Prendre soin de soi
253 pages
Français

Prendre soin de soi , livre ebook

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253 pages
Français

Description

Cet ouvrage philosophique analyse l'art d'exister comme capacité de donner du sens au temps et de mener une vie authentique, à partir de la connaissance de sa propre intériorité, ce qui est atteignable uniquement par la confrontation avec le monde extérieur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 septembre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140130854
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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LUIGINAMORTARI
PRENDRE SOIN DE SOI LART DEXISTER ENTRE INTÉRIORITÉ ET OUVERTURE AU MONDE
L’Harmattan 5-7 rue de l’École Polytechnique 75005 Paris
Autres ouvrages de l’auteure parus chez L’Harmattan :
LE SAVOIR DU CŒUR. Penser les émotions, ressentir les pensées(2018) PHILOSOPHIE DU SOIN(2018)
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Publication réalisée avec le concours de : Volume pubblicato con il contributo di : DIPARTIMENTO DISCIENZEUMANE UNIVERSITÀ DEGLISTUDI DIVERONA
Traduction de l’italien et mise en page réalisées par L’Harmattan Italia
NOTICE: toutes les citations ont été retraduites de l’italien
www.editions-harmattan.fr
© L’Harmattan, Paris, 2019 ISBN(FRANCE) : 978-2-336-31859-2 © pour l’édition originale italienne intitulée Aver cura di sé,Raffaello Cortina Editore, Milano, 2018
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SOMMAIRE
1.Pour donner du sens au temps Notes
2.L’essence du soin de soi La primauté existentielle du soin de soi Le soin de soi comme pratique Pratiques de spiritualité Se connaître soi-même Notes
3.Pratiques noétiques de soin Connaître la vie de l’esprit Le flux de la vie mentale Comprendre la qualité de la vie affective L’auto-compréhension affective Notes
4.Cultiver quelques pratiques spirituelles Accorder de l’attention Faire le silence intérieur S’octroyer du temps Enlever Chercher l’essentiel Cultiver l’énergie vitale Écrire la pensée Directions de sens du processus d’autoanalyse Notes
Bibliographie
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AVERTISSEMENT DE L’AUTEURE
Dans cet ouvrage j’emploie le mot « soin » et non le mot « souci » puisque, comme il apparaît dans la traduction en français du livre de M. HeideggerÊtre et Temps(1927 -édit. originale allemande), le mot latin « cura » ne signifie pas uniquement « se soucier / s’inquiéter » mais il désigne aussi le fait de « prendre soin », donc la « prévenance ». Le soin de soi implique donc « l’attention pour son propre être-là ».
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1.Pour donner du sens au temps
Le mythe de Cronos (Platon,Le politique ou de la royauté, 269a-275e) raconte qu’il y a eu un temps heureux pour la lignée humaine : en ce temps, les dieux soignaient les êtres humains. À l’époque, le dieu Cronos accompagnait l’univers dans son mouvement ; les choses se produisaient d’elles-mêmes au bénéfice des hommes (271d). En effet, le dieu Cronos gouvernait le mouvement circulaire de l’univers en prenant soin de tout (ἐπιµελούµενς ὅλης) (271d 4). En cette période, l’univers était partagé en régions ; chacune d’elles avait un gouverneur qui la gérait selon un principe d’ordre unique pour tout le cosmos. Mais cette condition de béatitude – quand les êtres humains faisaient l’objet de soins divins – eut une durée non infinie ; lorsque le temps fut accompli et que le mouvement du cosmos atteignit sa plénitude, Cronos se retira dans un point d’ob-servation externe au mouvement du monde (272e), en l’affranchissant de sa présence. Puis tous les autres dieux abandonnèrent à leur tour les régions leur confiées. Il advint alors que le mouvement de l’univers ne respecta plus l’ordre premier et, ainsi, les hommes se retrouvèrent abandonnés, dépourvus d’attention divine (274b 6). Pendant longtemps, ne disposant d’aucun instrument et d’aucune technique, ils rencontrèrent de graves difficultés, car ils manquaient de nourriture. Finalement, ils reçurent des dieux, en cadeau, les techniques nécessaires à la vie humaine et, grâce à celles-ci, ils purent pourvoir à leurs propres besoins. Le mythe de Cronos énonce une thèse ontologique fon-damentale sur notre condition : il affirme que le cadre de naissance et de vie des êtres humains est celui où ils se
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retrouvent«privésdesoinsdelapartdesdieux[τη̂ς ἐπιµελείας ἐπέλιπεν ἀνιθϱώπους] » ; par conséquent, ils sont appelés « à prendre soin d’eux-mêmes par eux-mêmes [τνπιµέλειαναυτοςαυτɷ̂νχειν]»(274d11-13). Le soin constitue la qualité essentielle de la condition humaine. Puisque le soin n’est pas quelque chose qui nous appartient, au contraire de notre corps et de notre esprit, car il correspond plutôt à une façon d’être-là à laquelle nous devons donner une forme, on peut dire que la condition humaine est un appel à quelque chose d’es-sentiel qui manque toujours : le soin. Pour tout un chacun, le fait d’être-là coïncide avec une tension continue en vue de se procurer ce qui est nécessaire à la conservation de la vie, ce qui la fait