Marcel Proust et Gustav Mahler: créateurs parallèles
298 pages
Français

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Marcel Proust et Gustav Mahler: créateurs parallèles , livre ebook

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Description

Proust et Mahler ne se sont jamais rencontrés. Leurs oeuvres si, à une époque où temps et subjectivité, deux notions centrales dans leur travail, étaient au coeur des débats intellectuels. L'ouvrage fait apparaître des singularités communes, qu'il prend cependant bien soin d'aborder différemment, soucieux de respecter les spécificités de chacun des créateurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2007
Nombre de lectures 273
EAN13 9782336261904
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection
Ouverture philosophique
Série esthétique
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Liminaire Faire du temps
PRÉSENTATION : CONSTRUIRE LE TEMPS STRUCTURATION : VARIANTE ET THÈME PLURIEL
La voix de l’autre
L’EMPRUNT LECTURES PARALLÈLES ET THÉORIES ESTHÉTIQUES POLYPHONISME ET DIALOGISME SIGNES EXTÉRIEURS DE THÉÂTRE L’IRONIE L’IDENTITÉ ET SOUFFRANCE
Finir avec le temps
ARRÊTER LE TEMPS “LÀ OÙ LE TEMPS SE PERD” ÉCRIRE SANS FIN. POURTANT IL FAUT CONCLURE
Marcel Proust et Gustav Mahler: créateurs parallèles
L'expression du moi et du temps dans la littérature et la musique au début du XXe siècle

Eve-Norah Pauset
www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2007
9782296022935
EAN : 9782296022935
Liminaire

