner les secrets de la nature, semble incliner à devenir de plus en plus indifférent à ce qui le touche de plus près. On s’en fait presque un point d’honneur : ignorer nos destinées futures est, vous le savez, un article du symbole de l’école positiviste ; n’en déplaise à ces grands penseurs, nous n’en ferons pas aussi bon marché qu’eux. Nous avons bien, ce semble, le droit, de par le principe de liberté qu’ils proclament, de leur demander ce qu’ils prétendent mettre à la place des espérances qu’ils veulent nous ravir. Ce rapprochement, mon ami, fera ressortir le rôle social de l’Église, gardienne des vérités que tant d’imprudents raiso

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