Philosophie de la démarche éthique
127 pages
Français

Philosophie de la démarche éthique , livre ebook

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Description

Éthique est devenu un signifiant maître : adjectif ou substantif, il a envahi le discours contemporain, où il n'est question que de valeurs, de respect et de prise en compte de l'humain, surtout là où ils font défaut. Une véritable prolifération normative déferle sous ce nom, des droits de l'homme à l'environnement. Dans le même temps, on assiste à l'émergence de néo-valeurs, comme la transparence, le partage, l'exemplarité, le vivre-ensemble, qui déstructurent le champ des valeurs et préfigurent un monde sans éthique, à l'entière dévotion de l'ordre établi. Un anti-manuel se doit de protéger l'éthique tant de sa dégradation en système de règles et de consignes que de sa chosification en moralisme vague.

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Informations

Publié par
Date de parution 25 mai 2020
Nombre de lectures 3
EAN13 9782140150197
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

H I P P O C R A T E E T P L A T O N Études de philosophie de la médecine
Jean Lombard
Philosophie de la démarche éthique Antimanuel d’éthique pour l’ère des néovaleurs
Philosophie de la démarche éthique
Anti-manuel d’éthique pour l’ère des néo-valeurs
HIPPOCRATE ETPLATON Études de philosophie de la médecine
Collection dirigée par Jean Lombard
Cette collection accueille des études consacrées à la relation de la médecine et de la philosophie dans la pensée antique et à ses pro-longements à l’âge classique, aux Lumières et à l’avènement de la modernité. Elle propose à ce titre un cadre à la réflexion sur la dé-marche éthique dans le champ médical, médico-social et social.
Déjà parus
Jean Lombard,L’épidémie moderne et la culture du malheur, petit traité du chikungunya,2006 Bernard Vandewalle,Michel Foucault, savoir et pouvoir de la mé- decine, 2006  Jean Lombard et Bernard Vandewalle,Philosophie de l’hôpital,  2007  Jean Lombard et Bernard Vandewalle,Philosophie de l’épidémie,  le temps de l’émergence, 2007Simone Gougeaud-Arnaudeau,maté-La Mettrie (1709-1751), le  rialisme clinique, 2008  Jean Lombard,Éthique médicale et philosophie, l’apport de l’An- tiquité, 2009  Gilles Barroux,Philosophie de la régénération, médecine, biolo- gie, mythologies, 2009  Bernard Vandewalle,Spinoza et la médecine, éthique et thérapeu- tique, 2011 Victor Larger,Devenir médecin, phénoménologie de la consulta- tion médicale, 2011 Victor Larger,Le médecin et le patient, éthique d’une relation,  2012  Jean Lombard,La pratique, le discours et la règle. Hippocrate et  l’institution de la médecine, 2015 Gilles Barroux,la connaissance deLes sources médicales de  l’homme,2016  Jean Lombard,Philosophie du vieillir. Existence et temporalité dans la pensée antique, 2017
Jean Lombard
Philosophie de la démarche éthique
Anti-manuel d’éthique pour l’ère des néo-valeurs
Du même auteur chez le même éditeur
Aristote. Politique et éducation, 1992. Bergson. Création et éducation, 1997. Platon et la médecine. Le corps affaibli et l’âme attristée, 1999.L’école et la cité,1999. L’école et les savoirs,2001. Peinture et société dans les Pays-Bas du XVIIe siècle. Essai sur le discours de l’histoire de l’art, 2001.L’école et l’autorité,2003. Hannah Arendt. Éducation et modernité,2003. Aristote et la médecine. Le fait et la cause,2004. L’école et les sciences,2005. L’épidémie moderne et la culture du malheur. Petit traité du chikungunya, 2006.Philosophie de l’hôpital*,2007. L’école et la philosophie,2007.Philosophie de l’épidémie. Le temps de l’émergence*,2007.Éthique médicale et philosophie. L’apport de l’Antiquité,2009. La démarche et le territoire de la philosophie. Six parcours exotériques, 2014. La pratique, le discours et la règle. Hippocrate et l’institution de la médecine, 2015. Philosophie du vieillir. Existence et temporalité dans la pensée antique, 2017.
Du même auteur chez d’autres éditeurs
Isocrate. Rhétorique et éducation, Klincksieck, 1990.Philosophie et soin*,éditions Seli Arslan, 2009.Philosophie pour les professionnels de la santé*,éditionsSeli Arslan, 2010. Philosophie de l’altérité*,éditions Seli Arslan, 2012.
*en collaboration avec Bernard Vandewalle
© L’Harmattan, 2020 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-20343-0 EAN : 9782343203430
Avant-propos