fleurir et ce qui répare les blessures se succédant dans le temps (Mortari, 2015). Quand on se retrouve à analyser son propre être, on découvre qu’il a la qualité de l’inconsistance, dans le sens que la condition ontologique est celle pour laquelle, à tout instant, on se découvre exposé au néant (Stein, 1997 : 64). Nous vivons dans le temps et le temps est notre matière à nous, mais nous n’avons guère de souveraineté sur lui ; seul le présent semble nous appartenir, mais le présent est l’actuation instantanée d’un moment qui se dissipe juste après. La qualité de notre être-là correspond à celle d’un devenir continu ; le devenir est la prorogation de l’instant et chaque instant, en s’écoulant, emporte une goutte d’être. Nous sommes donc dépourvus d’essence et il n’y a rien, dans la condition humaine, qui garantisse le devenir de l’être ; nous sommes une série de possibilités, mais le pos-sible n’est pas l’être. Comme on se découvre manquant d’être, mais aussi dans un état de prorogation permanente et toujours exposé au risque du néant, on se retrouve aussi appelé à la responsabilité de façonner son être possible, une responsabilité fécondée par le désir incoercible de
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vivre une bonne vie. Voilà le paradoxe de l’existence : sentir son propre être comme inconsistant, fragile, fugace, sans disposer de souveraineté sur son propre devenir et, à la fois, se sentir lié à la responsabilité de répondre à l’appel à actualiser son propre être possible, soit à ce tra-vail pénible et ontogénétique correspondant au métier de vivre qui exige, de sa part, qu’on mette entre parenthèses la tendance à vivre moment après moment, pour penser dans le temps. On naît chargé d’une tâche que d’autres créatures vivantes, comme les bouleaux ou les abeilles, n’ont pas : on doit donner une forme à notre temps, on doit remplir de sens les chemins de l’existence. Notre être est un devenir permanent et cela ne coïncide pas avec le simple flux du temps, mais avec le fait de se retrouver entièrement absorbé par la préoccupation d’être (Lévinas, 1991 : 28). C’est la préoccupation non seulement de se conserver dans la condition d’être, mais aussi de devenir son possible. En se chargeant de la tâche de façonner son devenir, on soigne la vie, on prend à cœur l’appel à la responsabilité de la forme à donner au temps vécu. Pourtant, ayant jus-tement origine dans le manque d’une forme accomplie et donc grevé du travail de devenir son propre pouvoir être, le soin pour la vie prend le risque de se traduire en un mouvement autoréférentiel égoïste, entièrement concentré sur soi. Ce danger rencontre, dans la réalité, une limite insurmontable, car le devenir de tout un chacun est mélangé inextricablement avec le devenir d’autrui. Nous sommes des créatures intimement relationnelles. C’est l’essence relationnelle de la condition humaine qui oblige le soin pour la vie à se qualifier non seulement comme soin de soi, mais aussi comme soin d’autrui et du monde. Lévinas (1991 : 28) définit la réponse à cet appel vers l’autre en termes de « autrement qu’être », afin de désigner le geste de responsabilité de « se consacrer à l’autre ».
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Dans la responsabilité pour l’autre, cependant, on ne doit pas voir une interruption de l’effort d’être là, comme si l’être-là était un être-là pour soi et comme si le fait de décider de prendre soin d’autrui impliquait de ne plus faire attention à soi. Ce « hors de soi pour l’autre » conceptualisé par Lévinas (1991 : 28) suppose un moi indépendant d’autrui ; par contre, le fait d’exister cor-respond immédiatement au fait d’être-là avec les autres. En somme, l’être-là qui, dans son essence, consiste en l’appel à devenir son propre être en puissance, c’est aussi, dès le début, une forme de responsabilité de soi et d’au-trui. Dans la vision ontologique de Lévinas (1991 : 28), « l’aventure existentielle du prochain est, pour le moi, plus importante que la propre, car elle rend le moi tout de suite responsable de l’être d’autrui ». C’est dans ce dés-équilibre vers l’autre, qu’on retrouve la dimension primaire de l’éthique. Néanmoins, ce regard sur autrui, geste génératif de l’hu-manité, ne doit pas obscurcir l’essentialité du soin de soi, puisque sans soin de soi, il n’y a pas de possibilité de soin pour autrui ; bref, le geste éthique du soin pour l’autre est essentiel pour découvrir sa propre humanité. Il ne peut pas y avoir, donc, un simple être pour soi, auquel on oppose-rait ‘une façon alternative d’être’, parce que, par essence, l’existence non seulement est une manière de prendre soin de la vie, mais elle est aussi inséparable du soin de soi et des autres. Ce que nous sommes appelés à apprendre, c’est le fait de savoir comment prendre soin de l’existence ; en d’au-tres mots, « il faut apprendre l’art d’exister », soit cette connaissance des choses humaines (ἀνθϱωπίνη σοφία) dont parle Socrate (Platon,Apologie de Socrate, 20d), qui nous permet de trouver la bonne forme de vie. L’art d’exister est un savoir qui nous aide à trouver les moyens
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