“La vérité ne commencera qu’au moment où l’écrivain prendra deux objets différents, posera leurs rapports, et les enchaînera par le lien indestructible d’une alliance de mots. Le rapport peut être peu intéressant, les objets médiocres, le style mauvais, mais tant qu’il n’y a pas eu cela, il n’y a rien.” 1
En voulant présenter conjointement Proust et Mahler, deux problèmes se posent avant tout quant à la justification de l’entreprise, d’une part le risque d’une démarche comparative, d’autre part les raisons de cette exclusivité : quels sont les objets, ou “pourquoi la comparaison ?”
Que sont les objets ? Divers, les uns concernent l’esthétique de chacun en regard de ses références et critiques explicites ou tacites, la subversion ou reconversion des modèles hérités, les moyens techniques mis en œuvre pour ce faire. Les autres points confrontés se rapportent plus personnellement aux auteurs, leur culture, leurs lectures, leur position dans le contexte historique.
Pourquoi donc une logique de la comparaison ? Hormis qu’elle permet d’avoir “quelque connaissance de ce qui, sans cela nous resterait inconnaissable” 2 , sa mention conduit inéluctablement vers cet épouvantail scientifique qu’est l’analogie. Dans l’histoire conjointe de sa traduction et de sa définition où l’on voit les confusions possibles de sens 3 , celle-ci désigne au sens large l’idée de correspondance entre les éléments de deux ensembles différents, grâce à laquelle on peut établir entre eux une comparaison permettant de mettre en lumière une unité du divers et du multiple, et, sur la base de cette unité sous-jacente, d’accéder à partir du visible à une connaissance de l’invisible. Toutefois, elle présuppose que les différents ensembles mis en rapport soient ouverts les uns aux autres, et, s’ils ne le sont pas, non seulement aucun rapport n’est possible, mais encore, chacun des ensembles est pour tous les autres comme s’il n’existait pas. Chez Proust, cette technique par laquelle doit advenir l’immédiat découpe son œuvre et le monde grâce à l’intermittence de multiples instantanés synesthésiques qui imposent leurs vérités pour atteindre “quelque essence générale, commune” à plusieurs choses ou êtres, une profondeur qui ne peut s’observer mais se radiographier 4 , dont les apparences nécessitent d’être traduites, “souvent lues à rebours et péniblement déchiffrées” ; et c’est ce travail de “ que l’art défera, c’est la marche en sens contraire, le retour aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu en nous, qu’il nous fera suivre” 5 .
Mais encore, pourquoi la comparaison ? Parce qu’elle empêche “l’exaltation identitaire, et maintient les distances entre les comparables”, freine l’assimilation si l’on considère celle-ci comme “un glissement de la comparaison à l’identification”. Tentative et résistance à l’imitation 6 , le comme fait ainsi apparaître ses deux valeurs adverses : le quasi par lequel on se risque à une identification “avec une dernière hésitation oratoire qui se retient encore d’absorber la relation dans le même ” 7 , et le comme si qui refuse la confusion et maintient la non identité en incluant les dissemblances.
Plus précisément, la présente démarche s’attache en premier lieu à la structuration des œuvres par rapport à des schémas préétablis, le problème posé par celle de Proust étant lui-même multiple, entre le processus créateur, la forme donnée comme achevée, et l’essentiel hiatus entre les considérations du narrateur et celles de l’auteur. Aussi, certains écrits annexes étayent-ils également les considérations sur les visées esthétiques des deux créateurs.
Autant que faire se peut, ces œuvres seront donc décryptées dans leur particularité et la diversité des éléments observés posera la tentative d’exfiltrer des préoccupations parentes tout en ne se laissant pas distraire par l’apparence de similitude, moins parce que ces médiums diffèrent que parce que ces contemporains qui ne se sont jamais rencontrés ont exemplairement créé à l’appui de questions ayant spécifiquement nourri leur époque, offrant au regard des singularités parfois communes sans devoir être comprises ou traitées identiquement.
Il s’agit ainsi de faire communiquer Mahler et Proust en prenant en compte les sources et références dans et hors du cadre de leurs disciplines respectives — les connaissances littéraires du compositeur se révélant d’un intérêt qui n’est pas moins important que l’apport de la culture musicale, même peu technique, ne l’est chez Proust — ; de reprendre en somme le concept hugolien de littérature et philosophie mêlées, c’est-à-dire l’affirmation de l’existence chez un auteur d’une interprétation personnelle implicite de questions métaphysiques sous une forme non didactique et non systématique qu’il présente grâce aux ressources de son art, d’étendre ce concept aux arts concernés afin de mettre en valeur en quoi les esthétiques et techniques de ces deux créateurs, mais également de leurs prédécesseurs et successeurs, éclaircissent, parfois obscurcissent jusqu’à déplacer les philosophies sous-jacentes elles-mêmes représentatives de cette période.
C’est donc en premier lieu au travers de la technique compositionnelle qu’il est permis d’observer conjointement Proust et Mahler, le premier travaillant un réseau thématique selon des procédures de distribution dont rendent compte la construction et la génétique de La Recherche . À ce titre le nom de Proust apparaît souvent dans des ouvrages musicologiques mais il est requis de ne pas “ravaler l’explication des arts les uns par les autres au niveau de l’illusionnisme” 8 . S’il est excessif de prétendre que l’écrivain ait délibérément imité des procédés précis de composition, il n’est pas moins vrai que, pour répondre sans doute aux mêmes impératifs, il ait utilisé des dispositifs voisins pour assurer une unité, ce qui écarte toute occulte notion d’influence pour faire place à celle de parallélisme de technicité ou de convergence dans l’adaptation 9 , puisque là s’arrête l’évidence énonce François Decarsin, car les rapports entre ces deux domaines s’inscrivent dans la plus grande hétérogénéité, car d’un compositeur, d’un artiste à l’autre, se dessinent des profils différents 10 .
Encore peut-on avancer la mention de Proust dans le Mahler de Adorno, mais d’un contenu bien mince alors que celles relatives à Dostoïevski sont non dénuées d’intérêt au regard de sa présence dans La Recherche , ainsi que les avis laissés par Mahler sur l’auteur russe, quoique suffisamment flous quant à son acuité concernant l’économie des romans dostoïevskiens. Et lorsque Adorno entreprend de poser certaines parentés entre écriture romanesque et geste mahlérien, c’est vers d’autres auteurs qu’il se tourne, qui ne sont cependant pas sans rapports avec Proust. Il reste que l’on doit à Adorno d’avoir initié le qualificatif de romanesque pour la musique du compositeur, terme dont l’intérêt réside plus dans la discussion qu’il permet, tant par rapport à Mahler que par rapport au roman.
Au-delà de l’extériorité des configurations, la dimension technique est pourtant une condition pour observer des méta-catégories communes aux deux créateurs, à savoir tout ensemble le pastiche, l’emprunt, l’imitation créatrice, notions entourant le concept de voix d’autrui, d’identité, laquelle soulève d’autres questions d’“époque” et dont seront rapportées les thématiques adjacentes : l’ironie, le génie, la mémoire comme facteur essentiel dans la construction du moi et la représentation de la dimension du temps.
À ce titre, la relation entre récit et musique telle qu’abordée grâce aux techniques d’analyse situées dans la mouvance du structuralisme est lacunaire (même s’il leur revient le mérite de s’efforcer

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