«Ce livre est entièrement négatif. Que ceux qui [n’] aiment [que] les pensées positives ne l’ouvrent pas», prévenait un jour 1 Jean-François Revel . Sans doute une mise en garde aussi radi-cale aurait-elle étéexcessive en tête du texte qu’on va lire, mais on observera qu’elle n’est pas absente de son sous-titre, car si unanti-manueld’éthiquene peut pas être simplement un écrit sur l’éthique qui s’exprimecontre elleprétend exister ou sans elle, du moins doit-il comporter, comme tout ce qui est ditanti,une part effective de négativité ou de distance critique. En ce sens, un anti-manuelestet en même temps iln’est pasun ma-2 nuel . Ill’estquand il rassemble des éléments de savoir à rendre accessible et à transmettre, et on s’y efforcera ici en replaçant la démarche éthique dans le mouvement philosophique qui en a été et en demeureaujourd’hui encorela source.  Àl’inverse, parce que l’éthique ne se ramène ni ne s’identi-fie à un savoir,mais se constitue dans une démarche d’interpel-lation du savoir et du pouvoir, et aussi parcequ’elle est à ce titre une science sans contenu propre, une interrogation, une pratique purement délibérative, ce texte sera unanti-manuel chargéde protéger l’éthique de sa dégradation en système de règles ou en déontologie, ou de sa chosification en moralisme vague ainsi que de tous les périlsauxquels l’exposela moderni-té, au premier rang desquels la destruction de lacité des finspar
1  Jean-François Revel,La cabale des dévots, J.-J. Pauvert éditeur, Paris, 1965, p. 32. Dans ce titre célèbre, « dévotion » désigne « l’usage régulier de l’argument par les conséquences », visant à conclure par ce qui est souhaitable a priori, pratique courante dans les débats éthiques d’aujourd’hui. 2 Cf. la façon dont Malraux se justifiait d’avoir appelé son livreAntimémoires« parce qu’il répond à des questions que des Mémoires ne posent pas et ne ré-pond pas à celles qu’ils posent » (Gallimard, Paris, 1967, p. 20).
8Philosophie de la démarche éthiquelesnéo-valeurs et par toutce qu’on peut appelerd’unvocable sartrienl’esprit de sérieuxde la mondialisation. Il interroge doncl’ère des valeursqui est née sous nos yeux et la lancinante rhétorique de la bien-pensance qui en est à coup sûr le premier signe. Il tente de le faire à travers une description et une analyse des conditions, des visées, des procédures et aussi des limites de la démarche éthique considérée en elle-même, indépendamment du domaine particulier de l’actiondans lequel elle est pratiquée. Si l’éthique médicale abienété la première éthique de l’Occi-dent et si elle est aujourd’hui encore, sans aucun doute, lemo-dèle de toute éthique, c’esten raison de la véritable nature du Serment d’Hippocratequi, malgré la présentation qui en est faite traditionnellement et malgré la forme de son énoncé,n’estpas simplement un textedéontologiquemais la proclamation d’un engagement véritablementéthiqueau sens précis du mot : il correspond à l’inscription d’une pratique professionnelle, en l’occurrencecelle de la médecine et du soin, dans un espace qui, en Grèce ancienne et pour la première fois,n’estplus défini seulement par des objectifs, des techniques ou des procédés, mais par desvaleurs.Ce schéma, qui est alors nouveau, est res-té depuisla condition de l’éthique et même, en un sens, sa subs-tance, quel que soit le domained’activitéconcerné.  Au reboursde ce que l’usage tend à nous imposer toujours davantage,éthique etdéontologie ne seront donc pas tenus ici pour des termes presque synonymes et désignant des réalités voisines, équivalentes, complémentaires ou convergentes, mais pour des versants opposés et des modalités antagonistes de la recherche du bien et de notre relation au bien faire.  Autrement dit, malgré la fonctionmoralisantela mo- que dernité tend à lui attribuer de plus en plus,l’éthiqueest à bien des égards lecontrairede la déontologie et de la morale : elle se doit de leur opposer sans cesse son pouvoir de remise en cause ou de refus au nom de valeurs plus hautes, ce qui la situe non du côté des bons sentiments et des consensus vagues qui font tant de dégâts, mais del’examen critiqueet même de la subversion.
Anti-manuel d’éthique pour l’ère des néo-valeurs 9  La première tâche sera donc de penser à nouveau les limites qui séparent et relient la morale, la déontologie et l’éthique, les deux premières ayant seules une permanence effective et la der-nière n’existant au contraire que des élans et des gestes momen-tanés,c’est-à-dire sans cesse esquissés et jamais achevés, leur objectivation en règle, en loi, en code ou en norme mettant à chaque fois un terme à leur qualification proprement éthique et modifiant donc leur statut. Ainsi,les avis d’un comité d’éthique qui sont repris dans une réglementation ou au plan national une loi cessent aussitôt, de ce fait même,d’appartenir à l’éthiqueet deviennent des éléments réglementaires ou légaux. Au sens strict des termes, on ne devrait donc pas parler, sauf pour des raisons de simple commodité, de « lois bioéthiques », du moins si on veut conserver au motéthique une signification effective malgré la présence à son côté de l’idée de loi. Par ailleurs, en vertu des délimitations ainsi posées, la démarche éthique inclut évidemment la réflexion sur les valeurs, les normes, les lois, les règlements et les codes et systèmes moraux: c’est la manière dont elle les apprécie, dont elle les retient ou non, dont elle les prend ou ne les prend pas en compte, qui la qualifie comme éthique de tel ou tel type, normative, déontologique, conséquen-tialiste. On voit ainsi que l’éthique est par essenceune relation libre aux valeurs, à la morale et aux lois et que traiter de la dé-marche éthique,c’est d’abordpenser et mettre en tension la ré-ciprocité de la liberté et des valeurs.D’autre part,l’éthique apparaîtcomme le seul rempart pos-sible contre un constant délitement de lacité des fins que pro-voque à présentl’envahissement du champ moral parun ultimeavatar de la chosification des valeurs : la prolifération desnéo-valeurstelles que la transparence, le partage,l’exemplarité,le vivre-ensemble,et tant d’autresinventées ou célébrées chaque jour et dont la modernité raffole,qui sont autant d’éléments de novlangueaccents de aux moraline et qui ont en commun de déstructurer le champ des valeurs et de préfigurer un monde sans éthique àl’entière dévotion de l’ordre établi. De ce point de vue, l’éthiqueminimalisteproposée par Ruwen Ogien a pour
10Philosophie de la démarche éthiquevertu, parmi biend’autres, de permettre le repérage et la mise à l’écart des plus toxiquesde cesnéo-valeursà succès. Pourtant une fois posée la question duchamp de l’éthiqueet celui-ci rattaché à son origine antique - et non plus seulement, comme l’habitude en a été prise, à la réaffirmation desdroits de l’hommedans l’immédiat après-guerre -il s’agit d’examiner la dialectique de la liberté et des valeurs qui est, implicitement ou explicitement, le fondement de toute réflexion éthique,qu’elle soit individuelle ou collective, conduite dans le silence de la conscience ou dans la mêlée des débatsau sein d’uncomité.À vraidire, la démarche éthique s’effectuetoujours devant une espèce decomité d’éthique intemporel.L’existence de tant de comités d’éthiqueà quelque niveau et sous quelque forme qu’ils soient institués, les incertitudes et ambigüités de leurs pratiques et les aléas de leur composition ne contribuent pas peu à la mise en évidence des difficultés de la démarche éthique, confrontée à la complexité du divers et àla difficulté d’ensaisir le sens et d’enorienter le devenir dans le cadre del’action.  On voit par exemple que par définitionles travaux d’un co-mité d’éthique n’ont lieu d’êtreque si une situation rencontrée ou l’état d’avancement d’uneréflexion met en difficulté, prend en défaut ou fait révoquer en doute ou juger contradictoires, insuffisants ou inadaptés - et donc à dépasser - les préceptes de la morale, les prescriptions de la déontologie ou les dispositions des lois, des règlements ou des codes en vigueur. Or, à ce qui apparaît alors comme une carence ou une panne du savoir, on vient opposerla recherche d’une issue confiée à un comité dont les membres sont les représentants souvent les plus éminents de ce savoir et de ce pouvoir. Et on noteraqu’à l’inverse,lorsque certainsd’entre eux - voire tous ou presque tous - entrent en séance possesseurs à titre personnel de réponses aux questions que génèrela recherche de l’avis à émettre,la démarche éthique risque de se trouver plus compromise encore.  De fait, uncomité d’éthiquerequiert de façon impérative des compétencesdans le champ d’action concerné, ne serait-ce que pour avoir une compréhension exhaustive des termes du
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